Initiales D.D : Danielle Darrieux

Initiales D.D : Danielle Darrieux

Danielle Darrieux est « petit bout de femme amusant. Amusant parce que pas tout à fait femme, c’est-à-dire pas menteuse, presque pas fière, presque pas coléreuse... presque pas tout le reste ». Belle déclaration d’amour d’un cinéaste pour son actrice devenue sa femme en 1935. L’inconnu Henri Decoin vient d’épouser la plus grande star du cinéma français.

Il a 45 ans, elle en a 18. Il a réalisé 5 films passés inaperçus, elle en a déjà tourné 14, signés par des noms prestigieux (Berthomieu, Billy Wilder, Siodmak, Kurt Bernhardt, Clouzot). Mais Danielle Darrieux est une star qui ne se prend pas pour une vedette. Quand, à 14 ans, elle se rend au « casting » du Bal de Whihelm Thiele, c’est plus pour désobéir à sa mère que par conviction. Une jeune fille, beaucoup plus déterminée qu’elle, attend aussi son tour : elle s’appelle Odette Joyeux. Mais la désinvolture de Danielle Darrieux l’emporte.

Elle enchaîne alors film sur film sans trop y croire. Comme ça, pour s’amuser. Le jeu devient vite un pensum. La jeune fille se rend au studio comme on va à l’école. Elle s’ennuie. Ses personnages se suivent et se ressemblent : adolescente écervelée, capricieuse nunuche, amoureuse benie-oui-oui. Danielle Darrieux veut arrêter le cinéma. Son second souffle, elle le doit à Henri Decoin. Le cinéaste sait filmer les femmes comme personne. Il devient son pygmalion. Ensemble, ils font des films comme on fait des enfants : Le Domino vert, Abus de confiance, Battement de cœur ou Premier rendez-vous, produit par la Continental, l’un des plus gros succès des « années-guerre ». Dans le même temps, Hollywood la réclame.

C’est en la voyant dans Mayerling d’Anatole Litvak que Universal lui propose un contrat de 7ans avec autorisation de tourner un film par an en France. Avec ses 7 malles, ses 43 robes, ses 60 paires de chaussures, ses chapeaux, sa chienne écossaise et son mari, elle débarque en terre promise. Mais le rêve américain tourne au cauchemar. Après avoir joué dans La Coqueluche de Paris aux côtés de Douglas Fairbanks Junior, « D.D. » casse son contrat.

La France lui manque. Universal la traîne en justice et lui réclame de l’argent. De retour à Paris, la jeune fille enfin devenue femme quitte son cinéaste pour un diplomate, Porfirio Rubirosa. Soupçonné d’espionnage, ce dernier est arrêté par les Allemands et envoyé en Allemagne. Un moyen de pression idéal pour obliger l’actrice à tourner dans des films produits par l’Occupant. Après un « creux de vague » de presque 10 ans, « D.D. » retrouve Decoin et le succès en 1952 avec La Vérité sur Bébé Donge.

Un nouveau départ. Elle s’essaye à la production (Le septième ciel - tentative malheureuse) et choisit désormais ses rôles dans des films qui seront presque tous des chefs-d’œuvre : Le Plaisir, Madame de..., Le Rouge et le Noir,Pot-Bouille, Marie-Octobre, Landru, Les Demoiselles de Rochefort, Quelques jours avec moi et plus récemment 8 femmes de François Ozon.

Hier mythique, cette femme unique au destin pluriel, est aujourd’hui une figure mythologique du cinéma français. L’une des plus vivantes et des plus jeunes. Et celle qui fut méchamment jugée d’ « imphotographiable » à la Libération reste certainement, à 88 ans, la plus belle de toutes les actrices françaises.