Honneur et Parti

Honneur et Parti

La Révolution française, en vertu du principe de l’égalité de naissance, le décret du 30 juillet 1791 avait supprimé les ordres de Saint-Michel, du Saint-Esprit et de Saint-Lazare et du Mont-Carmel. L’Ordre de Saint-Louis devait subsister jusqu’au 15 octobre 1792. Le Directoire (1795-1799), soucieux de prouver sa reconnaissance aux militaires méritants reprit un usage traditionnel dans l’armée : le don d’une arme personnelle décernée sans formalités réglementaires. Bonaparte avait d’ailleurs largement utilisé ce système en Italie et en Egypte. Le Consulat, par arrêté du 4 nivôse an VIII (25 décembre 1799) complété par l’arrêté du 21 thermidor an IX (9 août 1801) institua les armes d’honneur afin de distinguer les soldats ayant accompli une action d’éclat. Ces armes, garnies en argent, portaient une inscription nominative et leur attribution donnait droit à une haute paie. Leur nature dépendait du grade du récipiendaire et de l’arme dans laquelle il combattait. Les grenadiers et soldats reçurent des fusils d’honneur à porter sur leur habit, etc. Le 14 floréal an X (4 mai 1802), Bonaparte déclarait au Conseil d’État : Si l’on distinguait les hommes en militaires ou en civils, on établirait deux Ordres tandis qu’il n’y a qu’une Nation. Si l’on ne décernait des honneurs qu’aux militaires, cette préférence serait encore pire car, alors, la Nation ne serait plus rien. C’est ainsi que fut créée une distinction nouvelle, par la loi du 29 floréal an X (19 mai 1802) portant création et organisation de la Légion d’honneur, après avoir été adoptée par le Corps législatif par 166 voix sur 276 votants. Aujourd’hui, le Président de la République est le Grand-Maître de l’Ordre dont la devise est Honneur et Patrie, et porte le collier qui en est l’insigne, tel qu’on le voit sur certaines photographies officielles avant 1974. C’est dans cet esprit que le député radical Roger-Gérard Schwartzenberg a demandé par courrier au Grand chancelier de la Légion d’Honneur de suspendre cette distinction aux citoyens ayant fui leur pays pour raison fiscale : S’expatrier et choisir de résider dans un autre pays pour y payer moins d’impôts qu’en France constitue un comportement contraire au civisme. Cet incivisme serait déjà critiquable de la part de citoyens ordinaires, il l’est encore plus s’agissant de personnes titulaires de la Légion d’honneur. Il vise explicitement les chanteurs Charles Aznavour et Johnny Hallyday, la championne de tennis Amélie Mauresmo et l’ancien P-DG de Vinci Antoine Zacharias. Le parallèle historique n’est pas dénué de pertinence, puisqu’on se souvient que l’élite du pays avait émigré pour échapper aux exactions de la Révolution française, mais ce que Roger-Gérard Schwartzenberg feint d’ignorer, c’est que les ordres de l’Ancien régime étaient très prisés en ce sens qu’ils ouvraient droit à une pension.

"Ils n’ont qu’un sentiment, c’est celui de l’honneur"
Dit le Premier consul et veut qu’on les attire,
Ces Français empressés mais prêts pour le martyre
Pourvu que ce hochet fasse un jour leur bonheur.

Si du mérite, un homme est forcément preneur,
Il aime aussi l’argent que le fisc lui soutire ;
Un député sans cœur voudrait que l’on retire
Sa médaille au départ de ce vilain flâneur !

La France, hélas n’a plus la chair de la carouge,
Mais pourrait dès demain grâce à ce ruban rouge
Revoir à tout instant le sel de sa nation.

C’est une idée en l’air et elle est à se tordre :
À moins qu’on l’associe à l’octroi de pension
Pour rehausser un peu la valeur de cet ordre.