Interview : Jay Lou Ava

Jay Lou est tellement doué, charismatique et sympathique qu’il risque bien devenir dans les prochaines années le camerounais le plus apprécié des français après Yannick Noah. Homme de culture et de convictions, il est un musicien à découvrir sans plus attendre car son message prône la paix, l’amour, l’harmonie et la joie.
Tout cela est vraiment communicatif et a fait danser et vibrer notre chroniqueuse Claire-Lise Marso. Rencontre Interview avec un bel artiste.

1. Bonjour Jay Lou. Etes-vous né en Musique ou la musique était déjà en vous ?

Hummm.... Comme Obélix ! Tombé dans la marmite de la « potion musique »...


2. Votre père est le compositeur de « L’hymne de la Réunification du Cameroun ». Est-ce que c’est ce qui vous a donné l’envie de créer vos propres morceaux ?

Le Cameroun était très divisé au début des indépendances, et l’hymne composé par mon père invitait les Camerounais à l’unité, à la fraternité pour former une nation forte et harmonieuse ; c’était un « chant de paix ». Avec une symbolique aussi forte, cet hymne m’a plutôt donné le sentiment d’appartenance à une nation, avec toutes les valeurs qui peuvent en découler. Néanmoins, l’envie d’écrire mes propres morceaux vient de ce désir profond d’exister, de partager ses propres émotions à travers ce langage universel qu’est la musique.

3. Le jazz semble être votre univers de prédilection. Quels sont les jazzmen que vous admirez le plus ?

Je ne pourrais pas tous les citer, mais pour ceux qui ont exercé une grande influence sur moi il y a tout d’abord mon idole Wes Montgomery, le guitariste des guitaristes, Jimmy Smith « The incrédible », Miles Davis qui a appris la fierté à beaucoup de musiciens, Oscar Peterson, le virtuose, Keith Jarret et son coté lyrique, Duke Ellington, LE compositeur, Ella Fitzgerald dont j’essayais à mes débuts de retranscrire les scats à la guitare, Nat King Cole, l’incomparable chanteur-pianiste, George Benson pour son apport dans la guitare moderne...


4. En quoi mélanger le jazz et les mélodies africaines et différents rythmes est-il novateur ?

Trois choses à cela :
-  Je fais rentrer à ma façon la musique africaine dans le registre des musiques instrumentales, celle que d’aucuns appellent « musique d’écoute » réservée jusque là à une certaine catégorie.

-  Cette fusion que j’appelle le PAJ ou encore « Progressive Afro Jazz » est très ouverte car elle s’adresse à la fois à un public dit « de jazz » et à « monsieur tout le monde », je vise l’intellect, le cœur les sens...

-  Je lutte à mon niveau pour « sortir » la musique africaine du ghetto des clichés trop facilement véhiculés. On n’est pas obligé de raconter l’Afrique sur un tamtam. Il existe un lyrisme et une poésie en marge de ce coté essentiellement rythmique qu’on tend à conférer aux musiques africaines. En somme, mon mélange musical parle d’une nouvelle Afrique, celle qui va à la conquête (musicale) du monde, avec des concepts et sonorités modernes et sans aucun complexe.

5. Vous jouez avec les plus grands musiciens dont Manu Dibango. Comment se font ses rencontres ?

Il n’y a pas vraiment de règles. J’ai rencontré Manu la première fois par le biais de mes frères aînés avec lesquels il aimait faire le « boeuf » dans son cabaret le « Club Manu » au Cameroun. J’ai rencontré Jimmy Smith alors que j’allais prendre un pot au Méridien à Paris. La rencontre avec Luther Allison s’est faite lors d’un concert de l’association des guitaristes de Paris dont je faisais partie...
Bref, c’est au hasard des rencontres, ou par personne interposée, et ça se passe selon les atomes crochus ou la conjonction des astres...


6. Sacha Distel était un très grand guitariste de jazz même si vous lui préférez Wes Montgomery. Dans un tout autre registre musical, Enrico Macias est aussi un virtuose de la guitare. Vous qui aimez les mélanges, accepteriez-vous de faire un bœuf avec ce musicien engagé ? Qu’est-ce qui pourrait vous retenir ?

Je me souviens de « Melissa » un des titres de Enrico que j’adorais lorsque j’étais plus jeune.... Bien sûr que j’aimerais jouer avec lui. J’adore le côté oriental de sa musique et le coté très sympa qu’il renvoie de lui-même. J’adore les mélanges car j’estime que c’est la base de la vie...

7. Vous êtes Camerounais, que pensez-vous de la discrimination positive, modèle américain que les Français tentent de reproduire ?

On en a réellement besoin en France car ça a marché ailleurs. Mais tout dépend de comment elle sera faite. Lorsqu’on a sorti les ceintures de sécurité pour les voitures, on a encouragé les automobilistes à les porter pour protéger leur vie mais sans grand succès. Il a fallu la loi pour les y obliger. Les individus ne se sentent égaux que devant la loi. Et dans la discrimination positive, tant qu’on ne légifère pas, à mon avis, il n’y aura pas de grands changements, sauf en façade. Je crois aussi que les médias pourraient jouer un grand rôle qui consisterait à redorer l’image de l’immigré et des gens dits « de couleur », arrêter de ne montrer d’eux que des images négatives, ils ont aussi grandement besoin d’une forme de « média-discrimination positive »

8. Quelles sont vos sources d’inspiration ?

La source d’inspiration classique : l’amour, l’amitié, la femme (elle ne manque jamais !), un regard, une tendresse, un parfum, une tristesse, une naissance, un bonheur, chagrin, colère...bref la vie au quotidien.
Ecouter certains artistes peut aussi inspirer. Puis, il y a l’autre source spirituelle ou métaphysique, je ne sais pas. On a l’impression qu’on est en contact avec d’autres mondes, d’autres entités et on reçoit comme des espèces de « flashs musicaux » qu’on retranscrit sur sa guitare.

9. Le Cameroun peut s’enorgueillir d’avoir des enfants célèbres comme Yannick Noah, Manu Dibango et vous. Qu’est-ce qui fait que le Cameroun soit aussi riche en talents de toutes sortes ?

Hum... c’est une colle !
Enfin, en plus des qualités que pourraient avoir les uns les autres, je pense que Ahidjo, notre premier président, a cultivé l’excellence. Il a favorisé l’émergence du sport et de la culture ; la plupart des lycées, collèges et Facs avaient droit à leur orchestre, concerts et bals animés par des élèves ou les étudiants ; c’était extraordinaire. Culturellement, le Cameroun a été très ouvert au monde, notamment au niveau de la musique, et cette richesse venue d’autres coins de la planète a été très enrichissante et motivante pour de jeunes artistes en quête de perfection. Sous ce régime il fallait se surpasser pour devenir le meilleur, c’était le challenge permanent, d’où la multitude de talents...je crois.

10. Finalement, possédez plusieurs cultures est-il un vrai bonheur à conseiller à tous ?

Il est évident que le fait d’avoir plusieurs cultures est enrichissant. Je n’insinue pas que ceux qui n’en ont pas plusieurs soient handicapés, mais la pluralité culturelle favorise non seulement l’ouverture d’esprit, la tolérance et le respect de l’autre, mais aussi la joie et le bonheur de découvrir et d’embrasser d’autres modes de vie.

11. Cher Jay-Lou, je vous laisse le mot de la fin...

J’ai l’espoir que le PAJ, le Progressive Afro Jazz continuera à s’enrichir des autres cultures. J’espère que ma musique pourra servir à réunir des âmes de tout horizon, de toute confession, et de toutes les couleurs. Mon message est un message d’amour, de paix et de fraternité et mon rêve est de voir plus tard s’étendre le PAJ dans d’autres domaines : le cinéma, la peinture, l’art culinaire...etc.
Merci à vous Cali, de m’avoir donné ce cadre d’expression, j’espère avoir tous les « magueurs » et « magueuses » (je viens d’inventer ces expressions :)) à mes prochains concerts. Longue vie au Mague !

Jay Lou Ava, Ebotan, Sergent Major


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