TF1 : J’ai une question à vous poser : Ta mère dans l’panel à Sarko !

TF1 : J'ai une question à vous poser : Ta mère dans l'panel à Sarko !

Je ne sais pas vous, mais moi ma mère elle est représentative des mères de France. La preuve, elle a été sélectionnée pour figurer parmi les 100 français de l’émission « J’ai une question à vous poser », diffusée en direct lundi 5 février dernier à 20h30 sur TF1. Alors, hein !

Ca fait bizarre de voir sa mère à la télé à une heure de grande écoute.

Je veux dire, quand on n’est pas le fils de Claire Chazal ou de Véronique Genest, ça fait bizarre.

D’ailleurs je ne vous dirai pas le fils de qui je suis, et j’écris sous pseudonyme. Je suis le fils d’une femme représentative des femmes françaises, selon la Sofres, donc peu importe. Théoriquement parlant, je pourrai être le vôtre, de fils. Ou le fils de votre mère ! Alors un peu de respect, quoi. Je suis un fils lambda.

Ca fait bizarre aussi de voir sa mère à la télé surtout quand le « synthé » (le texte qui s’affiche brièvement à côté ou en dessous de la personne qui parle) proclame que ma mère est « mariée, sans enfants ». On a l’impression de ne pas exister. D’être un gaz. Que sa vie n’est qu’un rêve, une virtualité. Qu’on est à peine plus réel qu’un avatar sur Second Life. Merci les synthés foirés ! 30 ans de vie terrienne rayées par une seule bévue de stagiaire stressé… On est bien peu de choses.

Bref, revenons à notre panel. Donc j’ai l’immense honneur d’être le fils d’une femme symbole, symbole de toutes les femmes de sa tranche d’âge et qui habitent le même endroit. C’est pas rien, comme symbole !

Et cet immense privilège m’en offre un de plus, un avantage comparatif sur la plupart des autres français : je sais en gros comment ça s’est passé.

D’abord, comment ma mère s’est retrouvée dans cette galère ? Facile. Il suffit d’être inscrit dans des fichiers de réunions de consommateurs. En fait, à la Sofres, ont s’est pas foulés. Ils ont sous-traité la recherche de profils types aux petites boites qui organisent ces réunions de consommateurs.

Ainsi, tantôt vous testez des dentifrices, vous donnez votre avis sur des produits de beauté ou des chewing-gums, ou des pâtisseries, tantôt vous papotez avec un ministre candidat.
Mais c’est la même chose, après tout, choisir un yahourt ou un président. La preuve : n’importe quel grand gourou de la pub le dit. C’est une vérité révélée complètement postmoderne, coco.

Ensuite, je tiens à signaler que cet événement fût dur pour la cellule familiale. Songez : ma mère fût arbitrairement séparée de mon père pendant près de 24 heures ! Elle a du dormir à l’hôtel, la veille, alors qu’elle habite à 20 minutes de métro des studios de la SFP à Boulogne (92).

Sarkozy, avec toutes ses belles phrases sur les familles, les bons pères de famille qui travaillent etc., sait-il que ses sous-fifres audiovisuels prennent un malin plaisir à les séparer, les familles ?

Je pose donc la question : qu’est-ce qu’ils avaient dans le ciboulot, les sondeurs, pour imposer ça ? Ils voulaient tout le monde sous la main toute la nuit pour quoi faire ? Assurer une égalité de traitement entre les provinciaux, montés de loin, et les franciliens ? Ne pas perdre un français moyen qui se serait ravisé en cours de route ? (Envoyez vos réponses au Mague avec une enveloppe timbrée, le cachet de la poste faisant foi).

Les panélistes n’étaient même pas interdits de télé ou de téléphone. Au moins c’eut été cohérent : les couper du monde pendant 24 heures pour qu’ils ne surréagissent pas à un quelconque évènement concernant Nicolas Sarkozy (Difficile à vrai dire. Quel diable d’évènement ne le concerne pas ? Les pluies à Jakarta, peut-être ? Et encore).

Pour continuer sur l’organisation, façon bétaillère : convocation à l’hôtel à 17h le dimanche pour récupérer son bracelet… Et puis plus rien. Faut rester à l’hôtel. On bouffe à 20h et rien d’autre. Le lendemain, toute la matinée, une grosse réunion en amphi avec PPDA où l’on pose toutes les questions qu’on veut, par ordre de son numéro de badge. Et PPDA note. Il élaguera plus tard. Evidemment ma mère, avec son numéro dans les quarantièmes, ses questions ont déjà plus ou moins été posées. Mais PPDA le Grand Filtreur, magnanime, lui en gardera une, quand même.

Plus tard, la pression monte. Transferts aux studios vers 16h, installation sur le plateau (pour les réglages de lumière et de cadres caméra ), puis un pot dinatoire avec Sarko, qui sert bien la main à tout le monde. A mon avis le Pen, certains ne voudront pas, lui serrer la main. Et pour Royal, y aura bien des petits malins tous pleins de « bravitude » qui vont tenter une bise participative.

A 20h30 retour en plateau, et là on ne bouge plus. La pub, la pression qui monte encore, les techniciens qui donnent le compte à rebours. De quoi impressionner durablement le citoyen moyen, peu habitué des plateaux, qui échangera ensuite ses impressions avec PPDA et le staff lors d’un ultime buffet.

Au final pourtant, et aux dires de ma mère, une impression de liberté. A la limite, ils auraient pu poser en direct une autre question que celle indiquée tantôt à PPDA. Mais timidité, solennité, respect des figures d’autorité… Tout le monde s’est globalement bien tenu. Sauf pour le jeune Monod, bien sûr. Il en fallait un.

Le mieux, c’est le lendemain. Les coups de fil des gens prévenus « T’aurai dû dire ça », « Tu passes bien », les coups de fil des gens pas prévenus « C’est pas ta mère que j’ai vue à la télé ? », les commerçants mi-fiers mi-obséquieux « Je vous ai vue hier », « on pense ce qu’on veut de lui, mais au moins il répond aux questions ». La célébrité locale éphémère. La célébrité warholienne, quoi.

Il y a des tas de jeunes trentenaires comme moi qui ont fait des années d’études de sciences humaines pour se donner la chance d’avoir un boulot intéressant, de fréquenter des décideurs et de parler un jour à une élite. Ma mère, elle, elle s’inscrit à une réunion de consommateurs, et hop elle papote avec le Ministre. Et le lendemain sa question, et la réponse qui va avec, sont repris sur Europe 1, et un peu dans Libé, et sur France Info...

Elle est forte ma mère.

Elle existe médiatiquement.

Tandis qu’un pauvre petit synthé oublie jusqu’à mon existence.
C’est rageant.

Elle a vraiment tout pour elle, la génération 68.

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