C’est officiel : Arnaud soutient Ségo !

C'est officiel : Arnaud soutient Ségo !

Le 14 juillet dernier, Arnaud Montebourg avait prévenu qu’il fallait "se préparer à travailler" avec Ségolène Royal, en annonçant qu’elle serait cette année l’invitée de la Fête de la Rose de la fédération de Saône-et-Loire, à Frangy-en-Bresse. Le bruyant député, qui estime que sa candidature "aurait ajouté une division supplémentaire dans la fracturation déjà multiple du parti", relève "l’énorme désir de renouvellement du personnel politique et de changement de génération" : "ceux qu’on appelle les éléphants seront sévèrement sanctionnés pour avoir abusivement occupé l’espace politique du parti en empêchant l’avènement, par la transmission des compétences, d’équipes et d’idées nouvelles".

La réalité de la non-candidature à l’investiture socialiste d’Arnaud Montebourg trouve plus certainement sa cause dans l’introduction d’une procédure obscure dite des "30 signatures" que dans un élan philantropique, mais le fait est que ce soutien est désormais officiel avec la publication d’une lettre dans Libération, adressée la semaine dernière aux militants de l’association "Rénover, maintenant" dont il est le président délégué. Dans son courrier, le trublion socialiste explique que "pour conjurer le danger lepéniste et infliger une cruelle défaite à la candidature Sarkozy, il est impérieux de réussir à se rassembler, réussir à nous renouveler, et réussir à tenir les promesses de la gauche" et ajoute : "je crois que Ségolène Royal a les atouts pour conjuguer ces trois exigences".

Ce ralliement du député de Saône-et-Loire est-il un important choix politique ou le marqueur manifeste d’un opportunisme patenté ? On peut pencher pour la seconde solution, ne serait-ce qu’en affirmant qu’un soutien à Laurent Fabius aurait été plus justifiable du point de vue des idées et de l’échiquier politique, et que ce ralliement au camp Royal sonne d’ailleurs comme un coup de grâce pour la candidature de l’ancien Premier ministre.

Cependant, comme le relève très justement Matthieu Duvail : la prochaine élection présidentielle se jouera sur la crédibilité des candidat(e)s à mettre en oeuvre le programme de la campagne, ce qui est un des éléments du renouveau démocratique réclamé par Montebourg. Et de fait, il est évident que la ligne politique "clairement à gauche" de Laurent Fabius, à l’image de celle de François Mitterrand jadis, se cassera les dents sur l’exercice du pouvoir... Pierre Mauroy pourrait aisément en témoigner et c’est d’ailleurs pourquoi ce dernier soutient également la présidente de la région Poitou-Charentes.

Car, qui plus que Ségolène Royal, incarne aujourd’hui un renouveau de la chose publique ?

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

La lettre d’Arnaud Montebourg :

J’ai fait un pas, personnel mais déterminé, sur le terrain difficile du choix. Choisir est l’une des aptitudes requises dans l’engagement militant et politique auquel nous sommes tous confrontés et qu’il n’aurait pas été courageux de chercher à esquiver.

Il nous faut désormais choisir, parce que nous n’avons plus le choix. Ma candidature, espérée et ressentie par nombre d’entre nous comme meilleure solution pour défendre nos idées, est devenue impossible parce qu’elle souffrait d’un inconvénient de taille : la probabilité d’une victoire était faible et nombre de camarades auraient préféré défendre, contre leurs convictions, un autre candidat en mesure de gagner, selon la mécanique du vote utile. J’ai entendu de si nombreuses fois ce message derrière les estrades et loin des blogs, dans la bouche de camarades présents dans nos combats depuis les origines et aux convictions incontestables.

Ma candidature aurait ajouté une division supplémentaire dans la fracturation déjà multiple du parti, alors que l’esprit de préparation de l’élection présidentielle doit s’inspirer de la nécessité du rassemblement entre les socialistes et doit s’appuyer sur des actes constructifs de mise en commun des idées et des actions.

Enfin, elle se serait affrontée à la totalité du reste du parti, ce que traduit la vérification que nous avons faite de l’impossibilité bureaucratique d’obtenir les parrainages, et aurait conduit nos idées à réduire de leur influence, leur faisant perdre une part de leur capacité à pénétrer les esprits.

Le bilan de nos années de combat, de Dijon jusqu’au Mans, est intéressant, et mérite de poursuivre sa course, car nous avons réussi à mettre sur la table de la discussion politique nombre de nos propositions. Elles se sont répandues dans l’opinion. Elles sont apparues dans les programmes et devront être inscrites sur l’agenda politique de l’après victoire.

Pour répondre à la difficile question du choix, il faut se préoccuper de savoir ce que nous voulons faire de tout ce que nous avons fait ensemble jusqu’ici : La construction de la 6ème République comme solution à la crise politique et populiste du pays ; la domestication progressive du capitalisme financier comme perspective du socialisme européen ; la maîtrise sociale, environnementale et politique de la mondialisation comme héritage moderne du mouvement ouvrier ; la république européenne comme réponse à la victoire du non, sont des propositions qui ont un avenir considérable. Elles se situent au centre de gravité des besoins du pays, mais il reste à les concrétiser en faisant la démonstration de leur possible.

Nous pouvons faire le choix de nous installer avec ces magnifiques projets dans l’idéalisme de solitaire ayant raison contre tous. Nous serions en harmonie totale avec nous-même tout en faisant magistralement reculer nos idées !

Nous pouvons faire le choix plus difficile de nous allier avec qui ne partage toutes nos idées, pour convaincre au moins d’en mettre une partie en application. Ce choix a ma préférence car il reflète l’exigence dans laquelle nous sommes, comme militants du socialisme, de faire gagner la gauche. Et je voudrais vous convaincre d’en faire le vôtre.

Un tel choix d’alliance ne peut pas être pour nous ou moi-même un renoncement ou je ne sais quelle abjuration. Car je n’ai nullement l’intention d’être un autre que celui que j’ai toujours été et toujours voulu être. Il est un acte de vitalité, parce qu’il organise l’inscription, dans le champ cultivable de l’avenir, de nos idées qui poursuivront ainsi leur chemin ascensionnel. Pour nous tous et pour tout ce que nous portons depuis des années avec tant d’espérance, je préfère l’avenir à l’enfermement des catacombes. Et il ne nous est pas interdit de préférer l’alliance, souvent productive, à la solitude, parfois inutile.

Car la question la plus importante pour nous est bien celle de construire un rassemblement large de toutes les forces de gauche pour les faire gagner et gouverner durablement ensemble : celles du oui et celles du non, celles alter mondialistes et celles social-libérales, celles de la synthèse et celles hors synthèse. Cela implique notre capacité à nous articuler les uns avec les autres, construire des compromis politiques entre socialistes en rapport avec les besoins de la population pour asseoir une majorité durable en faveur des idées de gauche dans le pays.

Si nous sommes incapables de ce genre de comportement collectif qu’avait su mettre en œuvre François Mitterrand, nos fractures seront plus ouvertes que nos perspectives de victoire. Mais une telle espérance ne pourra être envisagée que si deux profonds désirs, exprimés dans le même mouvement par la population, rencontrent les propositions politiques de la gauche dont nous avons à nous préoccuper nous aussi.

Mesurons d’abord l’énorme désir de renouvellement du personnel politique et de changement de génération, dans lequel il faut situer nos choix. Quatre ans et demi après le 21 avril 2002, l’appareil a maintenu le gouvernement Jospin à la Direction, refusé l’inventaire de nos erreurs, diabolisé les nouvelles idées que vous avons avancées avec toute la génération de jeunes élus que nous sommes et empêché la rénovation du projet et des pratiques.

Comme pétrifié dans un bocal de formol, le Parti joue désormais sa survie devant ses électeurs, qui s’apprêtent à sanctionner l’immobilisme, et le refus de construire une nouvelle donne. Ceux qu’on appelle les éléphants seront sévèrement sanctionnés pour avoir abusivement occupé l’espace politique du parti en empêchant l’avènement, par la transmission des compétences, d’équipes et d’idées nouvelles.

Je crois que nous ne pouvons nous tenir à l’écart de cette aspiration au renouvellement, ni prêter main forte à quiconque voudrait empêcher sa réalisation.

Mais nous savons surtout qu’elle ne suffit pas. Car nous mesurons à quel point les déceptions provoquées par la gauche au pouvoir devront nous amener à proposer dans la campagne, puis dans la victoire comme dans la future majorité, des choix politiques ancrés à gauche.

Notre candidat ne pourra pas échapper à la nécessité politique de proposer d’équilibrer ce capitalisme débridé et financier en assumant une part de confrontation, administrée même à doses progressives, avec l’organisation actuelle du système économique en s’appuyant sur les mouvements sociaux qui travaillent la société. Il pourra utilement s’appuyer sur le reflux des idées libérales qui a commencé avec les victoires du non en Europe, et ainsi chercher à organiser la maîtrise de cette mondialisation sans règle, si destructrice sur le plan économique, social et environnemental.

Face aux projets dérégulateurs et ultralibéraux des droites européennes, il serait enthousiasmant que nous portions un programme de reconstruction de la République : réhabiliter le politique, restaurer sa crédibilité et ses marges de manœuvre, c’est le sens profond de ce beau projet de 6ème République qui, s’il n’est pas intégré dans le projet socialiste doit encore faire son chemin, même en pièces détachées.

Voilà comment je crois que nous pouvons entraîner nos électeurs dans un mouvement de victoire, ainsi que tous les autres en perdition, qui ont perdu confiance en toute action politique.

Pour conjurer le danger lepéniste et infliger une cruelle défaite à la candidature Sarkozy, il est impérieux de réussir à se rassembler, réussir à nous renouveler, et réussir à tenir les promesses de la gauche. Je crois que Ségolène Royal a les atouts pour conjuguer ces trois exigences. C’est bien sûr à elle de nous en convaincre.

J’ai fait un pas dans sa direction, en l’invitant à Frangy-en-Bresse et en imaginant de nous préparer à travailler ensemble. Il lui revient de parler à ce peuple de gauche dont nous faisons partie. Chacun d’entre vous jugera et décidera de ce que nous voulons ensemble faire de nos idées. Nous engagerons le débat à Fouras et nous le clôturerons le moment venu. Nous préserverons ensemble notre capacité d’action commune et déciderons ensemble de choisir. Mais je crois qu’il est avant tout nécessaire de donner la chance de la victoire à la gauche. A nous de faire en sorte qu’elle soit aussi celle de nos idées.

Arnaud MONTEBOURG