Roman pornographique

Roman pornographique

C’est écrit dessus. Comme quoi on peut tout écrire de nos jours alors ne nous privons pas d’un petit écart : Monsieur est servi est un régal d’humour courtois, d’amour libertin et de fines parties de chasse …

Voici donc de la véritable littérature brisant un tabou. On n’en avait point lu depuis le divin Marquis. C’est Esparbec qui reprend le flambeau d’un art ô combien délicat et difficile mais le pari est réussi. Salué par Wolinski et Delfeil de Ton ou encore Wiaz, notre auteur insatiable a le don d’écrire ce que l’on n’ose à peine penser dans la nuit de nos désirs. Il avoue être un obsédé sexuel et ne pouvoir n’écrire que sur ça. Nous ne lui en tenons point rigueur car s’il s’encanaille une nouvelle fois, en alliant avec malice la narration classique à des scènes d’une belle cruauté, des tableaux de chasse à cru où le pigeon n’en a cure, le principe premier qui est de s’adonner à ses passions préférées étant le fil rouge, on abonde.
Tout l’art de notre narrateur consiste bien à écrire tout cela comme si il parlait d’autre chose, mais voilà ! Si le style est classique et précis et permet de situer dans un contexte normal l’ambiance et le décor, les scènes sont salaces. Et c’est tant mieux ! Au diable veaux, vaches, cochons ! Monsieur le curé n’écoutez pas, ici on s’amuse et on l’assume ! On lit ce roman comme on lirait n’importe quel auteur digne de ce nom, avec en plus le petit pincement au ventre qui vrille les sens …

Comme toujours chez Esparbec cela se passe dans le Lot, car c’est en province que l’on s’ennuie le plus, et que l’on y trouve le temps de se perdre en jeux érotiques. On suivra la vie de Pierre Fournier, tout jeune divorcé d’une Manon impossible et hystérique qui se consolera dans les bras de la bonne, Toni. Délicieuse madone qui a ses petits jeux fétichistes et aime bien recevoir la fessée, attachée dans le "donjon" (outrageusement tarifé, au black, en sus de ses heures passées au service de la maisonnée) … Mais d’une simple fessée donnée avec la cravache de Madame la situation peut bien vite dégénérer et rien ne va plus. Les mots jaillissent dans un torrent de délectation infinie. Les dialogues sont plein de répartis cocasses, l’on rit aussi tout en suivant les reptations de la bêtes à deux dos. L’on savoure les mouvements, l’on épie les râles, l’on contemple les passes chevaleresques … "Ses traits se convulsèrent, et le rose interne de la muqueuse perla hors de l’anneau bistré ; se retournant comme un doigt de gant, le boyau forma une petite gousse rose au centre de laquelle se forma un trou sombre parfaitement circulaire. Une larme de mouille pleura hors de son vagin et s’étira en un fil luisant … J’introduisis mon gland dans la tulipe de son anus, et elle me ravala dedans. Je commençai à pousser, lui renfournant sa corolle dans le cul, et autour ne subsista plus que le fessier boursouflé."

On l’aura compris, nous sommes dans la narration précise et détaillée, mais la patte d’Esparbec permet de ne jamais sombrer dans le vulgaire. Pornographie chic, en quelque sorte, que cette histoire caricaturale qui ne force le trait que pour provoquer une émotion. Si la méticulosité du détail peut choquer, le sel qui en ressort aura tôt fait de faire taire Mère Pudeur car la où il y a de la gène il n’y a pas de plaisir … A consommer sans modération.

Esparbec, Monsieur est servi, La Musardine, mars 2007, 281 p. – 17,00 €