Interview : Claude Ribbe ("Les Nègres de la République")

Interview : Claude Ribbe ("Les Nègres de la République")

"Les Nègres de la République" de Claude Ribbe sortira dans quelques jours et vous fera certainement changer votre façon de regarder les autres. Telle est la volonté affichée de son auteur qui, à travers cet essai, court, brillant et d’une efficacité redoutable, commet un livre Evènement, à la fois inconoclaste et ambitieux qui marquera sans doute les esprits et fera avancer la rélexion publique sur ce qu’on a voulu appeller "La question noire" et qui est entrée, avec brutalité, dans les Médias avec les affaires Frêche, Sevran, Finkielkraut, Halimi, Napoléon, Pétré-Grenouilleau, Tribu K, statistiques ethno-raciales, discrimination positive, naissance du Cran...

Voici un entretien exclusif avec Claude Ribbe qui lancera, nous l’espérons, un débat constructif et salvateur !

1. Claude Ribbe vous publiez dans les prochains jours "Les Nègres de la République" aux Editions Alphée. Je crois savoir que la publication, elle-même, de cet essai a été un long parcours du combattant (républicain). Pouvez-vous nous le raconter ?

Cet ouvrage devait paraître en mai 2006 et il a été très clairement censuré par un éditeur parisien qui s’était déclaré "effaré" de voir à quel point j’y attaquais (parfois) certaines figures de l’establishment. D’autres éditeurs qui auraient pu le publier ont refusé de le faire, suite à des pressions. A certains, cela n’a d’ailleurs guère porté chance.

Dans la mesure où il faut aller de l’avant, je n’ai pas envie de revenir sur les détails de ces mesquineries germanopratines, d’autant que mon témoignage a été mis en ligne sur votre site et repris dans un excellent livre sur la censure que vous avez eu le mérite de faire publier. J’avais eu le même problème avec Le Crime de Napoléon. Ce qui est grave , c’est que, du fait de la concentration des maisons d’édition et plus généralement des moyens de communication, la France d’aujoud’hui est en train de devenir un pays de bénis-oui-oui où les provocations grossières de quelques clowns attitrés tiennent lieu de débat. J’aime la France de l’insolence et de la liberté.

La France de Molière, de Beaumarchais, de Dumas, de Césaire et - pourquoi pas - de Jean-Edern. Pas la France berlusconisée où quelques hommes d’affaires décideraient du bon ton et du bon goût. Ma fierté, c’est d’être au nombre des happy few capables d’écrire ce qu’ils pensent et non pas ce qu’ils croient que les autres pensent. Ces privilégiés-là (qui en fait, au quotidien, sont souvent des martyrs) il n’y a pas beaucoup de gens non plus capables de les publier. J’ai trouvé, cependant, en la personne de Jean-Paul Bertrand un véritable éditeur. Un homme libre et courageux. Un éditeur, au sens étymologique, c’est celui qui aide une oeuvre à naître, pas le censeur qui tue le bébé. Jean-Paul, je crois qu’on lui cherche déjà des ennuis pour avoir publié ce livre et cela ne fait, d’ailleurs, que renforcer sa détermination à en publier d’autres de même farine. D’ailleurs, Jean-Paul était l’éditeur de Jean-Edern.

Il n’y a pas de hasard. Comme je ne suis pas le seul à souffrir de cette médiocrité, j’ai la ferme intention d’éditer à mon tour pour aider mes camarades auteurs baillonnés et persécutés par un petit quarteron d’imbéciles et d’ignorants qui se croient tout puissants parce qu’ils disposent d’émissions ou de tribunes. Heureusement qu’il y a le web pour rebattre un peu les cartes. Parce qu’avec le web, c’est quand même celui qui écrit plus vite que son ombre qui a le dernier mot, non ?


2. Parlons de prime abord du titre de votre livre "Les nègres de la République", car chaque mot compte et il est plein de signifiés, de fantasmes et d’idées reçues. Pourquoi avoir choisi le qualificatif "nègre" plutôt que "noir" et pourquoi l’associer à ce "concept" si oublié, stéréotypé et mal connu de nos jours qu’est "La République" ?

Le titre n’est pas tellement important. C’était une forme de provocation, un pied de nez. Là où il n’y a que des Français, on voudrait voir des "nègres". Mais je trouve le substantif "noir" (avec la minuscule, j’y tiens beaucoup) infiniment plus dérangeant que "nègres". Même chose pour "blacks". C’est vraiment horrible de se dire qu’on est au XXIe siècle et qu’il y a des malades pour s’acharner à définir les gens par rapport à leur couleur de peau.


3. L’apparition médiatique soudaine ces dernières années et plus significativement ces derniers mois d’une "Question noire" a t’elle était instrumentalisée et si oui par qui ? A qui profite le crime ?

Il est absolument évident que des gens -une petite poignée - se sont servi de cette affaire comme d’un épouvantail. J’ai de bonnes raisons de penser (et je donne quelques pistes dans mon livre) qu’il s’agit d’un plan de communication savamment orchestré par des professionnels. C’est très facile de faire avaler n’importe quoi aux télespectateurs.

Souvenez-vous qu’une chasse au lapin aux USA avait été présentée au JT comme une opération militaire en Afghanistan et que personne n’y avait vu que du feu. De la même manière que Finkielkraut passe pour un philosophe alors qu’en fait il essaie peut être d’être un comique. Il s’agit d’une manipulation de plus. Tout cela sans doute à des fins politiques. Mais je pense qu’au bout du compte cela ne profite à personne.

Le racisme est une sale bête, pas facile à dompter. Elle peut se retourner contre celui qui croit pouvoir l’utiliser. En 1803, en Haïti, les Français ont voulu utiliser des chiens dressés à bouffer les "nègres". Le problème, c’est que les molosses, qui étaient moins sots que leurs maîtres, ne faisaient pas la différence et s’en prenaient à tous les blessés qui étaient à terre. De la même manière, le racisme peut donner de la dent contre les racistes. L’arroseur arrosé, c’est un vieux truc qui me fait toujours rire.

4. Une des questions fondamentales qui est sous entendue dans votre ouvrage c’est la difficile (voire impossible) confrontation idéologique, politique, ethique, morale, religieuse et médiatique du thème de la concurrence des mémoires ? Concrêtement, vous dénoncez un traitement inégal de la Mémoire et proposez que la loi Gayssot s’applique à tous les génocides...

La loi Gayssot a mis en place un dispositif répressif contre ceux qui nieraient le caractère criminel de la Shoah. Le principe du dispositif répressif anti-négationnistes qui ne me dérange pas s’agissant des juifs a été étendu au génocide arménien.

Je ne vois pas pourquoi la mémoire de l’esclavage - qui touche près de trois millions de Français - ne bénéficierait pas du même traitement. Je ne vois pas pourquoi les mémoires seraient en "concurrence". N’ayant pas une vision communautaire de mon pays, j’estime qu’il n’y a qu’une seule mémoire dont il est dangereux de censurer ou de refouler certains épisodes.

Quand je dis que je ne suis pas communautariste, je veux dire que je suis tout aussi respectueux de la réalité du génocide vendéen que de ce qui s’est passé aux Antilles ou ailleurs. J’ai beaucoup de respect pour les Vendéens et je suis fier q’un de mes héros préférés, le général Dumas -né esclave à Saint-Domingue et père de l’écrivain - ait démissionné de son poste de commandant en chef de l’armée de l’Ouest pour ne pas exécuter le génocide dont il était chargé. Cela montre bien qu’il n’y a pas de concurrence des mémoires pour les gens qui agissent tout simplement au nom de l’humanité, c’est à dire avec humanité.

5. Une autre idée forte et "originale" car peu entendue est lorsque vous dénoncez avec force cette manière assez perverse qu’ont eu certains de vouloir définir le racisme par rapport à l’anti-racisme...

Bien entendu, ce sont des pirouettes qui leur permettent surtout de ne pas définir le racisme. Comme si ça les arrangeait qu’on n’en sorte pas et que les batailles rangées au nom de la "race" se perpétuent. Les prétendus philosophes qui embrouillent leurs contemporains, on sait au moins depuis l’Antiquité qu’il faut les appeler des sophistes, parfois même des salauds.

La plupart de ceux qui ont écrit en France sur le racisme font, hélas, partie de ces catégories et l’histoire - fort heureusement - les oubliera. Le véritable philosophe est à la recherche de la vérité et quand il la trouve, il la partage. C’est à ce désintéressement et à cette sincérité qu’on le reconnaît.

6. Désormais on fait de savants calculs et on estime, en ces temps électoraux, le pouvoir politique des Antillais et Africains de France, c’est en train de devenir un enjeu nouveau de la Présidentielle 2007.. quelle est votre analyse du phénomène ? A quand un président noir ? Vous peut-être un jour ?

Le vrai pouvoir, c’est seulement sur soi qu’on peut l’obtenir. L’idée d’être président ne me fait pas rêver. Président ou simple quidam, il me serait difficile de me considérer comme étant plus "noir" que "blanc".

Sauf d’une manière littéraire, de temps en temps où je me dis "nègre". On pourrait dire que c’est parce que j’ai autant d’ancêtres métropolitains que d’ancêtres Afro-Antillais et que je n’ai pas de raison de les renier. Mais ce n’est pas cela. Je refuse catégoriquement les étiquettes raciales.

Ce serait bien d’avoir un jour un président - pas forcément moi - qui aide les Français à entrer dans cette ère nouvelle où le racisme ne sera plus q’un mauvais souvenir et où, par voie de conséquence, on ne sera pas plus attentif à la couleur de peau qu’on n’est aujourdhui sensible à la province d’origine des uns ou des autres.

Béarnais ou Alsacien, on s’en fout. Si J’étais président, il y a un million de Français (les Guadeloupéens d’ici et de là bas) qui diraient : un Guadeloupéen président. Cent mille autres Français (les Creusois) diraient : un Creusois président ! Cinquante mille Sarcellois qui diraient... etc. Et puis il y a aussi des Finkielkraut, tout seuls dans leur coin, tout verdâtres, tout empoisonnés par leur bile, qui diraient : un normalien noir président ! Il n’y aura pas de vote noir, mais il pourrait bien y avoir un vote antiraciste. Je me fais fort de donner les consignes, le moment venu.

7. Ce qui est très pertinent dans votre livre c’est non seulement vous faites une analyse sociétale mais aussi sémantique, historique et même littéraire... est-ce à dire que la question noire est au centre d’une révolution culturelle d’une grande ampleur ?

La vraie révolution culturelle aujourd’hui, c’est de se demander si finalement l’idée même de "question noire" a du sens. Pour moi, cela n’en a pas et je n’ai pas trouvé un seul argument qui tienne la route pour démontrer le contraire. Si j’arrive à faire revivre cette démarche à mes lecteurs, je crois que cela peut être une véritable libération, un bouleversement copernicien. Il n’y a pas beaucoup de livres qui, lorsque vous les refermez, changent votre façon de regarder les autres. C’est un livre comme ça que j’ai voulu écrire. Si j’y suis arrivé, je crois que c’est une étape très importante.

8. Vous revenez peu, dans "Les nègres de la République" sur L’affaire Sevran alors que vous avez obtenu avec le Collectif Dom une grande victoire auprès de la Direction de France Télévisions avec l’instauration désormais d’une clause spéciale dans les contrats des employés du groupe qui pourront maintenant être sanctionnés en cas de pétage de plomb personnel ou idélogique...

Je n’ai pas pour habitude de frapper les hommes à terre. Surtout quand j’ai participé à leur chute. De mortuis, disait William Colby (directeur de la CIA et fin latiniste) nil nisi bonum. En français : des morts on ne doit dire que du bien. Je ne sais pas si Sevran est mort, mais il est à terre et il ne bouge plus beaucoup. Donc, par prudence, faute de dire du bien, je ne dis pas grand-chose de lui. Amen !

9. Votre livre est un ouvrage important qui risque bien de devenir un outil pédagogique, didactique et de référence sur le sujet si tabou que vous évoquez sans haine, affect, ni réglement de compte...

Pourquoi aurais-je de la haine et contre qui ? Je lis dans les journaux des pages entières sur des gens dont le titre est d’être la plume d’un tel (avant on disait "nègre"). Moi j’ai la chance de vivre de ma plume, d’être ma propre plume et d’écrire ce que je veux sur les emplumés. Tout en ayant un peu l’impression d’élever le débat.


10. Je vous laisse le mot de la fin Claude Ribbe...

Vive la liberté et mort aux cons ! Sans distinction de couleur !

LE BLOG DE CLAUDE RIBBE

Claude Ribbe, "Les Nègres de la République", Essai, Editions Alphée, 172 pages

Claude Ribbe, "Les Nègres de la République", Essai, Editions Alphée, 172 pages