Commerce éthique à Bangkok

Commerce éthique à Bangkok

Morgan a eu l’idée originale, écologique et audacieuse d’installer son entreprise en Thaïlande, là-bas où la possibilité de gestion de grandes plantations en teck permet une alternative à l’utilisation d’autres matériaux plus polluants ou précieux. Voilà une aventure humaine et professionnelle qui a titillé la curiosité de la plus intrépide de nos chroniqueuses : Cali Rise her-self ! Interview débridée.

1. Bonjour Morgan. Pourquoi avoir choisi de créer une société de commerce éthique à Bangkok ?

C’est la vie tout d’abord qui m’a invité à m’installer en Thaïlande après des vacances inoubliables et un poste de professeur de Relations Publiques dans une université thaïlandaise. Puis, mes convictions environnementales m’ont fait regarder la Thaïlande avec un regard particulier qui m’a aidé à mettre en lumière un potentiel très intéressant. On y trouve de nombreuses essences de bois qui permettent de proposer une alternative à l’utilisation de bois précieux ou en danger. Les plantations de teck en sont le principal exemple et proposent une vraie différence dans la ressource forestière par rapport aux pays voisins (Birmanie, Indonésie) où la traçabilité du teck est impossible.

2. Vous parlez de préserver l’environnement, pourtant vous utilisez bien du bois précieux de plusieurs espèces. Quelle est la différence entre votre activité et celles de vos confrères ?

Nous exploitons aujourd’hui le teck de plantation, le bambou, la jacinthe d’eau et le pin recyclé. Ces quatre essences participent à la préservation de l’environnement ou proposent une vraie solution de fond à un problème environnemental.
La seule essence précieuse est le teck et nous nous sommes engagés à n’utiliser que du teck issu de plantations gérées comme dans les Landes en France. Ce bois dispose de certificats officiels et d’un vrai suivi technique mis en place par des ingénieurs locaux qualifiés. Notre activité est donc bien différente de celle de nos confrères dans la mesure où nous nous engageons, pour nos clients, à assurer l’origine du bois utilisé. Au-delà de cette garantie, nous communiquons sur l’intérêt de notre démarche et sur la nécessité pour le consommateur de se responsabiliser face à son acte d’achat. J’ai la conviction que l’entreprise doit être le moteur de ce changement c’est pourquoi je me suis engagé sur la voie du mobilier éthique.

3. Pourquoi dites-vous que la scolarité des enfants du Nord-Est de la Thaïlande est menacée ?

Vous évoquez par cette question un second projet qui a pour but le soutien de la scolarité d’enfants défavorisés. En « Isan », la région Nord-Est de la Thaïlande, des enfants sont privés d’école car leurs parents ne peuvent rassembler les 8 euros mensuels nécessaires pour leur scolarisation (bus, cantine, uniforme). Il ne s’agit pas de la majorité des enfants mais de cas isolés que j’ai découverts en raison de ma forte intégration dans cette région. Cette réalité insupportable m’a incité à créer ce projet de cartes postales solidaires que je distribue dans des hôtels de Thaïlande et que je propose aux sociétés pour leurs vœux de fin d’année. De plus, un écotour est en construction pour emmener de petits groupes de touristes francophones dans cette région et les faire participer à l’émancipation de ces enfants intelligents et pleins de vie.
Un pourcentage des bénéfices de ces initiatives est reversé aux huit premiers enfants dont nous soutenons la scolarité et à Enfants du Mékong, une ONG française luttant pour l’enfance défavorisée en Asie du Sud-Est.

4. Qui peint les cartes postales haut de gamme que vous vendez dans des hôtels ?

Pas de peinture sur les cartes mais des photos réalistes des enfants concernés accompagnées d’un texte explicitant notre initiative. Un site Internet devrait voir le jour fin septembre pour présenter plus en détail notre projet et lancer l’écotour auprès du grand public.

5. En quoi consiste l’écotour que vous avez mis en place ?

Le but de cet écotour est d’inviter les touristes francophones curieux à découvrir l’Isan, cette région à l’écart des grands flux touristiques. Outre des découvertes de cascades, un pique-nique dans les rizières, des repas chez l’habitant ou une balade dans de petits marchés locaux hauts en couleurs, le but de cet écotour est d’inviter les participants à AGIR véritablement en réalisant des remises de matériels pédagogiques dans des écoles isolées, en intervenant dans des lycées et en participant à l’animation d’un centre d’enfants orphelins et sidaïques. En mêlant la découverte à l’action, nous souhaitons toucher les nombreux touristes qui souhaitent comprendre autant qu’agir véritablement, sur le terrain. Ce tour sera disponible à la fin de l’année.

6. Vous démontrez aux Thaïlandais qu’ « une initiative commerciale peut résoudre des problématiques sociales et environnementales ». C’est une position de dominateur, de donneur de leçons. Ne serait-il pas plus judicieux, maintenant, de les laisser continuer seuls ?

On peut donner les clés d’un projet après avoir construit puis consolidé un modèle de fonctionnement. Ce projet d’écotour n’en est qu’aux premiers pas. Les enfants que nous aidons seront ceux qui continueront cette initiative dans les années à venir, j’en suis persuadé. Mais aujourd’hui, rien n’existe, les enfants sont les premières victimes de cette situation et sans notre projet, rien ne changera. Donc je me situe plutôt comme un donneur d’espoir.

7. Bangkok... Pour l’occidental, ce nom reste souvent associé aux réseaux mondiaux de prostitution de mineurs (certains n’ont pas cinq ans) ou de drogue (le fameux triangle d’or). Toutes ces exactions rapportent de l’argent au pays. En tentant de changer le cours des choses, ne vous exposez-vous pas à des représailles dangereuses ?

La Thaïlande a changé mais les stéréotypes demeurent. La prostitution enfantine et la culture de l’opium ont disparu de Thaïlande et se sont délocalisés (malheureusement) vers les pays voisins plus pauvres. Nous ne craignons personne dans nos activités et souhaitons au contraire influencer les pratiques dans le secteur du bois pour gagner en transparence. Beaucoup d’entreprises fonctionnent avec des bois illégaux car elles ne connaissent que très mal les réalités du terrain. Nous sommes en contact avec tous les interlocuteurs de ce marché (Plantations, ministères, ONG, usines, distributeurs, consommateurs) afin de tenter de modifier les pratiques en cours.

8. En tant qu’homme à la peau blanche, comment est-on accueilli dans un pays aux coutumes si différentes du nôtre ?

La Thaïlande est un pays extrêmement accueillant où l’intégration se fait très naturellement. Certes le mode de vie des thaïlandais est très différent du notre mais la vie dépend beaucoup de la capacité d’adaptation et de l’ouverture d’esprit. Les curieux et les enthousiastes réussissent très bien en Thaïlande.


9. Bangkok, pour vous, cela rime avec quoi ?

Multi-culturalité et effervescence. Cette ville est un carrefour incroyable, un mix entre l’occident et l’orient. Je m’y sens très bien mais il est important d’aller s’aérer régulièrement au risque d’être avalé par son rythme effréné.

10. Je ne sais pas dire au revoir en thaïlandais mais je vous propose de me l’apprendre en vous laissant le dernier mot...

Au revoir se dit SAWAAT DII KRUP pour les garçons et SAWAAT DII KHAA pour les filles. Le suffixe est une marque de politesse qui diffère selon le genre de la personne qui salue.

Le site de Teck Ethik


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