Jérôme Attal, l’amoureux en lambeaux

Jérôme Attal, l'amoureux en lambeaux

Auteur de chanson pour de nombreux artistes comme Johnny Hallyday, Florent Pagny, Jane Birkin ou encore Pierre Guimard, Jérôme Attal a plusieurs cordes à son arc puisqu’il est aussi chanteur (son album, Comme elle se donne est à écouter sans modération) et blogueur. Il tient en effet un journal en ligne depuis 1998 (2000 lecteurs quotidiens).

Plusieurs de ses nouvelles sont parues dans la revue Bordel (Flammarion/Scali) mais le voici qui risque encore une fois de vous surprendre avec son premier roman, L’amoureux en lambeaux, paru aux éditions Scali. Un magnifique roman d’amour dans lequel Jérôme a su trouver les mots justes pour dépeindre l’intransigeance de la passion amoureuse et la difficulté qu’éprouvent Simon, Thomas, Natalie et Lysa à vivre au jour le jour après une rupture.

Malgré un emploi du temps surchargé, le beau et talentueux Jérôme a accepté de répondre à mes questions :

1. Bonjour Jérôme. Pensez-vous qu’aujourd’hui il faut posséder un blog pour être publié ?

- Au contraire je crois qu’écrire c’est s’affranchir de tout système de commentaires. Après, pour ce qui est d’être publié, il y a quand même des activités beaucoup moins austères et contraignantes que tenir régulièrement un blog, comme passer à la télé par exemple.
Je tiens à ajouter quand même que malgré une propension à l’éclectisme voire au n’importe quoi, HTML est un très bon éditeur.

2. Vous participez à la revue Bordel (Flammarion/Scali), vous venez de sortir un album très remarqué Comme elle se donne, vous écrivez des chansons pour d’autres artistes, vous tenez un blog depuis 1998 et c’est la pleine promo de votre livre L’amoureux en lambeaux. Combien de bras et de têtes avez-vous ?

- Le vrai problème n’est pas le nombre de bras, ni de directions où s’épuise la tête, mais le vrai tracas est de n’avoir qu’un seul cœur.

3. Qu’est-ce qui est le plus difficile : raconter une histoire dans une chanson de quelques minutes ou écrire une histoire de 200 pages ?

- Ecrire sur la longueur m’a paru douloureux dans le sens où contrairement à un texte de chanson je ne peux pas avoir en un coup d’œil une vision d’ensemble. Il faut accepter les faiblesses, pour qu’au détour d’une virgule quelque chose de fort parfois se produise. Et puis pour les chansons très vite j’arrive à une forme fixe, à savoir quand c’est fini, quand il n’y a plus rien à retoucher, sur 200 pages je suis toujours tenté de changer quelque chose, de vouloir creuser un passage, pourquoi pas un tunnel d’un personnage à un autre (le mot d’amour est encore le tunnel le plus sombre mais le plus court que je connaisse), enfin sur 200 pages je suis un peu dans la problématique du peintre qui ne sait jamais quand il doit lever son pinceau pour de bon, qui n’a jamais envie de quitter l’espace de son travail.

4. Dans L’amoureux en lambeaux, vous donnez plus le point de vue des deux hommes, Simon et Thomas. Une femme se remet-elle plus facilement de la fin d’une histoire d’amour ?

- Je crois que la différence entre les hommes et les femmes, c’est que les femmes n’ont pas le choix de ne pas s’en remettre. Alors oui, puisqu’elles n’ont pas le choix, elles s’en remettent plus facilement.
Bien que, quitte à s’en remettre, je préfère qu’elles s’en remettent à moi.

5. A propos de la demande en mariage, vous faites dire à Simon : « … Tiens, elle est tellement vaniteuse qu’elle dirait non ! C’est la différence entre les filles orgueilleuses et les filles vaniteuses : Une fille orgueilleuse peu importe qui lui en fait la demande, elle répond oui ! Mais les vaniteuses ça te balance leur refus au travers du visage et débrouille-toi avec pour le restant de tes jours ! » Est-ce que cela vous est déjà arrivé ?

- Il faut excuser le personnage de Simon, il ne peut pas s’empêcher de saupoudrer sa tristesse de blagues plus grosses que lui. Il est très désemparé par tout ce qui est institutionnel ; il a fait ses études dans un institut catholique et lors de la Confirmation, en marge de la cérémonie, il y a une jeune fille qui lui a montré ses seins, une histoire un peu étonnante pour l’adolescent qu’il était, alors vraiment il se demande comment la cérémonie du mariage peut supplanter ça ?! Comment peut-elle être plus surprenante, plus attractive ?
Après j’aimais bien l’idée de personnifier l’orgueil en une fille très altière, très haute, qui dit oui peu importe qui lui en fait la demande, une héroïne de la trempe de celles qui passent en filigrane dans les romans de Dostoïevski.

En ce qui me concerne, et c’est mon point commun avec nombre de chanteurs de rock, je suis toujours à la recherche de mon héroïne.

6. « Quand on aime plus les gens, c’est terrible… On ne voit plus que leur égoïsme. » Serait-ce une façon détournée de dire qu’on rejette toujours la faute sur l’autre quand rien ne va plus ?

-  C’est un point très intéressant que vous soulevez. Le contre point. Je ne sais pas. Je suis très content que vous parliez de cette phrase parce que c’est une de mes préférées, c’est le personnage de Caroline qui dit ça, que le désir nous fait voir les choses et les êtres en grand. Peut-être que le désir amoureux nous éloigne de la trivialité, la nôtre et celles des autres. Aimer c’est tout de suite tomber dans un autre registre, c’est ne plus pouvoir parler que dans le langage des toujours et des jamais.

7. Diriez-vous qu’on peut tomber amoureux plusieurs fois dans une vie et n’aimer qu’une seule fois ?

- Chaque fois qu’on tombe amoureux c’est comme si c’était la première fois (par exemple je passe toujours par les mêmes pièges, les insomnies, les impatiences) et en même temps quand on aime, on aime toujours pour la dernière fois.

8. L’amour fou… « Est-ce que l’amour fou peut se satisfaire du passage des jours et trouver à se loger dans la vie comme elle vient ? » J’aimerais votre avis sur la question, surtout s’il est différent de celui du livre.

- Hum. Là où je me dis qu’il y a une déformation professionnelle, un débordement du chanteur sur l’écrivain, c’est que je ne crois pas avoir un avis différent que celui exprimé dans mon livre. A bien y réfléchir, plutôt me flinguer que d’avoir un avis différent (je tente de faire un lien habile vers la question suivante)

9. A un moment donné du roman, vous introduisez un pistolet, symbole phallique. Pourquoi ?

- En fait c’est un des personnages, Basile Green, qui est une sorte de jeune chanteur de rock à la mode et qui joue sur scène avec un revolver. Il n’a bien sûr aucune conscience de ce qu’il fait (je parle d’être un jeune chanteur de rock à la mode). Après je trouvais ça intéressant que dans mon dernier chapitre il y ait une sorte de troc où un poème s’échange contre un revolver. L’idée me plaisait. Pas dans un sens utopiste gnan gnan qui voudrait que des fleurs naissent au bout des fusils, mais dans l’idée que pour les protagonistes un poème puisse être aussi dangereux, fascinant et phallique comme vous dites, qu’un pistolet.

10. Jérôme, avant de vous laisser le mot de la fin, je dois vous dire que j’ai été fascinée par votre sens de l’observation. L’amoureux en lambeaux est un magnifique roman d’amour.

-  Votre observation me va droit au cœur (enfin, ce qu’il en reste).

L’amoureux en lambeaux, Jérôme Attal, Editions Scali

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