Impression

Le cinéma est un art ingrat. Il oublie souvent ceux qui ont fait son histoire. Né en 1912, Jean Devaivre traverse la vie comme un météore. Il est monteur, décorateur, assistant, scénariste, dialoguiste. Après avoir travaillé pour la firme cinématographique allemande - la " Continental ", il entre dans la résistance. Réalise une dizaine de films dont Un caprice de Caroline avec Martine Carol. La dame d’onze heure (1947) le fait connaître. Esthétiquement neuf, le film a 10 ans d’avance sur la " Nouvelle Vague ". La ferme des 7 péchés (1949) d’après la vie du pamphlétaire Paul-Louis Courier est un chef d’œuvre. Il lance des jeunes acteurs comme Dufilho, Bardot ou Georges Descrières. Donne sa chance à Claude Sautet qu’il prend comme assistant. Dans le même temps, Devaivre voyage et rencontre les grands du siècle : Tito, Khrouchtchev, Malraux, de Gaulle, Saint-Exuéry, Orson Welles… Il est l’ami de Eric Von Stroheim, Méliès et de Louis Lumière. En 1992, Tavernier le redécouvre. Après avoir été un homme de partout, Jean Devaivre était devenu un homme de nulle part.

Alexandre Moix, Le Nouvel Observateur, 12 juin 2002

Des amitiés de maquis aux foulées de Vincennes, ce livre unique c’est avant tout le parcours d’un résistant : Jean Devaivre traverse le siècle caméra au poing en artiste militant pour son art et son pays. Riches en détails, en anecdotes, en images, ses mémoires sont celles des années fastes du 7ème art et racontent aussi les débuts du cinéma parlantn la Guerre de 39-40, la Résistance et le Maquis, les premières colorisations de films · Le Maroc avant l’Indépendance, la Yougoslavie de Tito, l’URSS pendant la guerre froide. Bien au-delà d’une histoire du cinéma, Action ! est un document historique unique. L’itinéraire d’une enfant gâté intègre, passionné et sincère qui a réussi une traversée humaine et sur pellicule qui ne laissera personne indifférent.

Jean Devaivre ou les mémoires d’un terroriste à temps complet du septième art

Le Cinéma a souvent la mémoire qui flanche, ne se souvient plus très bien d’hommages essentiels et légitimes. Son Histoire sur "bobines qui tournent" oublie trop souvent ses artisans géniaux. Griffith et Stroheim sont morts dans la misère. Orson Welles, qui n’a jamais pu faire son Don quichotte est devenu un homme de nulle part. Et qui aujourd’hui se souvient encore de Jean Devaivre ? Les critiques qui ne voient que le temps présent n’ont jamais appréciés à sa juste valeur ce visionnaire de la pellicule. C’est sans nulle doute une des marques des grands bâtisseurs. Devaivre comprend très tôt qu’un film, c’est avant tout une histoire. Une narration et donc un rythme. Son cinéma, dénigré en son temps, oublié maintenant par tous sauf par Tavernier, avait déjà 30 ans d’avance. Il préparait sa nouvelle vague en secret : elle s’est échouée dans l’oubli. Chez Devaivre le rythme est une musique. Avec ses crescendo, ses boléro et ses temps morts qui n’en sont pas. Car Devaivre sait gagner du temps. Normal quand on est l’auteur d’une dizaine de courts-métrages et de spots publicitaires.

Maître de l’ellipse dont il a fait son art, ses œuvres naissent de ces vides qu’on ne voit pas mais où tout est dit. Excellent chef d’orchestre, il a su diriger ses films en virtuose. C’est pour cela, qu’aujourd’hui encore, on regarde ses films comme on écouterait de la grande musique. A plus quatre vingt dix ans, Jean Devaivre est le plus contemporain de nos cinéastes. Il nous le prouve à travers ce témoignage unique qui donne la seule vision juste de son travail.