Daniel Prévost : le Génie incompris

Daniel Prévost : le Génie incompris

Ces jours-ci j’ai fréquenté Daniel Prévost un peu plus que d’habitude. Il faut dire qu’avant, je ne le connaissais pas personnellement. J’étais comme tous les français, j’avais vu cinquante fois son reportage-sketche sur Montcuq issu du "Petit rapporteur", quelques films dans lesquels il jouait son personnage récurrent du type aggressif avec son rire particulier, les bons moments comme dans "Uranus" et les moins bons qu’on n’a pas envie de citer en public pour pas fiche la honte aux réalisateurs.

J’étais comme tout le monde à la fois fasciné et énervé par cet être facétieux à frisettes qu’on ne peut pas bien ranger dans des cases commodes, qui échappe aux lois du genre, du milieu.

Et puis un jour je suis tombé presque par hasard sur un de ses livres de pensées publié au "Cherche Midi". Là, ça a été carrément un choc, je me suis rendu compte que ce type indéfini, provocateur, exigent avec lui-même et très cérébral était un Auteur, un Ecrivain immense qui était à des années lumière de ses congénères, qui a inventé et construit au fil des années une oeuvre importante, faussement complexe qui est dans la lignée des plus grands artistes défricheurs d’idées épatantes, troublantes, ébranlantes et jubilatoires du siècle qu’on a connu.

En côtoyant un peu Prévost de près, en l’observant mine de rien, en allant chez lui, en voyant sa famille, en le toisant dans une plus forte intimité que le prisme de l’écran, j’ai dû me resoudre à admettre que Prévost est un de nos plus grands intellectuels, un sociologue attentif et foisonnant de l’absurdité de nos mondes visibles et invisibles.

Prévost est un initié qui a les lunettes pour comprendre une partie de notre humanité avec une avance substantielle, c’est certainement un des artistes qui a le mieux compris le media, ce qu’on a appellé la société du spectacle à laquelle il participe, mais toujours avec une distance et un esprit critique tout à fait exemplaire et libertaire.

Quoi qu’il en soit, cela fait des années que, malgré la simplicité, la véracité et l’intelligence de son propos, on ne comprend pas assez bien Daniel Prévost, on ne sait guère l’envisager en tant que tel. L’homme n’a aucune sorte d’importance, ses interviews non plus, seuls comptent son oeuvre, ses écrits, ses spectacles, ce qu’il a créé du Cortex.

Habitué au moyen, à la facilité, à la banalité, aux compromissions du milieu artistique, on est en train de passer à côté de Prévost, on est en train de mal lire son message. Prévost est le dernier de sa race, après lui on retombera dans une espèce d’artistes formatés, interchangeables, gérables, attendus, il n’y aura plus de couille dans le potage, de grain de folie dans le sable et on s’ennuiera grave en regardant le panorama artistique.

Prévost est trop libre pour nous, trop indispliné, trop doué pour recevoir des bonnes notes, être l’élève qu’on aime récompenser. L’auteur est trop travailleur, trop précis, trop humble et trop vivant pour nous autres qui aimons les artistes lights qu’on met dans des boîtes commodes au classement.

Il ne faut pas passer à côté de Prévost et se rendre compte qu’on ne l’a pas assez aimé, pas assez compris, il ne faut pas faire cette erreur insupportable, cet affront immonde.

Il faut le lire et après lui dire merci, qu’on a bien compris le message, qu’il était clair et limpide, lui dire que sa clairvoyance nous a rendu meilleur et qu’on espère un jour nous aussi connaître toute cette liberté en nous-même pour oser comme lui... pour oser être avec tant de vide apparant... si tellement rempli d’acuité sensitive, d’amour, d’humour et d’un talent unique.

La plus grande absurdité de ce monde est bel et bien de ne pas comprendre, admirer et estimer Daniel Prévost à sa juste valeur.

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Photographie du physique visageal de Daniel Prévost : Frédéric Vignale

Photographie du physique visageal de Daniel Prévost : Frédéric Vignale