"Musculatures" : Nathalie Gassel réinvente le langage du corps

"Musculatures" : Nathalie Gassel réinvente le langage du corps

Nathalie Gassel est un corps. Un corps qui pense. Une masse de beauté et de force qui panse ses plaies ouvertes dans la plus profonde des dignités. Un corps qui est ce qu’il a voulu devenir, qui écrit, qui vit, qui aime, qui jouit. Un corps qui fait beaucoup frémir les hampes et leurs heureux possesseurs, un corps qui donne tout dans la folie amoureuse, dans les combats chimiques d’entités en affinités électives.

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Nathalie Gassel n’a pas n’importe quel corps " ordinaire " en fait, mais une " Musculature(s) " bien bandée qui se cultive, se travaille et se regarde exister et frissonner dans sa différence, dans son côté hors-norme assumé, voulu, soigné, flatté, dans sa soif de s’exhiber sans faux-semblants. Sans trahir qui que ce soit.

Peu importe que ce soit un homme, une femme, une " femme-homme ", un " homme-femme " qui s’exprime. On ne peut être insensible au message universel de cette " prose poétique " d’un être sexué, cultivé qui cite les grands auteurs russes et qui se cherche à travers les autres dans toute sa vérité, sans jamais tricher sur ce qu’elle est intrinsèquement.

Il n’y a aucune concession, pudibonderie ou volonté d’embellissement des situations dans les syntagmes de la belle, mais non plus aucun voyeurisme bas de gamme ou glauquitude dans ces épanchements intimes de cette femme belge athlétique au cœur tendre. Simplement une amoureuse depuis la naissance dans laquelle peuvent s’identifier des femmes de tous les âges et de toutes les conditions.

La démarche de Nathalie Gassel quoi qu’on puisse en penser est foncièrement intellectuelle même si elle passe irrémédiablement par les excès du corps. Transmutations charnelles que l’on n’a pas à juger mais que l’on peut comprendre aisément. Le corps de Nathalie est un langage. Son livre " Musculatures " est un métalangage époustouflant.

Chacun peut se reconnaître dans les écrits de Gassel car nous portons tous en nous cette part de féminité et de masculinité. Nathalie est juste une projection, énorme, mais jamais caricaturale de nos combats sexués intérieurs.

Un corps dans la ville, otage de son désir vertigineux pour les autres, un corps sempiternellement sur un fil périlleux, au bord d’une fêlure qui rode derrière des mots justes.

A vrai dire, lorsqu’on a lu un seul paragraphe de Nathalie Gassel, on oublie aussitôt la culturiste dans toute sa splendeur veineuse, car l’on sent immédiatement que l’on a la chance d’avoir un rendez-vous précieux et majeur avec la littérature. On oublie tout on boit à pleine bouche cette sève originelle qui est le fondement même de l’humanité. En cela et en d’autres aspects nous avons affaire à un livre historique, un précieux enseignement sur ce que peut être les réflexions et les questionnements d’une femme qui porte en elle une part si grande d’humanité hors époque chiffrable.

Ce corps envahissant, ces muscles disproportionnés, magnifiques, gorgés de ce même désir partout dans son anatomie qui tend vers la perfection formelle n’arrivent pas à masquer un grand écrivain. Une plume impressionnante de maîtrise, de fluidité dont certains accents résonnent comme des citations qui feront un jour partie de la mémoire collective des hommes.

Extraire des mots hors de leurs contextes littéraires serait une offense au talent de Nathalie Gassel car tout est écrit sur du papier à musique, joliment orchestré et mis en scène dans ce livre avec un sens du détail savamment étudié.

On ne peut engager un public très large mais bien entendu majeur et consentant de s’immiscer dans la vie textuelle d’un écrivain sensible, inspiré au carrefour de plusieurs genres dans toutes les acceptions de ce terme. Nathalie Gassel n’est pas une bête rare, ou que sais-je encore, c’est un être ultra sensible qui dit ce qu’elle est, et ce qu’est le monde avec un bonheur impressionnant et partagé, avec une verve de laquelle on ne peut être qu’admiratif. Un créateur vivant, un artiste touchant, marquant peut-être bien pour la nuit des temps littéraires.

Musculatures, Nathalie Gassel, Le Cercle, 2001, 160 pages. 16 euros.

Musculatures, Nathalie Gassel, Le Cercle, 2001, 160 pages. 16 euros.