Grégory Protche : A la Gloire de sa Mère

Grégory Protche : A la Gloire de sa Mère

A priori rien n’était fait pour que j’apprécie le premier livre de Grégory Protche. Etant moi-même particulièrement hypocondriaque, je n’avais guère envie de me plonger dans cette lettre posthume d’un fils à sa mère décédée d’un cancer après des années de lutte contre la maladie.

De plus, la couverture d’un goût douteux entre rouge et bleu ne rendait pas cet ouvrage très attractif à mes yeux.

Pourtant, malgré ces éléments à charge, j’ai eu tort. "A l’heure où ma mère meurt" est un témoignage incroyablement poignant, émouvant, bien écrit et mis en scène, qui mérite qu’on s’y arrête et qu’on le commente.

Il faut dire qu’au delà de la description très forte de la relation distendue entre un fils et sa matrice qui se rapprochent avec les épreuves, Grégory Protche raconte son amour de l’Afrique, de la négritude, des lieux et des ambiances. Le fait que cette histoire se déroule entre la France et Dakar donne une dimension universelle aux propos, ne centrant pas l’écriture uniquement sur la douleur et la culpabilité, l’absence et la mort.

Certaines scènes de ce film familial intimiste, où la maladie est l’actrice principale, sont bouleversantes, comme ce moment où la mère insiste pour montrer son sein atrophié à son fils, après l’ablation qu’elle a subi.

On assiste de part en part à un livre qui s’écrit avec ses doutes et ses remises en questions. Protche se demande s’il réussira à aller au bout de cette retranscription d’une tranche de vie et de mort ; on sent une belle sincérité dans ses propos, une volonté de dire la vérité, sa vérité, sans tricher sur une situation, sans rien masquer, sans travestir le réel.

Malgré mes craintes exprimées au début, il n’y a rien d’impudique dans le livre de Protche, il y a de la poésie même, de l’émotion, du bonheur simple, de la nostalgie, de la réminiscence, du partage, des doutes, des ressentis. Ce n’est pas un livre sur la tumeur, sur le corps desséché, c’est un ouvrage sur la vie, qui redonne le souffle à des situations passées, à des instants de grâce, à des moments d’éternité au Sénégal ou ailleurs, dans un univers où tout le monde est égal devant la souffrance.

Protche a trouvé dans son livre le bon dosage pour rendre ce tout inattaquable, jamais voyeuriste ou complaisant ; du coup, son histoire intime et personnelle devient la nôtre, cette famille déconstruite par l’absence ou la maladie devient la nôtre et on s’attaque aux personnages satellites.

"A l’heure où ma mère meurt" est un long chemin où le fils qui passe, le fils mystérieux qu’on attend, fait le plus beau cadeau qui soit - à ses yeux - à celle qui lui a donné la vie, il lui offre son entrée en Littérature.

"A l’heure où ma mère meurt", Grégory Protche, Exils Editeur, 2006

"A l’heure où ma mère meurt", Grégory Protche, Exils Editeur, 2006