Ce que j’ai retenu de la journée parlementaire socialiste : un souffle de dynamisme

Ce que j'ai retenu de la journée parlementaire socialiste : un souffle de dynamisme

C’est par un heureux hasard que j’ai pu assister à la journée parlementaire socialiste qui se tenait à Nantes ce mercredi 20 septembre. C’était la première fois que j’assistais à un tel événement (généralement, les journées parlementaires ne sont pas ouvertes au public) et je vous avoue que ce fut une très agréable expérience.

Tout d’abord, l’organisation était parfaite et sans accroc, ce qui n’est pas négligeable quand on accueille plusieurs centaines de personnes dont des élus très en vue, des journalistes plutôt connus et des visiteurs en peu perdus. Ensuite, l’ambiance était tout simplement agréable : pas de petite phrase assassine sur son camarade rival, pas de conciliabule privé dans les couloirs avec des airs de conspirateurs... Bref : du bon débat franchement sympa !

Deux petits points noirs seulement : l’absence de DSK, bien curieuse pour un candidat à la candidature, et l’annonce par Le Point de la candidature de Jospin, rumeur provenant d’une source anonyme qui est devenu pour ce magazine "une information confidentielle exclusive". Le journalisme devient de plus en plus bidon ; passons.

Pour commencer, tous les intervenants étaient très bons et j’ai tout particulièrement aimé le discours de Robert Badinter en ouverture, qui rappela que cela faisait aujourd’hui 25 ans que la peine de mort avait été abolie grâce aux socialistes français. J’ai également été épaté par les interventions d’Elisabeth Guigou, très pertinente sur les questions de la formation professionnelle, et de François Marc, qui prit exemple sur les pays nordiques pour proposer des dispositifs efficaces.

Pour ceux qui veulent des images, je vous propose de vous rendre sur le blog d’Arnaud Sanchez, qui vous propose de nombreuses photos et pas mal d’interviews en podcast. D’ailleurs, presque toutes les photos illustrant cette note ont été prises par ce jeune militant qui a la curieuse particularité de penser en toute sincérité que Jack Lang logera à l’Elysée en 2007.

Les grands thèmes abordés

* Formation initiale

Les parlementaires socialistes sont très conscients du problème de la vie étudiante : 60% des étudiants sont obligés de travailler pendant leurs études ! De plus, on accroit les inégalités en donnant plus de moyens à ceux qui sont déja privilégiés (CPGE, grandes écoles). Il faut donc rééquilibrer dans un premier temps, puis accroître dans un deuxième temps, les moyens dont dispose l’enseignement supérieur. Une allocation de rentrée, voire une allocation d’autonomie, doit être accordée à tous ceux qui en ont besoin et non réduite à 80000 étudiants comme c’est le cas pour le dispositif ALINE.

Le second thème récurrent était l’échec des étudiants dans les cursus universitaires puisque 50% des étudiants qui entrent en première année quitteront l’université sans diplôme. C’est un immense gâchis économique pour l’Etat et pour les familles, un immense gâchis social puisque l’école ne fait plus office d’ascenseur social, et un immense gâchis psychologique pour les jeunes qui subissent l’échec et leurs familles qui plaçaient un espoir en eux. Or il n’y aura pas de sécurité professionnelle si on ne lutte pas contre l’échec dans l’enseignement supérieur, qui doit répondre désormais à trois exigences : élever le niveau de connaissance, apprendre un métier et surtout, désormais, apprendre à changer de métier.

* Formation professionnelle et continue

La formation professionnelle coûte aujourd’hui 23 milliards d’euros par an au contribuable, pour des résultats archi-médiocres. Il faut donc réformer ce système en profondeur. En premier lieu, amener les gens vers la formation continue nécessite un dispositif d’accompagnement car tous n’en ont pas forcément l’envie ni le courage ; un important travail de pédagogie sera donc le premier pas. Dans un deuxième temps, mettre en place un système de double-responsabilité entre l’Etat et les syndicats est le meilleur moyen d’assurer la mise en oeuvre et la pérennité des dispositifs de formation professionnelle. Enfin, une évaluation permanente sera nécessaire pour mesurer les résultats et corriger au mieux le système.

En ce sens, il est indispensable d’aller plus avant dans le processus de décentralisation car ce sont désormais les régions qui doivent s’occuper de la formation professionnelle et continue. C’est donc très vite qu’il faudra clarifier qui doit faire quoi entre l’Etat et les collectivités locales, et surtout avec quels moyens.

* Couverture Professionnelle Universelle (CPU)

Il est absolument scandaleux de voir certaines personnes commencer à travailler au SMIC à la sortie de l’école pour finir leur vie professionnelle en étant toujours au SMIC, et parfois même en ayant changé d’emploi. Un nouveau dispositif doit donc permettre aux salariés de se former à de nouvelles compétences afin de pouvoir changer d’emploi ou d’obtenir une promotion. La création d’un compte emploi-formation donnant droit à des enseignements serait ainsi un grand pas en avant pour permettre la promotion sociale de ceux qui sont désireux de progresser dans la hiérarchie ou de changer de domaine professionnel.

De plus, il est crucial de lutter contre la précarisation du travail, notamment chez les jeunes. Il faut donc taxer moins les entreprises qui proposent des CDI et taxer plus les entreprises qui proposent des emplois précaires. Enfin, il faut revoir la taxe professionnelle pour que les entreprises qui créent de l’emploi ne soient plus pénalisées.

* Logement

Sarkozy accuse la gauche de vouloir "couvrir la France de HLM" ; c’est un peu gros quand on sait qu’il n’y a que 2% de logements sociaux à Neuilly contre les 20% prévus par la loi. Mais les maires de droite préfèrent payer des amendes que construire des logements sociaux : on ne sait jamais, les futurs occupants pourraient peut-être voter à gauche...

Les socialistes proposent une mesure en deux temps. A court terme, il faut une aide directe au logement plus efficace, une prise en charge plus significative des déplacements entre domicile et lieu de travail de la part des entreprises, et enfin une refonte du chèque transport. A moyen et long terme, il faut avoir une vision claire et une planification efficace avec une ligne simple : pas d’avantage fiscal sans contrepartie sociale. L’idée de fond est que la liberté suprême d’aujourd’hui est de rester habiter là où on est, alors que c’était la liberté de voyager que tout le monde voulait il y a vingt ans... Le maintien du livret A et la mise en place d’un "bouclier logement" sont les deux idées phares sur ce thème.

* Fiscalité et imposition

Il faudra au plus vite revenir sur les réformes fiscales mises en place par les gouvernements Raffarin et Villepin car elles sont absolument iniques : une loi a été votée pour créer un bouclier fiscal pour les 10000 personnes les plus riches de France... une loi au bénéfice exclusif de 10000 personnes ! Ajoutant à cela que le second bouclier fiscal accordé aux 80000 personnes les plus riches de France coûte 500 millions d’euros à l’Etat français, argent qui pourrait être employé pour l’enseignement, la santé, les allocations familiales...

Le bal des candidats

Alors qu’on aurait pu s’attendre à ce que chacun tente de tirer la couverture à soi, ça n’a absolument pas été le cas. Chacun s’écoutait parler et ils s’applaudissaient entre eux, beaux joueurs.

Jack Lang semble avoir été le grand déçu de cette journée : pas vraiment courtisé, souvent seul dans les couloirs, il s’est absenté du grand auditorium pendant l’après-midi, "un peu irrité par la tournure que prenaient les événements", ai-je entendu de la bouche d’une membre de son staff.

Laurent Fabius ne fut pas très courtisé non plus mais il faut dire qu’il a été très assidu toute la journée, toujours présent dans les premiers rangs de l’auditorium, très attentif aux débats. Quelques proches venaient le saluer et prendre des conseils d’une oreille attentive mais il s’est illustré par une politesse et une écoute rares. De plus, son intervention sur le logement et la fiscalité fut absolument brillante, très argumentée et très convaincante ; elle s’acheva sous une pluie d’applaudissements.

Comme je l’ai dit, DSK n’était pas là, ce qui est étrange pour un candidat à la candidature déclaré depuis longtemps. Jospin n’était pas là non plus mais ça n’a visiblement troublé personne...

Ségolène Royal fut bien sûr la grande égérie de la journée. Hyper courtisée quoiqu’elle aussi très assidue, elle fut applaudie avant, pendant et après son intervention sur l’éducation et l’emploi. Assaillie par les photographes au moindre battement de cil, elle fut submergée par la foule et par la presse la fin de la journée.

Enfin, François Hollande, toujours possible candidat, a fait une prestation époustouflante. Drôle, dynamique, en très grande forme, il fut très applaudi à chaque prise de parole, fit plusieurs démonstrations brillantes notamment sur le thème économiques, et surtout clôtura la journée avec un discours absolument enivrant, hilarant et convaincant. Ce n’est pas peu dire !

L’intervention de Ségolène Royal

Puisqu’on accuse souvent la présidente de la Région Poitou-Charentes de ne pas avoir d’idées, je vous propose un condensé très rapide de son intervention... En introduction : puisque c’est le travail qui produit de la richesse, il faut taxer le capital plus que le travail, ce qui est actuellement le contraire en France.

Plus de 20000 enseignants-chercheurs ont quitté le pays : il est indispensable de faire revenir la matière grise en France en revalorisant la recherche. Cela permettra d’améliorer la formation professionnelle et continue et contribuera à une meilleure université. Il faut lutter contre l’échec scolaire dans le secondaire et dans le supérieur car une meilleure formation permet une meilleure insertion sur le marché de l’emploi.

La sécurité de l’emploi est un combat primordial et il faut lutter contre la précarité du travail chez les jeunes car ils veulent travailler, ce ne sont pas des fainéants et des oisifs comme on veut nous le faire croire. Il est donc urgent de rénover le dialogue social.

Sur la question de la sécurité, il ne faut pas avoir de complexe avec la droite : elle n’a pas l’apanage de l’ordre public. Et ceci est également valable pour la sécurité économique.

Le discours de clôture

Magnifique discours de clôture de François Hollande, qui dément en quelques minutes les accusations de manque de charisme ou de dynamisme. J’étais le premier à penser que malgré son esprit brillant et sa formation haut de gamme, il souffrait d’un cruel manque de charisme. Eh bien franchement, même s’il est desservi par les médias, je vous assure qu’on ne m’y reprendra pas.

Après avoir brocardé les lois répressives de Sarkozy et ses attitudes bienveillantes envers les réseaux intégristes qui servent de soupape de sécurité dans les milieux, le Premier Secrétaire du PS a rebondi sur l’actualité en évoquant l’agression de deux CRS en Seine-St-Denis et les propos alarmistes du préfet de ce département sur la baisse du nombre de fonctionnaires de police. Il a résumé l’action du président de l’UMP en trois mots : mensonge, illusion, impasse.

Le mensonge, c’est la gesticulation qui cache l’absence de moyens qu’il donne à sa politique revendiquée, donc l’absence de résultat, notamment dans la baisse de la délinquance. L’illusion, c’est de faire croire que la sécurité est meilleure aujourd’hui qu’en 2002 alors qu’il se développe des zones de non-droit où la police n’ose plus mettre les pieds. L’impasse, c’est l’oubli de la prévention, de l’éducation et de la police de proximité. Cette politique du tout-répressif et de l’esbroufe fait le jeu de l’extrême-droite !

François Hollande a également dénoncé la politique des quotas de Sarkozy. Il pensait régulariser 6000 dossiers sur les 20000 qu’il avait prévu de recevoir ; il en a finalement reçu 32000 et en a régularisé... 6000 ! Où est le cas par cas dans ce cas là ? Bien sûr, le patron du PS ne manqua pas de mentionner le problème de Cachan où le ministre de l’Intérieur a expulsé 300 personnes sans se poser la question de ce qu’il allait en faire pour finalement rejeter la faute de façon outrancière sur le maire de la ville, qui a fait au mieux avec les moyens dont il disposait, en ouvrant un gymnase afin qu’ils aient un toit.

Pour continuer dans l’actualité, l’affaire de la privatisation de GDF est un scandale selon le député-maire de Tulle. Et si l’UMP reproche au PS d’avoir déposé trop d’amendements, c’est selon lui le droit des députés, et cela a permit de défendre les idées socialistes, voire d’ébranler les idées de certains députés de la majorité.

La dernière flèche fut pour Jacques Chirac, qui promettait en 2002 la création d’un statut pénal du chef de l’Etat, où le président de la République serait responsable pénalement devant les juges et politiquement devant le Parlement. Avec humour, François Hollande explique que Jacques Chirac peut désormais créer ce statut sans crainte puisqu’il s’est protégé en nommant procureur de Paris un membre de sa garde rapprochée.

Enfin, François Hollande repris les propos de Sarkozy, atlantiste revendiqué et bushiste affirmé, qui raillait les Français nombrilistes, arrogants et narcissiques. Selon François Hollande, les socialistes et les Français en général n’ont pas à rougir de la France. Au contraire...

"il faut être fier de la France généreuse, de la France solidaire, de la France des Droits de l’Homme !"