Le Corps du Délit

Le Corps du Délit

Le crime parfait, antienne du roman policier, a peut-être trouvé une réalité grâce à l’absence de cadavre. Tandis que l’avocat général requiert 20 ans à l’encontre de Maurice Agnelet à Nice, le procureur de Saint-Malo annonce que l’action de la justice est éteinte dans l’affaire du docteur Godard, grâce à l’identification d’un tibia et d’un fémur mis au jour en septembre au large de Roscoff par un pêcheur. Dans ce cas, il ne s’agit pas seulement de statuer sur la disparition de Marie-France Godard, la victime probable, mais aussi sur celle de son meurtrier putatif, Yves, son mari. On ne saura rien de ce qui s’est passé il y a sept ans dans la famille Godard, qui s’est évaporée du jour au lendemain. Le 5 septembre 1999, une camionnette stationne depuis plusieurs jours sur le parking du port, à l’intérieur de laquelle on découvre des traces de sang. Le bateau que son propriétaire a loué n’est pas revenu, et la police ouvre une enquête. En fouillant au domicile familial, elle trouve également du sang qui est signalé comme appartenant à l’épouse Godard, et se lance alors sur la piste du mari, qui n’a jamais plus donné signe de vie avec ses enfants. L’année suivante, on retrouve tour à tour dans les eaux l’annexe du bateau, un gilet de sauvetage, un canot de survie et un sac de voyage à des centaines de kilomètres les uns des autres. Après, ce sont des témoignages confus qui sont recueillis, attestant la présence d’Yves Godard sur l’île de Man, ou ailleurs. En juin 2000, des pêcheurs en baie de Saint-Brieux remontent de leurs filets un crâne humain. Qu’ils vont sitôt rejeter à l’eau. Puis, quelques kilomètres plus loin, un second, plus petit. Que cette fois ils conservent, intrigués. Les expertises prouvent alors que c’est celui de la petite Camille. Enfin, les papiers d’identité de Godard sont retrouvés intacts sur une plage de l’île des Hébihens, près de Saint-Malo, deux ans après sa disparition. Et puis plus rien jusqu’à la découverte des restes identifiés comme ceux du docteur Godard, mardi.

La mer aura tout pris dans son giron mouvant,
Du destin de cet homme il nous reste un mystère :
Est-il cet assassin comme on le dit à terre,
Ou bien l’acteur sans voix d’un revers émouvant ?

On a trouvé ses os quelque part sous le vent
Mais ce signe étonnant éteint tout commentaire :
Rien ne permet de croire à ce qu’un adultère
Ait motivé sa fuite, et puis un crime avant !

Pas de corps, pas d’histoire alors que l’on redoute
De ne jamais pouvoir en dissiper le doute
Qui s’est en fin de compte emparé des esprits.

Dès lors, plus de témoin pour aller à la barre,
Ni de preuve a fournir, car la mer a tout pris,
Pour nous qui chroniquons, ce silence est barbare.