Interview de Matmatah ("La Cerise") !

Interview de Matmatah ("La Cerise") !

Douzième année d’existence de ce groupe composé de 4 brestois, Matmatah était en concert à Nancy le 18 avril. Par un hasard qui n’en était pas vraiment un, moi aussi. Quelle chance ! J’ai ainsi pu faire la connaissance de Tristan Nihouarn, l’auteur-compositeur-interprète de pratiquement tous les textes de l’album ‘La cerise’.

Après bien des péripéties (si les habitants de Nancy se souciaient un peu plus de l’endroit où ils habitent, ils sauraient peut-être renseigner les journalistes égarés ! Je remercie ici le beau jeune homme à l’attaché-case qui m’a indiqué où se trouvait l’hôtel. Je remercie aussi, Dan, le régisseur du groupe. Je remercie aussi ma… Ah non ! Ce n’est pas le bon moment !), j’ai découvert qui se cachait derrière de magnifiques chansons comme ‘La cerise’, ‘Le festin de Bianca’, ‘Entrez dans ce lit’ ou encore ‘La fleur de l’âge’ et ‘Pony the pra’. Le mieux pour vous est d’acheter leur dernier album ‘La cerise’ et de l’écouter en boucle. Vous découvrirez un Matmatah étonnant comme à son habitude, digne des plus grands groupes de rock, bien loin d’un groupe de rock celtique. Les textes sont léchés, la rythmique enlevée et variée, la musicalité magique.

Rencontre sans fioritures avec un chanteur poète :

1. A l’origine, Matmata est le nom d’un village tunisien où tu as vécu enfant. Pourquoi avoir ajouté un « h » final ?

Je n’ai pas vécu dans ce village tunisien, ce sont des conneries. J’y suis allé en effet mais je n’y ai pas vécu. En fait, c’est une rumeur véhiculée par un site non-officiel qui véhicule cela depuis des années. Ahah, j’ai un scoop ! Rires. Hé non, c’est remonté jusqu’à France Inter où un type me sortait toutes les infos du site et où je lui répondais « Non ! Non ! » Quand il a commencé à s’énerver, je lui ai expliqué qu’il était tombé sur un site non-officiel et donc, que tout ce qu’il disait était faux ! Rires

En réalité, nous avons ajouté le « h » final pour une raison purement graphique et il s’est avéré que des tunisiens nous ont dit que c’était beaucoup mieux ainsi pour la prononciation.

2. Est-ce qu’aujourd’hui, si on vous catalogue encore de groupe de rock celtique, cela vous agace ?

Rires. Oui ! Parce que c’est faux aussi. Cela a concerné quelques chansons du tout début. C’est du rock et il n’y a plus vraiment quelque chose de celtique. Peut-être dans la tête de certaines personnes obstinées. Enfin bon… rires. Après tout, ce n’est pas notre problème, c’est le leur !

3. A l’Olympia, vous n’avez pas chanté « L’Apologie ». Vous la chanterez ce soir où elle fait définitivement partie du passé ?

Non, non. Elle avait été faite à l’Olympia mais elle ne figure pas sur l’album. On ne peut pas mettre tout un concert sur un album. Dans la dernière tournée, on faisait chanter des gens, en fait. Disons qu’elle ne fait pas partie du présent. Il faut qu’on choisisse des chansons et comme nous commençons à en avoir pas mal et que nous ne pouvons pas rester à chanter 5 heures sur scène... C’est une sélection cohérente, une tactique de concert. Pour l’instant, on l’a fait pas. Peut-être qu’on la refera après…

4. Onze ans d’existence, 4 albums (La ouache, Rebelote, Archie Kramer, La cerise), des live, des concerts à la pelle en France, à l’étranger (Inde, Australie, Russie)… Vous ne vous épuisez jamais ? Comment vous ressourcez-vous ?

Sourires. Si. Mais on fait des poses quand même entre les trucs. On alterne tournées, un disque. Ce n’est pas du tout la même chose, le même processus. On ne tourne pas non-stop non plus. Il faut ménager sa monture. De plus en plus d’ailleurs ! Rires L’âge venant… Oui ! rires

5. A propos de vos albums, aucun ne se ressemble même si la patte Matmatah existe. Vous aimez surprendre votre public ou vous vous contentez de vous faire plaisir avant tout ?

On se fait déjà plaisir parce que si on ne se faisait pas plaisir, ce serait un truc de maso. Ce serait une malhonnêteté envers le public. Et c’est vrai qu’on aime bien surprendre. On se donne toujours des directions et on ne les respecte jamais. A la fois on compose et on écrit des chansons et, quelque part, les musiques viennent d’ailleurs, nous, on est juste des scripts et on essaie d’explorer tous les styles. Mais si on peut garder une patte, en effet, c’est ce qui nous intéresse. Il y a tellement de chose à faire en musique qu’on ne va pas se cantonner…

6. Ce soir, vous donnez le 4ième concert de votre tournée à Nancy. Comment cela se passe-t-il ?

Et bien pour l’instant ça va. On prend nos marques aussi puisqu’on présente le nouvel album, les nouveaux morceaux, bien sûr. On ne sait pas trop comment le public va réagir et c’est à cela que servent les premiers concerts : prendre la température, voir comment les gens réagissent, rectifier le tir aussi sur certaines choses. C’est une prise de contact.

7. La Cerise est un texte qui vilipende les grenouilles de bénitier. Vous n’avez pas eu de problème avec les Catholiques ou personne n’a compris la chanson ?

Rires. Pas pour l’instant. Ce n’est pas vraiment le terme de la chanson finalement. C’est vrai qu’on écorne un peu les religions mais c’est plus une réflexion personnelle sur la croyance, sur l’existence éventuelle de quelque chose après la mort. C’est plutôt une interrogation déontologique qu’une chanson anti-religieuse. Quoique c’est difficile de… ça va de paire quand même mais c’est vraiment plus une interrogation personnelle, il n’y a pas de polémique à avoir sur cette chanson. Nous ne sommes pas en train de vouloir rallier qui que ce soit à cette cause-là parce que, finalement, ça ne concerne que soi. Voilà. Chacun sa merde quelque part ! Rires Cela faisait longtemps que j’avais envie de parler un peu de religion et que je ne voulais pas tomber dans le démago en assassinant gratuitement la religion en général. Ce n’est pas le but de la chanson.

8. Si ‘Bianca’ est une mante religieuse, l’homme dont vous parlez dans ‘Entrez dans ce lit’ refuse l’engagement. Il n’y a pas d’amour heureux ? Juste des instants fugaces ?

Moi je ne sais pas si on peut vraiment parler d’amour dans ‘Entrez dans ce lit’ et dans ‘Bianca’. Je ne sais pas. Sourires. Pour le coup, ‘Bianca’ est vraiment une chanson empirique. On a observé en studio l’accouplement plus le déjeuner d’une mante religieuse et on a trouvé… sourires. On a été choqués ! J’ai essayé de replacer cela dans un contexte humain et ça fait vraiment peur. Mais c’est une partie des choses, ça n’a rien à voir avec l’amour. C’est du sexe. Et ‘Entrez dans ce lit’ sous des abords romantiques, c’est vrai que, quelque part dans le texte, il y a une complicité entre le narrateur et l’interlocuteur, on sait ce qu’on veut quoi. rires

9. Vos textes semblent plus travaillés, c’est parce que vous avez maintenant des stylos* ?

Rires. J’ai commencé à écrire des textes au début du groupe, cela fait 12 ans maintenant. C’est en forgeant qu’on devient forgeron. C’est vrai que j’ai progressé de ce côté-là. En tout cas, c’est ce qu’on dit. Il est vrai qu’à force, la plume s’affûte et que c’est aussi moins laborieux.
J’aime bien le terme « les textes ont l’air plus travaillés », je ne sais pas s’ils le sont plus. Peut-être qu’on les écoute mieux aussi. Mais c’est un muscle aussi l’écriture. Quand on commence un groupe sérieux, les textes, c’est un peu le prétexte pour faire de la musique. Et puis finalement, au fil des années, on se rend compte qu’écrire, c’est vraiment un plaisir et j’adore ça !

10. Pourquoi un texte de Kerouac ?

C’était un peu un hasard, même si lire Kerouac n’est pas un hasard parce qu’il fait partie de mes références depuis très très longtemps. Mais ce bouquin-là** est sorti très récemment, c’est un recueil de textes, les chorus, qui sont un peu des poèmes sans en être vraiment. J’étais tombé sur un truc qui ressemblait à un texte de blues mais qui était un peu trop court. J’ai pris ma guitare et j’ai réécrit deux autres couplets juste en bas de chez moi pour avoir un texte conséquent afin d’en faire une chanson et on l’a répété ensemble. On n’avait jamais joué de blues en plus, c’est un risque. Jack Kerouac est quand même un américain dont la famille est originaire de Bretagne, à 40 bornes de chez nous. C’était assez rigolo, finalement, de continuer un texte de Kerouac et de l’arranger de manière totalement américaine, puisque le blues c’est quand même quelque chose de très américain, mais finalement, c’est fait cent pour cent par des bretons. C’était un échange transatlantique assez intéressant.

11. La musicalité de ‘La fleur de l’âge’ fait penser à du Gainsbourg. Je trouve le texte est vraiment magnifique.

Alors voilà, c’est peut-être un texte qui a l’air plus travaillé mais je crois que je l’ai écrit en ¼ d’heure. Mais il ne faut pas le dire ! Rires Qui vous l’a inspiré ?

Le texte ? Je me rappelle très bien cette journée où je l’ai écrit. Je n’étais pas bien du tout et parfois j’écris pas forcément pour faire des chansons mais j’écris pour me soulager un petit peu et là, en 1 heure et demie, j’ai écrit ‘La fleur de l’âge’, ‘Et tourne le compteur’ et la moitié de ‘La cerise’. Au moins, c’est efficace. C’est souvent quand on n’est pas bien comme cela, que ça trace. Ce texte-là est un texte qui peut être confus mais qui l’est volontairement. Il y a un peu l’amalgame de départs et d’arrivées de personnes de notre entourage ces quelques dernières années. Ce sont des espèces de plans qui arrivent : la vie qui commence, la vie qui finit et qui recommence… Grosso modo, c’est cela. C’est un peu cette impression de voir des gens défiler, ce qui n’était pas forcément le cas quelques années auparavant mais là, il se trouve que des gens sont partis de notre vie… C’est plus du ressenti celle-là parce qu’il n’y a pas forcément de problématique dans la chanson. C’est un peu impressionniste…

Ce texte-là, ‘La fleur de l’âge’ et ‘Et tourne le compteur’ n’étaient pas des textes destinés à devenir des chansons. Il se trouve que notre directeur artistique est allé fouiller dans ma clé USB, il les a ressortis et il m’a dit « Tu vas faire des chansons avec ces textes-là ! » Je l’ai un peu pris comme un viol quand même ! On s’y est mis et… Il a bien fait finalement. Oui, il a bien fait. C’est vrai que dès fois nous avons besoin de quelqu’un.

12. L’heure est venue de nous séparer. Merci ! Je vous laisse le mot de la fin…

A ce soir ! On est repartis !

* Now we have a pen
** Book of the blues de Jack Kerouac

La cerise, Matmatah, Universal Barclay La Ouache Production

Site officiel du groupe