Hrant Dink l’Exorciste

Hrant Dink l'Exorciste

Autant Jésus avait-il besoin de Judas pour accomplir sa mission, autant la Turquie réclamait un holocauste pour s’ancrer dans la modernité. Perpétré par les partisans de Kemal Atatürk pour fonder la nation turque sur les décombres de l’empire ottoman, le massacre de 1915 en Arménie a été le cheval de bataille du journaliste Hrant Dink, assassiné vendredi devant les locaux de son hebdomadaire Agos par un jeune turc de 17 ans, vraisemblablement endoctriné et manipulé. Les funérailles du journaliste ont donné lieu mardi à une manifestation monstre dans les rues d’Istanbul, qui a fait cortège à la dépouille mortelle. Parties du quartier d’Osmanbey où résidait et travaillait Hrant Dink, quelques milliers de personnes ont assisté à la levée du corps et ont formé procession jusqu’à l’église du patriarcat arménien de Kumkapi où s’est tenu l’office funèbre, puis jusqu’au cimetière arménien. Pendant les 8 kilomètres du parcours, elles ont été rejoint par d’autres gens, venus de tous les quartiers de la ville et de province également, jusqu’à former un cortège de près de 60.000 membres, Arméniens et Turcs mêlés. La presse également lui a rendu hommage d’une façon unanime, allant jusqu’à réclamer l’abrogation de l’article 301 du code pénal qui réprime l’atteinte à l’identité turque, et sous lequel Hrant Dink a été poursuivi. Enfin, les autorités ont invité des représentants de l’église et du gouvernement arménien à participer aux obsèques, malgré la rupture des relations diplomatiques depuis 1993. Des personnalités de tous les horizons étaient présentes. Ainsi pour la première fois, des funérailles évoquaient l’espoir.

La foule, immense et grave a rendu un hommage
À cet homme abattu pour des mots qui font mal,
Ils sont tous là mardi pour qu’un geste anormal
Ne soit plus le prétexte à causer de dommage.

Ils en ont tous assez de donner cette image
De la nation livrée au réflexe animal
Que la haine insinue à l’instar du haut-mal,
Lorsqu’un mot est le sort que lance un mauvais mage.

Vivant, on voit en lui le sombre intellectuel
Exerçant par instinct dans le champ conflictuel :
Les gens sont-ils au bout du compte irréprochables ?

Mort, il est le symbole hélas tant attendu :
Il ne voulait pas de tabous et d’intouchables,
Enfin l’honneur de son combat lui est rendu.