Le poisson-chien de Laurent Rivelaygue

Le poisson-chien de Laurent Rivelaygue

« *Le roman. Le livre. Une sorte de. NON. Plutôt… Roman graphique composé de 109 textes courts… Ou alors… Cette histoire. On peut quand même dire que c’est une histoire, non ?109 textes à la première personne du singulier. Bon, d’accord, la personne le narrateur change à chaque nouvelle. Nouvelle ? Je préfère chapitre, chaque chapitre, donc, est indépendant, ils s’additionnent… s’empilent… s’assemblent… se puzzlent forment une histoire complète dans laquelle les narrateurs personnages se croisent. »

Poisson-chien est un livre hors du commun écrit par un jeune auteur, Laurent Rivelaygue, poétiquement déjanté. Vous l’aurez compris rien qu’en lisant ces quelques lignes de présentation. Or, ce ne sont qu’une petite mise en bouche comparé au festin de personnages complètement louftingues, « *une kyrielle de cinglés », que vous découvrirez tout au long de ses pages.

Ainsi commence le roman :

« MON CHIEN - BRAVE CHIEN – S’APPELLE ALBERT. ALBERT FISH.
kss kss méchant attaque et rancunier assis, couché… Couché, le chien parfaitement dressé. Le soir, je le regarde tourner dans son bocal, faire des bulles tranquille, mais vigilant… »

Poisson-chien, à lire sans plus tarder ! Enfin un auteur imaginatif et culotté qui ose. A vous de trouver à quel degré il faut lire Poisson-chien.

Et voici l’interview la plus folledingue que j’ai pu donner jusqu’à présent :


1. Bonjour Laurent. Voyons…Vous vous dites graphiste (tout le temps), peintre-plasticien (le lundi), blogueur (sporadique) et écrivain (un peu). Si vous me disiez à qui je dois adresser mes questions ?

Bonjour Cali. Tout ça, c’est la même personne, vous savez. Les gens se posent beaucoup de questions au sujet de ce prétendu éclectisme. Alors que tout ça, sauf le blog, peut-être, qui est un exercice vraiment différent, c’est pareil. Je peins et j’écris comme je “designe”. La base, ce sont des éléments plus ou moins hétéroclites que je malaxe, déplace, assemble… Pour arriver à un certain équilibre.

2. Depuis quand avez-vous commencé de collectionner les ailes de mouches ? (D’ailleurs, si vous pouviez me dire aussi comme s’appelle un tel collectionneur…)

Il faut que je vous avoue un truc, je ne suis pas réellement collectionneur d’ailes de mouches. J’ai mis ça dans ma bio parce que j’ai une vie tellement lisse et morne que j’ai éprouvé le besoin de créer une petite aspérité. Donc tout ça n’est que du marketing. L’idée même de collectionner quoi que ce soit m’accable au dernier degré. Même si je possède une assez belle série d’auteurs morts et empaillés. D’ailleurs, j’aime beaucoup me promener au panthéon et voir tous ces gens se recueillir devant la tombe d’Hugo, alors que le véritable Victor Hugo est dans mon salon.

3. Votre livre Poisson-chien, qui n’est, bien évidemment (je l’ai lu donc…), pas facile à résumer raconte une histoire où se croisent des personnages les plus déjantés qu’on puisse imaginer. Aviez-vous consommé de la soupe à varier déjà tournée ou une drogue quelconque le jour où vous avez entrepris de l’écrire ?

Non, pas du tout, parce que je trouve que la drogue, c’est mal. Comme la guerre, la faim en Afrique, le cancer et le sexe avec des animaux non consentants.

4. Pensez-vous que votre ouvrage est à mettre entre toutes les mains (propres ou sales) ?

Le problème, c’est qu’une fois qu’on le lâche, le roman ne nous appartient plus, je ne maîtrise plus rien. Donc il atterrira où il atterrira. Mais si vous avez des enfants en âge de lire mais pas encore pubères, je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée de le laisser traîner.

5. Parmi la galerie de portraits décapants que vous nous offrez, quel est le personnage pour qui vous avez le plus de sympathie ?

Là, la réponse est extrêmement simple, parce que le bouquin ne contient que deux personnages sympathiques, Treffendel Monterfil, l’artiste et Axelina Axelina, l’ex-actrice porno qui devient guichetière de gare. Tous les deux sont vaguement perdus, dépassés par les évènements. J’ai un faible pour la naïveté. Les autres sont soit méchants, soit fantomatiques, soit lisses, soit inexistants, soit complètement cinglés… Et si je dois en choisir un, ce sera une, Axelina donc, Treffendel frise parfois la bêtise, ce qui n’est pas très excusable.

6. « Gill Bates, marchand de tout » Si je joue à avoir l’esprit aussi tordu que le vôtre, ce Gill Bates me fait penser à Bill Gates ? Et vous ?

Moi aussi évidemment. Je n’ai rien contre ce monsieur précisément, il est là pour ce qu’il représente. Au départ, le personnage s’appelait Messier, mais cet imbécile s’est fait lourder avant que je ne termine le livre. Donc il est devenu Gill Bates. C’est aussi bien. Et dans le même élan, j’ai décidé de le tuer avant la fin de l’histoire. Pan.

7. Vous n’avez pas peur que votre concierge tente de vous faire avaler votre bulletin de naissance si elle apprend ce que racontez des concierges ?

Je n’ai plus de concierge, elle a été remplacée par une entreprise de nettoyage qui emploie des travailleurs immigrés en échange d’un bol de riz.

8. A combien s’élève le montant du chèque que 20six vous a envoyé pour la publicité que vous lui faites ? A moins que vous n’ayez eu envie de l’achever ?

Je ne leur ai rien demandé. Mais je leur ai quand même fourgué le blog le plus ambitieux et le plus crétin de l’histoire d’Internet.

9. Pourquoi avoir opté pour « Poisson-chien » alors que le titre aurait pu être « Le goût des jours de pluie », « Mycose vénérienne, qui es-tu ? », « Il était une fois l’eczéma » ?

Le titre de départ était “Le goût des jours de pluie”, il m’a accompagné pendant toute l’écriture, et puis nous avons décidé, avec l’éditeur, de le changer au dernier moment, parce qu’il ne reflétait pas exactement le ton général qui fonctionne plutôt sur le décalage. Même si je continue de penser que c’est un livre poétique. Les deux autres sont des titres de livres qui apparaissent dans le texte, et il n’a jamais été vraiment question de les utiliser, même si j’aimais bien l’idée poupée russe du livre qui fait référence à lui-même.

10. Avant de vous laisser le mot de la fin, j’aurais encore une petite question : si la prochaine fois, j’arrive avec un poisson rouge dans un sac en plastique à notre rendez-vous, vous flipperez ?

Je viens d’apprendre que nous avons rendez-vous, et rien que cette idée me fait déjà flipper.

* Laurent Rivelaygue

Poisson-Chien, Laurent Rivelaygue, La Volte Janvier 2007 18 €