Rencontre avec Jil Caplan

Rencontre avec Jil Caplan

"Cette fille n’est pas pour toi", "Le lac", "Nathalie Wood",
"Tout c’qui nous sépare", "La grande malle", "Oh tous les soirs", "La charmeuse de serpent"... autant de chansons, autant de succès qui ont fait la notoriété d’une jolie brunette très glamour qui de valentine est devenue pour le monde de la Musique une "Jil Caplan" qui reste gravée dans notre mémoire collective et affective.
Nous avons voulu rencontrer la troublante Jil et nous confronter au mythe musical qui a tant marqué nos années 90.
Nous avons eu la chance de converser avec une fille toute simple, accessible et toujours aussi belle, qui a l’aube de ses quarante ans prépare un nouvel album pour 2007 en compagnie de son mentor Jay Alanski...

Comment êtes-vous entrée dans la Musique Jil Caplan ?

J’étais au lycée avec les gens qui ont fini par composer le groupe " Les innocents", c’était à l’époque un groupe Garage. En 1986, ils étaient en studio et je les accompagnais ; c’est là que j’ai commencé à rencontrer le monde de la Musique de manière concrète en la personne de Jay Alanski. C’était un peu le hasard qui m’a conduit vers quelqu’un qui a voulu me faire chanter moi aussi.
Mon rêve c’était plutôt le cinéma, le théâtre, je venais d’une famille de chanteurs puisque ma grand-mère était chanteuse d’Opéra. Chef des chœurs. Donc le créneau était pris je n’avais pas spécialement envie de rester dans ce domaine artistique-là.

D’où vient votre pseudo "Jil " ?

J’étais chez Sony à ce moment-là et ils avaient un artiste qui s’appelait Valentin, donc ça ne les arrangeait pas d’avoir une Valentine, qui est mon vrai prénom dans la vie.
Ce métier permet de changer de nom donc j’ai demandé à Jay de me trouver un prénom fille/garçon et il m’a proposé Jil qui était le nom d’une revue très classe, anamorphosée avec de superbes photos qui n’existait que chez certains libraires. Ainsi est né le fameux Jil.

Est-ce que vous vous rendez compte à quel point vos chansons ont marqué la mémoire collective ?

Pas du tout, je ne me rends compte de rien (rires). Non pas du tout, c’est très abstrait pour moi tout cela, nous les artistes finalement, malgré les concerts, nous vivons dans notre bulle.

Je me souviens de vos chansons et bien évidemment aussi de vos clips comme celui de "Nathalie Wood" où vous apparaissiez en sous-vêtements noirs et avec une minerve... cela a beaucoup marqué les esprits...

Oui, les clips passaient deux à trois fois par jour c’est grâce à cela qu’on m’a très vite reconnue dans la rue. Le clip dont vous parlez c’est moi qui l’ai réalisé car j’adorais Helmut Newton. C’était un hommage à une photo de Newton où il y avait une femme très belle qui portait une minerve. Une femme qui avait un peu le physique de Charlotte Rampling et je trouvais cela très esthétique, très fort, très beau. J’adorais déjà le cinéma, le film "Portier de nuit" justement et aussi et surtout les Fassbinder. A ce moment là les artistes avaient une vraie liberté artistique et j’ai pu réaliser ce clip très facilement, je ne sais pas si ça serait aussi facile aujourd’hui.

Pour ce clip, j’ai pris une caméra et j’ai vraiment fait ce que je voulais sans chef de produit de 23 ans qui dit "Oh non ce n’est pas une bonne idée !". Je n’aime pas dire "c’était mieux avant", mais là je crois que les choses ont changé dans ce domaine. Y’a moins de liberté d’action, vraiment.

Quelle est votre chanson qui a eu le plus de succès ?

C’est "Tout ce qui nous sépare". C’était la folie, c’était énorme. Cette chanson a super bien marché. Les gens se sont reconnus en elle. Je ne peux pas compter le nombre de gens qui m’ont raconté des anecdotes au sujet de cette chanson. Ce "tube" comme on dit n’a pas été la chanson du premier baiser mais des tas de mecs m’ont dit "ma copine m’a quitté et m’a offert ce disque en cadeau de rupture". (rires)
Je crois que cette chanson a vraiment parlé au public car c’est arrivé à tout le monde de se sentir étranger de l’autre malgré l’amour qu’il a pu y avoir.

A partir de ce moment-là, comment se fait-il que malgré votre notoriété, votre charisme et votre envie de faire du cinéma, il n’y ait pas eu de rencontre avec des réalisateurs ? De projets communs ? Ça paraît étrange car vous aviez tout pour cela.

Si, il y en a quelques unes mais je n’y vais pas, je ne me l’explique pas moi-même, j’ai dû me dire que n’allais pas y arriver. Il faut dire aussi que ce n’était pas des projets qui m’emballaient. C’était un peu toujours la jeune fille de 25 ans qui tombe sur un mec de 50 ans et au bout du deuxième plan ou quasiment elle passe à la casserole. Quand on aime vraiment le cinéma on a un peu envie d’autre chose. Alors je ne suis peut-être pas tombée sur les bons à cette époque mais globalement ils manquaient singulièrement d’imagination. Après je suis partie en tournée et passée à autre chose.

En fait vous n’avez jamais cessé de faire votre métier depuis vos premiers succès ?

Oui j’ai fait beaucoup de concerts, de tournées, un peu partout. J’étais encore en Birmanie il n’y a pas si longtemps. J’ai pas mal voyagé.

Je me souviens d’un de vos clips tourné aux Etats-Unis justement sur l’idée du Road Movie...

Oui ce clip c’était un hommage littéraire à l’Amérique, celle que j’aime, celle des grands espaces, d’une magnifique lumière naturelle et de la Beat generation, de Kerouac.
C’était en effet l’idée du Road Movie, sur la route et la trace de Ginsberg. Cela me faisait vraiment fantasmer. On avait tourné cela en caméra super 8 avec le directeur photo des Inrocks pendant une semaine. On avait loué une bagnole et on est parti droit devant nous.

La grande rencontre artistique de votre vie c’est Jay Alanski ? C’est celui qui a découvert Lio c’est bien cela ?

Non pas exactement. Il travaillait avec Jacques Duvall qui connaissait Lio, le lien s’est fait comme cela. Lio était très jeune, elle avait 13, 14 ans. Jay a donc fait la musique de "Banana split". Mais vous savez lorsque j’ai rencontré Jay, le fait qu’il avait travaillait avec Lio ne me faisait pas grand chose, car moi j’étais plutôt Punk, Rock, Underground donc Lio n’était pas trop une référence.

Donc genre "le mec qui avait fait un tube avec Lio ", cela ne m’impressionnait pas outre mesure. J’ai été très claire, je ne voulais pas être une sous-Lio ou récupérer des chansons qu’elle n’avait pas voulues. Mais j’ai appris à la connaître et je me suis rendu compte que ce n’était pas du tout cela, que c’était un sacré type très charismatique et talentueux qui avait 32 ans à l’époque et qui était assez fascinant. J’avais vingt ans et il avait une culture incroyable. C’était la figure du mentor, très mystérieux, très dandy. Cela a donné 3 albums dont mes plus grands succès.

Comment se fait-il que ce duo Jil/Jay ait si bien marché artistiquement et commercialement ?

Il y avait une alchimie entre nous que je n’ai jamais retrouvé ailleurs mais lorsque nous avons cessé de travaillé ensemble j’ai appris véritablement mon métier sans lui car j’ai pu davantage organiser les choses, me sentir plus libre. J’aime travailler en duo mais nous n’étions pas sur le même pied d’égalité, j’étais sa Muse, son "objet", sa matière artistique et c’était parfois un peu frustrant.

Le quatrième album sans Jay ça a dû être difficile pour vous tout de même non ?

Bien sûr. Jay avait envie de passer à autre chose. Il adorait la musique électronique et avait envie de se lancer dans cette production-là. Il a donc fait des albums sur le label de Laurent Garnier. Il a eu de belles récompenses. Avec l’argent qu’il avait gagné il s’est installé son propre studio et a travaillé comme cela pendant 10 ans en contrôlant tout, c’était très enrichissant pour lui. Nous avons toujours gardé le contact, nous nous sommes envoyé nos disques réciproques et des petits mots pour les anniversaires.
C’est vrai que moi je me suis senti désemparée mais j’ai fait ce quatrième album que je trouve un peu neurasthénique, car c’était un peu l’état dans lequel j’étais, mais finalement c’était un passage obligé.

Ensuite il y a eu le travail avec deux Innocents...

Oui avec J-P Nataf et puis Jean-Christophe Urbain. J-P Nataf est très lent et moi je suis très rapide ; c’est difficile parfois de travailler avec quelqu’un qui n’a pas le même rythme que soi, malgré tout on a réussi un album que j’aime beaucoup mais qui finalement est mon objet musical le plus "organique". Ça n’a pas fonctionné au niveau du public, pas de passage radio. C’était un disque trop intimiste, on n’a sans doute pas assez pensé à l’extérieur, c’était un disque pas facile à défendre mais je ne regrette pas du tout, j’ai appris beaucoup de choses. J’apprends beaucoup à chaque album. Ce que je préfère c’est le travail en binôme finalement.

Si on réfléchit bien votre succès est dû à votre physique assez androgyne, très glamour, et très séducteur mais avec une beauté assez froide qui donne juste ce qu’il faut pour troubler...

Oui, j’habite du côté du Marais et je m’aperçois que je suis une icone gay. Je ne suis pas physiquement agressive. J’ai toujours mis en avant mon côté garçonne et surtout je n’ai jamais voulu être à la mode car c’est très périssable. Je ne voulais pas coller à une époque. J’ai toujours voulu faire quelque chose d’intemporel.

Sur quoi travaillez-vous en ce moment ?

Je fais un nouvel album avec Jay Alanski, ce sont nos retrouvailles artistiques. Nous avons déjà préparé 10 titres qu’il reste à enregistrer. Notre relation a été très pleine et elle a forcément évolué, elle est plus égalitaire, équitable aujourd’hui, c’est vraiment le travail de deux artistes, le duo idéal.

On se retrouve avec un grand bonheur maintenant. J’ai appris un truc énorme c’est "dire non" lorsque cela ne me plaît pas et ça c’est une vraie évolution. Cet album sortira en 2007. Ce sera une couleur que je n’ai pas encore exploré jusqu’à lors, ce sera très hypnotique.
Et puis j’ai fait le making off de l’enregistrement du prochain album de Patxi Garat qui a travaillé avec Jean-Christophe Urbain, ce fut une expérience très enrichissante derrière la caméra à capter la création in progress.

Vous avez même votre propre Blog depuis peu... "Toutecrue"...

Oui c’est un très bon exercice de style, commencé il y a deux mois. J’essaye de le tenir régulièrement, j’ai de beaux retours avec ce Blog. Mon site était trop statique, le blog me permet de mettre mes vieux albums en photos, d’écrire au jour-le jour. C’est génial.
Donc vous pouvez me retrouver sur mon site, mon blog et je viens d’ouvrir un compte sur Dailymotion.com où je mettrais des vidéos...

A bientôt.

Photos : Frédéric Vignale

Photos : Frédéric Vignale