Les carnets de Denis Boulard

Les carnets de Denis Boulard

Retenez bien ce nom : Denis Boulard. Jeune auteur de douze nouvelles, il n’a pas son pareil pour décrire d’une plume aiguisée notre société. Son écriture est dense, violente et il ne nous épargne rien : vieillesse solitaire et racisme ordinaire, immigration, épuration ethnique, idéologie nauséeuse et maladie.

Soit, l’ignoble et la mort jonchent notre monde plus souvent qu’on ne le croit. Un homme est là pour en témoigner. A découvrir d’urgence.

1. Bonjour Denis. Ecrire, c’est un métier ?

Un métier ? Faut pas s’emballer ! Un plaisir, un passe-temps, une occupation, une drogue... mais je suis loin, très loin, d’en vivre comme d’un métier digne de ce nom !

2. Votre livre, Carnets de terres, ne contient que 12 nouvelles. Pourquoi pas 13 ? Etes-vous superstitieux ?

Ecrire est une chose. Publier en est une autre. Cela ressemble parfois à s’y méprendre aux douze travaux d’Hercule... et non, désolé, mais je ne suis pas superstitieux !

3. Le regard que vous portez sur notre société est très incisif et vous en tirez 12 histoires photographiques très sombres. Notre monde serait donc ou blanc ou noir sans aucune autre variation ?

Vous avez trouvé ces Carnets très noirs ? Pourtant, dès la couverture (rouge), ils apparaissent plus vifs que sombres... Reste à savoir s’ils sont vraiment noirs ou si c’est votre regard qui porte cette tristesse. A vous de voir !

4. Plusieurs fois dans vos récits vous évoquez le viol et la mort « Bonne année », « Miaou rixe », « Loup », « Nitassinan », « Le retour », « Hugo », « Les anges réveillonnent ». On est en droit de se demander quel traumatisme vous avez pu subir étant enfant pour être aussi obsédé par ces thèmes. Est-ce le cas ?

Je vais vous décevoir. Mais non, je n’ai vécu aucun traumatisme aussi terrible que ceux que j’évoque. Disons que j’ai juste été le témoin pendant plus de six ans de scènes très dures dans les urgences de nuit d’un hôpital parisien où je travaillais. Mon regard y a sans doute croisé des regards auxquels je n’étais pas forcément préparé. Pour le reste, notamment ces viols, j’essaye simplement de transcrire ce qui doit être une souffrance terrifiante. Est-il nécessaire de souffrir pour dire ? Je ne l’espère pas...

5. Dans la vie, êtes-vous un homme violent ?

Non ! En tous les cas, pas avec les autres...

6. Certaines histoires sont-elles plus vraies que d’autres ?

Certes. Mais ne comptez pas sur moi pour vous dire lesquelles ! C’est mon carnet secret...

7. Ne pensez-vous pas que votre livre n’est pas à mettre entre toutes les mains ? Selon vous, qui devrait le lire en priorité ?

Ecrire est un exercice délicat... d’abord vis-à-vis de soi-même. Publier, je l’évoquais tout à l’heure, n’est pas non plus chose facile. Facile à décrocher. Facile à accepter, parce que vous vous exposez aux critiques. Aux regards des autres. Carnets de terres existe. Cool ! Que ceux qui ont envie de le lire le lise. Et que les autres aillent donc voir Indigènes. L’injustice y est tout aussi répugnante.

8. La lecture de Carnets de terres donne à réfléchir. Comme on peut en ressortir mal à l’aise, on peut y ressentir, quelquefois bien caché, un certain espoir. Etes-vous de nature optimiste ?

Quelle question très perso ! Violent ? Optimiste ? Je suis sans doute tout cela à la fois. Comme vous. Comme vos lecteurs. En passant, je note que vous voulez à présent absolument trouver une once d’espoir dans ces textes, que vous qualifiez à l’instant de noirs. Faudrait savoir ! Sans indiscrétion, à quand remonte votre dernière visite à un psy ? Car je ne suis pas psy !

9. « En fin, merci, merci aux mesquins plus ou moins malins, moins ou plus crétins, pour leur encouragement à vouloir devenir écrivain. » Vous pensez qu’ils vont se reconnaître ? Plus généralement, n’importe qui peut vivre heureux en prenant conscience des actes qu’il a commis ?

Bien sûr que non, ils ne vont pas se reconnaître ! Sinon, ils seraient moins crétins. Et je reste poli. Ils vont penser que je suis pédant, prétentieux et surtout, surtout, ne pas se remettre en question. Ce serait bien trop risqué pour leur fragile équilibre. Bien trop douloureux pour leurs certitudes. Ce n’est pas bien grave... c’est ce qui leur donne ce charme indéfinissable...

Tout dépend des actes, non ? Et de la franchise que chacun accepte de mettre dans cette lancinante question : ai-je bien fait ?

10. Il est difficile de se séparer de votre livre et de vous et pourtant... Je vous laisse le mot de la fin...

Faisons donc dans le jus de crâne. Histoire de rassurer nos fameux crétins, qu’ils puissent se dire : « Je vous l’avais dit ! Il ne se prend pas pour de la merde ! » J’aime bien les fins et les départs. Juste parce qu’elles annoncent des retrouvailles. Alors, chiche, si nous nous donnions rendez-vous pour mes prochains Carnets ? A une condition, bien sûr. Que vous ayez lu, et apprécié, ceux-là ! Merci de m’avoir reçu.

Carnets de terres, Denis Boulard, Sens et Tonka, 12 €

Carnets de terres, Denis Boulard, Sens et Tonka, 12 €