Les vieux n’ont pas le même destin selon leur fortune...

Les vieux n'ont pas le même destin selon leur fortune...

Osons !
Osons l’impossible comparaison entre 2 vieilles dames :

A ma gauche Léonie Crevel, 80 ans ; à ma droite, « the Flying Lady », 102 ans.

L’une habite à Tancarville, Seine-Maritime, France, l’autre à Goodwood, Chichester, Angleterre. La première fait la Une de l’actualité parce qu’elle est jugée pour le meurtre de sa fille handicapée, la seconde parce qu’elle organise sa première concentration au Maroc.

Quel rapport ?

A première vue, aucun, si ce n’est que ces 2 informations ont été données dans le même journal télévisé à quelques minutes d’intervalle. Démonstration stupide de la schizophrénie galopante de notre société !

D’un côté, une mère de famille qui s’est occupée chez elle pendant des années de sa fille lourdement handicapée et qui, un jour, après 2 crises consécutives d’épilepsie subies par Florence, n’a plus supporté son calvaire et a décidé d’abréger ses souffrances.

De l’autre, un des plus prestigieux symboles du luxe qui organise dès aujourd’hui sur l’autre rive de la Méditerranée sa première concentration mondiale sous le nom de « Féerie du Maroc ». Défileront donc de Tanger à Rabat, en passant notamment par Marrakech et Agadir, ces palaces roulants...

D’un côté, Léonie Crevel, qui a fait face à la détresse absolue d’avoir à assumer seule une enfant qui ne parlait plus depuis 8 ans, aveugle, hémiplégique, épileptique, et qui ne supportait plus ses souffrances. Souffrances qu’endurait quotidiennement à domicile sa fille de 42 ans, à domicile parce « qu’il n’y avait pas de place en institutions spécialisées ».

De l’autre, Rolls Royce qui a vendu 796 voitures en 2005 avec un prix plancher à l’unité de plus de € 300’000.- et qui espère atteindre les 1’000 ventes cette année ou l’an prochain.

Je sais, il n’y a aucun rapport, je sais, des milliers d’enfants meurent tous les jours, je sais tout cela mais les images de cette vieille dame boitant bas au bras de son avocat lors de son arrivée au Tribunal de Rouen m’ont ému, m’ont bouleversé, m’ont chaviré.

Quelle est cette société qui ne laisse aucune autre échappatoire au soir de la vie d’une mère que de tuer sa propre enfant pour qu’elle ne souffre plus ?

Où est notre compassion qui devrait permettre au plus infime espoir de subsister dans la vie d’une maman et de sa fille ?

Comment pouvons-nous continuer à accepter d’être ainsi désensibilisés, jour après jour, par la confrontation d’images aussi contradictoires ? Le gouffre dans lequel est tombé l’une d’entre nous suivi quelques minutes plus tard par la glorification de l’égocentrisme le plus total, c’est si ingérable que notre cerveau se déconnecte, que notre cœur se ferme, que notre âme se meurt...

A l’instant où j’écris ces lignes, je souffre d’un vertige incontrôlable simplement en laissant mon esprit vagabonder du côté du désespoir de Léonie, elle a commis l’irréparable et elle attend désormais sa propre mort.

Je voudrais simplement lui dire que du fait de notre égoïsme nous sommes tous coupables de son geste, que dès lors nous partageons son poids et son expiation...

Victor Hugo a écrit :

« Vous avez fait, mon Dieu, la vie et la clémence ;
Et chacun de vos pas est marqué par un don.
C’est à votre regard que tout amour commence,
Vous écriviez : Douleur, un ange lut : Pardon. »

J’oubliais, la Justice des hommes vous a condamnée hier à 2 ans de prison avec sursis pour le drame vécu, il fallait bien tenter d’officiellement nous défiler...

(Photo : AFP)

(Photo : AFP)