The Strokes ; « First Impressions Of Earth », Stroke on ze rock

The Strokes ; « First Impressions Of Earth », Stroke on ze rock

Ils nous avaient séduits avec leurs minois de jouvenceaux et leur attitude de sauvageons mal dans leur peau, puis littéralement conquis avec la fraîcheur de leur rock instinctif, frétillant et joyeusement bordélique. Aujourd’hui, c’est avec les mêmes atouts qu’ils reviennent nous faire leur numéro de charme. Et le pire, c’est que ça marche !

Soyons lucides ! Certains groupes l’ont, et d’autres ne l’ont pas… De toute évidence, The Strokes, eux, l’ont aussi naturellement que d’autres ont des pellicules ou les cheveux gras. « Mais de quoi parle-elle ? » vous demandez-vous peut-être. Voilà une question qu’elle est bonne, et à laquelle je ne saurais d’ailleurs répondre avec exactitude, puisque c’est précisément d’un je-ne-sais-quoi dont il s’agit, vous suivez ? Mais si ! Je vous parle de ce ‘truc en plus’, ce petit ‘extra’ insaisissable et inexplicable, mais qui fait justement toute la différence entre un groupe en ‘The’ ordinaire et un groupe en ‘The’ ‘extra’-ordinaire. Eh bien, force est de reconnaître que The Strokes l’ont bel et bien, ce truc en plus. D’ailleurs, ne faîtes pas les étonnés, vous êtes certainement bien placés pour le savoir... Allez, entre nous, avouez que vous possédez au moins un de leurs albums ! Sinon expliquez-moi où se sont volatilisées plus de trois millions de copies de leurs opus ?

Elles ne se sont pas achetées toutes seules, et je suppose qu’elles n’ont pas non plus atterries chez vous (ou dans la chambre de l’ado qui habite chez vous) par hasard !

Car enfin, outre le fait que le quintet ait été encensé par les critiques tous azimuts et soit devenu la coqueluche des lycéennes, il semble tout de même peu probable que six millions d’oreilles ‘s’acouphèneraient’ volontairement avec leur rock sulfureux, juste par hasard. Franchement ! Ce serait un comble qu’ils soient devenus des rock stars universelles sur un ‘mal-entendu’, non ? D’ailleurs, vous remarquerez que The Strokes est l’une des rares formations à avoir survécu à la mode ‘feu de paille’ des groupes en ‘The’ et à ne pas s’être fait complètement brûler les ailes par le succès foudroyant de leur premier album. Pourtant, il s’en était fallu de peu, car dieu sait que « This Is It » en avait eu, du succès. Vous vous souvenez ? C’était en 2001. Le ‘quin-têtes-de-lard’ new yorkais, alors inconnu au bataillon, avait déboulé en futals moulants et Converses dernier cri, et éclaboussé toute la mouvance garage-rock tendance ‘do it yourself or fuck off’, avec un opus si furieusement différent et génialement extravagant, que non seulement on en parle encore à l’heure actuelle de façon dithyrambique (la preuve !), mais qu’en plus, vous pouvez toujours courir pour le trouver étiqueté d’un macaron ‘offre spéciale’, même cinq ans après sa sortie.

Eh oui, un chef-d’œuvre, ça ne se brade pas, ça se paie comme ça s’écoute : plein pot ! Mais voila. Après avoir brusquement enflammé le cœur des foules et avoir été propulsés dans la ‘Strokosphère’ des ventes de disques, une question palpitante démangeait alors toutes les lèvres : comment diable les Strokes vont-ils s’y prendre pour égaler la performance de leur premier opus ? La réponse tant attendue (et donc forcément un peu décevante) fut donnée l’année suivante avec l’album « Room On Fire » ; l’ersatz excessif de « This Is It », ou un plat filandreux et réchauffé qui laissera tout le monde sur sa faim, ou peut-être écoeuré ?

Jamais 2 sans 3 ?

Après le semi flop de leur deuxième album (ou le succès damné du succédané), The Strokes firent alors ce qu’il y avait de mieux à faire dans leur situation, à savoir : prendre du recul, beaucoup de recul… Trois rotations de la planète plus tard, les cinq ‘extra’-terrestres sont enfin de retour dans la ligne de mire des médias, et livrent aux inconstants auditeurs que nous sommes, leur « First Impressions Of Earth » ; un 14 titres survolté et, oh surprise, résolument différent.

Car dès la première écoute, c’est clair ; quelque chose a changé. Hormis le fait que l’opus soit quasiment deux fois plus long que les précédents, l’une des grandes différences se situe au niveau du son, et pour cause ; le producteur ‘attitré’ du groupe, Gordon Raphael, a cédé les manettes à la poigne de fer (dans un gant de crin) du célèbre David Khane, notamment connu pour ses collaborations avec McCartney, SugarRay et Staind. En producteur impitoyable et tatillon, Khane n’aurait apparemment pas hésité à tyranniser les musiciens durant neuf mois, et les presser comme des citrons pour tirer le meilleur d’eux-mêmes.

Résultat : « First… » est une double dose de rock bien tassé qui vous grise en moins de deux et donne envie de danser n’importe comment en chantant très fort. L’opus débute par un titre léger et entraînant, You Only Live Once, qui chatouille agréablement les tympans avant de passer aux choses sérieuses avec Juicebox, l’imparable single aux riffs décapants et à la ligne de basse redoutable, genre ‘Mission Impossible’.

Puis, au fur et à mesure que les titres s’enchaînent, les instruments, eux, se déchaînent (emballées rythmiques de Moretti, quelques solos bien sentis des guitaristes Valensi et Hammond Jr), quant aux vocalises de Julian Casablanca, elles vous surprennent, et qui plus est, en bien. Car voila l’autre grande nouveauté ; désormais Casablanca ne chante plus dans ce qui semblait être un vieil interphone pourri, mais dans un vrai micro qui marche. Et là, stupeur ! On se rend compte que le bougre sait chanter, et fichtrement bien, même. Passant en un clin d’œil du chant suave et caverneux d’un crooner baryton, à des rugissements étranglés de bête sauvage, Casablanca nous sort le grand jeu et fait des effets de voix qui laissent sans voix.

A cet égard, Heart In A Cage et Vision Of Division sont deux spécimens de cyclothymie vocale fabuleusement ciselés et brillant de mille éclats de voix, donc. En fait, Casablanca pousse même tellement bien la chansonnette que, pour un peu, on lui pardonnerait presque de chanter pour ne rien dire. Car si ses vocalises s’envolent vers des sommets de perfection, ses textes, eux, restent désespérément collés à l’asphalte de Lower East Side. Mais bon, après tout on s’en fiche, on n’est pas censés comprendre… ‘Just enjoy’ !

The Strokes ; « First Impressions Of Earth », Jive, sortie prévue le 3 janvier 2006