Interview : Bénédicte Bless de "Bless"

Interview : Bénédicte Bless de "Bless"

Elle s’appelle Bénédicte Bless pour la Sacem mais retenez juste "Bless" qui est son nom de chanteuse et le titre éponyme de son premier album. Cette jolie brune trentenaire fait une entrée très remarquée dans le monde de la musique indépendante française avec un timbre de voix très sensuel, des textes bien taillés pour le plaisir des sens et une vraie originalité et simplicité.
Gros coup de cœur pour cette demoiselle dont la chanson " Ce plaisir (ne m’est pas donné)" risque de devenir un modèle dans le genre tendre, ambigu, sexuel et lascif comme une danse des mots et des sons.

Nous avons rencontré, il y a peu, la chanteuse dans son Bistrot favori du 17ème. Entrevue avec la femme buvard...

Bonjour Bénédicte, je suis ravi de t’accueillir sur Le Mague. J’ai lu quelque part sur une bio que, du haut de tes 32 ans, tu étais Mère, Chanteuse et Sculpteur...

Où as-tu lu cela ? En effet je suis maman de deux petites filles, j’ai tâté un peu de la Sculpture mais cela fait trois ans que j’ai arrêté et que je me consacre uniquement à la Musique après être passée par une expérience collective de Théâtre du côté de la Bastille, notamment dans une pièce qui s’appelait " Et maintenant le silence ". Dans une de ses expériences j’ai créé une compo électro sur un texte mortuaire, ça a été le déclic. Je me considère avant tout comme une autodidacte.

Lorsqu’on écoute ton premier album on ne peut qu’être impressionné, outre la qualité des mélodies pour celle de tes textes... tu écris vraiment très bien...

Cela fait très longtemps que j’écris, j’ai jeté des tonnes de feuilles à la poubelle et je n’ai jamais réussi à terminer un roman que j’ai mis des années à recorriger. Mais écrire des textes de chansons c’est autre chose, ce n’est pas de la Littérature c’est un art à part et j’y trouve beaucoup de plaisir.

Comment tu procèdes habituellement pour faire une chanson ?

Y’a pas de règles bien définies. Je travaille en parallèle. D’un côté je fais des essais à la guitare, puis j’écris des bouts de textes et puis après j’assemble le tout. Il faut une rencontre entre le texte et la musique ou l’inverse.

Pour ma chanson préférée de l’album " Fais un vœu" je suis, par exemple, partie de la musique.

Je ne suis pas toujours d’accord avec les Inrocks mais ils ont dit une chose très juste à propos de ton travail c’est que aussitôt écouté on a l’impression que cela fait déjà parti de notre mémoire personnelle, qu’on a l’impression que l’on connait depuis toujours...

Je suis touchée par beaucoup de choses. Je suis comme beaucoup de gens sauf que moi je suis une éponge, un "buvard" comme le titre d’une des chansons de l’album. J’essaye de regarder à la loupe ce qui m’intéresse et je l’incorpore dans ma musique.
"Le fauteuil" est une sorte de chanson générationnelle qui est une histoire qui doit rappeler des souvenirs à pas mal de personnes.

Mais comment fait-on pour réaliser une musique qui est aussi efficace et qu’on retient aussi bien dès la première écoute ?

Pour tout dire, je crois que je n’ai pas une très grande culture musicale, en tout cas assez peu française car je suis très imprégnée par la musique anglaise. Et puis je n’ai surtout aucune mémoire, j’oublie tout... donc je dois rendre miennes tout un tas de chose de manière implicite, sans vraiment m’en rendre compte c’est assez commode.
Je travaille à l’oreille car j’ai du mal à travailler par rapport à quelque chose, à copier... je crois que je me suis inventée comme cela.

Je sais que cela doit être forcément énervant mais avec cet album on va te comparer à Mylène Farmer pour certaines chansons à cause de la tonalité de voix et de certains de tes textes, qui tournent autour d’un désir assez explicite et du thème général du plaisir et du charnel. Par contre, je trouve que tu es dans une vraie filiation de cœur et d’attitude avec François Hardy

J’avoue que je connais assez mal Française Hardy, en tout cas ce qu’elle a fait de récent. J’avais été subjuguée par "Tous les garçons et les filles de mon âge" à l’époque, mais c’est vrai que j’aime la classe, l’élégance de cette femme très belle et digne.

Pourquoi avoir fait un premier album qui joue autant sur le lascif, le coquin, le désir-plaisir, le côté sexuellement envoûtant ?

Vraiment, je t’avoue que je n’y ai pas pensé avant. Pour "Ce plaisir ( ne m’est pas donné)", le titre qui a donné le clip superbe de Delphine Gleize, la réalisatrice de "Carnage", la première phrase est venue comme cela avec cette idée de la danse qui est quelque chose de très sensuelle et puis je me suis laissée entrainer par les mots en jouant sur le double sens, sur l’ambigüité des interprétations les plus coquines. Mais rien n’était prémédité.

J’aime vraiment laisser toutes les libertés à l’interprétation.

Certains titres sont en anglais... pourquoi ce choix ?

En fait j’ai commencé à faire et à chanter en anglais. J’aime bien l’anglais car je ne suis pas très bonne dans la langue de Shakespeare. Donc ça m’oblige à être très forte, très efficace. D’ailleurs un de mes amis m’a dit que bien qu’ignare dans cette langue, il comprenait mon anglais. (rires).

Tu as abandonné la sculpture pour la musique, mais tu as nourri les notes de la sensualité de cet art ...

Il faut un temps où je me suis beaucoup investi dans la sculpture mais cela produisait un phénomène assez bizarre chez moi, j’entendais des voix... mais déjà je travaillais en musique.
En effet c’est un plus d’avoir vécu d’autres expériences artistiques pour en imprégner la musique après.

Pour une nouvelle arrivée, ton album connaît déjà un beau succès d’estime, tu l’as déjà défendu en télé à "Campus", tu as de bons articles, ton label te soutient bien... tu es fière de ton album ?

Oui très. Il est exactement le résultat de ce que je voulais, je l’ai pour ainsi dire pré-produit puisqu’une grande partie a été réalisé chez moi par mes soins puis mixé par mon compagnon Eric Neveux qui fait des musiques de films. J’ai été beaucoup soutenu par le label. On me dit que c’est un album un peu long mais j’ai dû me résoudre à m’arrêter à 14 titres alors que j’en avais une vingtaine !

D’ailleurs je travaille déjà sur le prochain et j’ai 8 titres pratiquement prêts à être enregistrés. Je vais de l’avant.

J’adore aussi le titre "Monsieur X". C’est très dans l’air "virtuel" du temps...

Oui je suis un peu nulle techniquement en nouvelles technologies mais j’aime ça d’ailleurs j’ai ouvert un petit espace sur Myspace. Cette chanson est sur le thème d’une rencontre très virtuelle en effet...

Le clip réalisé par Delphine Gleize est une vraie réussite.. peux-tu m’en dire plus sur sa fabrication ?

Il a été tourné en deux jours, c’était une volonté du label de faire un clip, ils ont choisi le synopsis de Delphine et j’ai adoré ce projet, elle m’a très bien dirigée.
J’adore le côté décalé de son univers, son regard. Je suis très fière d’avoir travaillée avec elle.
Les hommes sont un peu démunis dans l’album et elle a eu cette idée de cette infirmière qui va de chambre en chambre à la rencontre d’hommes accidentés, c’est vraiment très réussi.
Son clip n’explique en aucun cas la chanson mais il ne l’a trahit pas, c’est une vraie création à part entière. Et puis c’est un regard de femme sur une femme, c’est assez rare.

Vas-tu faire de la scène bientôt avec cet album ?

Oui Je vais faire une date le 8 à Bastille, j’aime la confrontation avec le public avec mes chansons dans des versions plus brutes. J’avais fait la "Route du Rock" avec Mister Neveux une année, c’était très enrichissant. Il y aura d’autres choses publiques certainement cet été et plus encore à la rentrée.

Les quatorze titres s’enchaînent à merveille, du coup j’écoute ton album en boucle. Comment a été construit une telle harmonie ?

On a fait des tests pour construire une cohérence, pour que cela "coule" en toute logique avec un début et une fin et une progression. L’album me ressemble bien à part l’imprimé du verso qui devait être différent avec des bougies et non des roses... mais c’est vraiment un bel objet dont la couverture a été réalisée avec grand talent par Marc Alary.

De quelle famille musicale française tu fais partie ? Comment trouves-tu la nouvelle génération des Camille, Anaïs et compagnie ?

En fait pour être honnête, celle dont je me sens la plus proche à tous les niveaux ce serait plutôt Kerenn Anne. Mes goûts vont vers elle plutôt qu’Emilie Simon ou Camille.

Ca a été compliqué pour toi de trouver un label ? Comment fait-on pour sortir un disque lorsqu’on est une nouvelle venue et pour y arriver dans cette jungle musicale ?

J’avais envoyé plusieurs maquettes à plein de gens sans réponses, puis quelqu’un a démarché pour moi et il y a eu la rencontre avec Bertil David qui travaillait chez "Because"... puis tout s’est enchaîné.

Une belle aventure avec des gens qui savent ce qu’ils font et qui soutiennent les artistes qu’ils ont signé. Merci Monsieur Emmanuel de Burtel.

Photo N&B : Frédéric Vignale



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