"Lamentable, si on préfère", Droit de réponse à propos d’un article de Bruno Wajskop

Ce texte est une réaction modérée à un article paru sur « oulala.net » et Lemague.net intitulé « Edition : action directe et micro terrorisme littéraire », rédigé par un certain Mr Wajskop.

Je m’étonne, préférant garder ma colère pour des conflits ou des débats plus importants, qu’un site d’information, qui se réclame de sensibilité « altermondialiste », publie un tel article. Et en plus le qualifie d’ « imparable » et « indispensable ».

Qu’une personne puisse avoir un litige personnel, individuel, isolé (hélas), avec une autre personne (qu’il soit éditeur, jardinier, voisin ou sociologue), ou un groupe d’autres personnes, est une chose. Qu’en découlent parfois des frustrations est compréhensible. Mais qu’une personne utilise un conflit (ou un malentendu) personnel pour attaquer, dénigrer et stigmatiser de nombreux acteurs du monde culturel est, et c’est le moins qu’on puisse dire, douteux. Si cette personne, comme le fait manifestement Mr Wajskop, use de la technique politicienne de l’amalgame (vieux comme l’empire romain qui proclamait que tout ce qui n’est pas romain ou grec est forcément barbare), pour tenir des propos injurieux vis-à-vis d’éditeurs et de diffuseurs et d’auteurs et d’acteurs associatifs qui se débattent avec honnêteté et intégrité et fragilité à la marge de la culture institutionnalisée, est inacceptable. Ou lamentable, si l’on préfère. Salir verbalement les méthodes de travail, les visions du monde et la philosophie éditoriale de toute une série de personnes (en louant au passage l’establishment littéraire, pour qui, on devrait le savoir, un livre est une valeur marchande et basta), à partir d’un mécontentement personnel, et en plus l’afficher sur la place publique, fait peut-être partie intégrante de la liberté d’expression, mais manque passablement de dignité et de subtilité.

Epinglons juste quelques bribes du texte de Mr Wajskop pour constater ses motivations diffuses mais nuisibles. Dans le deuxième paragraphe de son article, il demande aux maîtres de sa fille qui a quatre ans, de la protéger contre « ceux qui rêveront de la posséder ». Qui sont ceux qui rêveront de posséder sa fille ? Ceux qui enragent parce qu’ils écrivent moins bien que Mr Wajskop ? S’ils sont nombreux, sa paranoïa paternelle est sans doute justifiée. Donc, maîtres, soyez vigilants.

Implorer les maîtres est étrange pour un homme qui a écrit un livre avec un titre composé de deux mots, dont le premier est « anarchie ». Nombreux sont ceux (Messieurs Bakounine, Malatesta, Makhno, Durruti, par exemple) qui doivent faire des pirouettes acrobatiques au fond de leur tombe ou urne. Et qui au juste veut « capter le marché des militants » ? Qui sont ces éditeurs galleux qui rôdent au sous-sol de l’édifice littéraire contemporain ? Et de quoi est composé ce marché qu’ils embusquent ? De quels militants ? Quel est le pouvoir d’achat de ceux-ci ? Et pourquoi ne sont ils pas assez intelligents pour réaliser que certaines maisons d’édition sont en train de conspirer à grande échelle pour les piéger et leur arracher leurs tirelires précaires ? Questions complexes…

Plus grave cependant sont deux autres affirmations de Mr Wajskop. Reprocher (par allusions) à un éditeur de faire semblant de brandir « un militantisme gay et lesbien », « les droits de l’homme » ainsi que « la défense des sans-papiers » dans le seul but de vendre des produits, est révélateur d’un solide bassesse intellectuelle. De plus, connaissant de près l’éditeur insulté de la sorte, je sais qu’il publie de la littérature gaye et lesbienne par choix assumé et que son implication contre le recul progressif des droits humains élémentaires que l’on est malheureusement obligé à constater de nos jours, est sincère et lucide ainsi que désintéressé d’un point de vue mercantile.

Et puis, insinuer qu’un diffuseur alternatif escroque les éditeurs qu’il distribue (non sans difficulté), est tout simplement inacceptable. Et ce sur un site qui se défend de publier de « l’à peu près ». Quel poids vénéneux peuvent avoir de telles rumeurs est établi.

Les deux accusations de Mr Wajskop sont, ça va de soi, nominatives.

Enfin, utiliser les termes « action directe » et « terrorisme » dans le titre d’un article - dans un monde dans lequel les médias de masse tordent allègrement et quotidiennement la sémantique pour servir les finalités du pouvoir libéral et impérialiste - et ce uniquement pour déverser sa bile névrosée, est explicite quant à l’attitude philosophique de l’auteur de cet article.

Qui signe en jonglant, on ne sait pas trop si c’est avec Rimbaud (ce chien errant qui retourna à Marseille pour crever) ou avec la pipe de Magritte (ce chien errant qui peigna dans sa cuisine parce qu’il n’était pas assez fortuné pour louer un atelier) et prend ainsi ses responsabilités.

Je sais que Mr Wajskop a écrit quelques livres. Je n’en lirai aucun. La lecture de son article était bien assez édifiante.

Tom Nisse

Bruxelles, 13.03.07