L’Amour en fuite

L'Amour en fuite

Avec le jardinage et le bricolage, draguer est le dernier hobbie à la mode. Le nouveau passe-temps de celles qui trouvent le temps long. Les femmes ne badinent plus avec l’amour. Elles le rentabilisent. Elles le calent dans leur agenda. Aimer est une activité comme une autre. Un sport collectif qu’elles pratiquent sur Internet suivant leurs horaires.

Déçue par une réalité peuplée d’hommes-femmelettes, la femme moderne veut maîtriser son destin. Ne plus perdre de temps mais en gagner. L’ADSL plutôt que le coup de foudre ! La solitude est un chronomètre qui compte les rides. Etre seule, c’est vieillir. Alors pour se faire brancher, les femmes se connectent. Jouent leur avenir en ligne. Là où l’amour est invisible.

Mais pas aveugle. Refaire sa vie en un double clic sur des sites de rencontres n’est pas un jeu de hasard. Improviser, c’est se tromper une nouvelle fois. Le risque zéro est l’unique promesse de bonheur.
Planquée derrière son écran plat, la femme masquée traque le Prince Charmant. Recrute l’homme idéal : un mâle préfabriqué qu’elle choisit sur CV. Si les hommes sont des têtes chercheuses, les femmes sont des chasseuses de têtes, des « profileuses » qui établissent le portrait robot du « mec parfait » : salaire, âge, gueule, taille, sports, situation familiale, avenir professionnel... L’homme est un plat composé qu’on livre à domicile. Une pizza. 1,80 m de viandes bien bronzées assorties de poches pleines, servies sur un plateau. Une calvitie naissante, quelques poignées d’amour, un centimètre de moins et on clique sur le suivant sans discuter.

Mais le temps passe et le Prince Charmant n’arrive jamais. Normal, il est une invention de la télé. Une arnaque pour faire rêver. De l’espoir dans un monde désespérant. Un conte de fée trafiqué. Greg le Millionnaire n’est qu’un figurant pour films porno, le romantique Bachelor un bourrin qui ne sait pas différencier une rose d’un pétunia et les « tentateurs » de « l’île » des hommes-troncs qui n’existent qu’à travers leurs pectoraux.

A vouloir devenir trop fort, le sexe faible part à la dérive. « Boat people de l’amour », les femmes vont finir par se perdre dans un océan de solitude et de larmes. Pour le plus grand malheur des hommes.

Ce texte a été publié préalablement dans le Magazine DS

A lire : « Le Premier Sexe », Eric Zemmour. Editions Denoël

A lire : « Le Premier Sexe », Eric Zemmour. Editions Denoël