L’effervescence de la pitié d’Enguerrand Guepy

L'effervescence de la pitié d'Enguerrand Guepy

Si vous êtes nés au début des années 70, vous risquez bien de trouver cet ouvrage culte. Il y a tant de champs référentiels communs, de mémoire générationnelle vécue et décrite dans ce roman qu’au moins le lecteur trentenaire trouva en ces pages admirablement mises en forme et en rythme un livre attachant et précieux, qui procure une belle émotion jubilatoire, de la tendresse, de la nostalgie et un vrai plaisir du texte.

Enguerrand Guepy pour son premier roman frappe fort, vous serez sûrement extrêmement touché par la prose et l’histoire intime de ce jeune homme de 32 ans qui entre en littérature de fort belle manière avec un récit simple, poétique et imparable, une tranche de vie narrée avec beaucoup de talent et de sensibilité.

Dans ce roman, Enguerrand Guepy réussit l’impensable pour qui ne nourrirait pas ses livres d’une Vérité qui rend toutes les fictions moins vraisemblables que la vie elle-même : réunir en un collage bienheureux des souvenirs de sa jeunesse, des matchs mythiques de l’équipe des Bleus de Platini, des visionnages intempestifs cryptés de films porno sur Canal+ les samedis soirs et la délectation finale d’une lecture de Léon Bloy qui changera son regard sur le monde.

Tout le livre de Guepy est un truchement incongru mais poétique du plus bel effet entre le futile, le quotidien, le moyen, les divertissements pour les classes pauvres et moyennes et les découvertes magnifiques de la Littérature.

Enguerrand Guepy a un grand talent pour le mélange des genres, il prouve dans son roman que l’existence est faite ainsi, faisant souvent atterrir ses ouailles dans un monde où tout est à disposition si on a le courage d’aller s’en emparer, d’aller aux bouts de ses rêves et de sortir d’un milieu prédestiné.

Le jeune Enguerrand, première victime de la désintégration de sa famille, tente de se construire dans un monde iconoclaste et multiple où les référents absolus sont le Foot et la Télé.

Tant bien que mal, Enguerrand expérimente tout et son contraire avec une rage de vivre et d’apprendre qui force le respect. Enguerrand est plein d’appétit, il se bat avec une énergie qui brise tout sur son passage et qui est une vraie leçon de vie.

En filigrane de ce roman d’apprentissage nourri dans la plus enrichissante des autofictions, on assiste à un cours d’histoire moderne par le petit bout de la lorgnette avec l’émergence de mouvements musicaux ou de prise de pouvoir dans la cité.

Un livre où Platini, Zico et Léon Bloy sont les héros, cela ne se trouve pas sur toutes les gondoles des libraires, on ne peut que vous conseiller de découvrir ce petit bijou qui refait vivre une époque révolue, que l’on a tous connu plus ou moins bien mais qu’on ne narrera certainement pas tous avec tant de bonheur.

Enorme coup de cœur pour ce film qui mériterait plusieurs relectures et au moins une adaptation cinématographique. "Le Roman du trentenaire" par excellence.

Tant de saine effervescence mérite vraiment un joli coup de chapeau et un grand encouragement pour cet auteur à suivre de très très près !!

L’effervescence de la pitié, Enguerrand Guepy, Presses de la Renaissance, 2006

L’effervescence de la pitié, Enguerrand Guepy, Presses de la Renaissance, 2006