Interview : Karpatt

Interview : Karpatt

Mêlant poésie et humour, tendresse et mélancolie, le joli combo que forme Karpatt ne finit pas de semer des petits cailloux sur la grande route de la chanson. Après deux albums parsemés au gré des vents, les Karpatt se lançaient dans des tournées olympiques au cœur des salles obscures à comptoir de France où leur verve linguistique prenait enfin le souffle escompté ! Et c’est en première partie de Mano Solo que le trio enflammait les salles pour le plaisir des non-initiés.

Ils nous offrent aujourd’hui treize nouvelles chansons pour leur troisième album : « Dans de beaux draps ». Oscillant entre jazz manouche, phrasé alambiqué, militantisme et une grosse gorgée de musique festive, Karpatt continue à déposer son empreinte sur la route, une guitare dans les mains, toujours un peu fanfaron. Car Karpatt, c’est aussi une grosse dose de bonne humeur.

Gageons qu’avec toutes ses qualités, on les entende siffloter encore longtemps.

Qui êtes vous les Karpatt ?

Un groupe de trois VRP qui baladent leurs chansons sous le bras depuis maintenant 3 ans et qui présente ses 13 nouveaux cailloux avec deux titres live enregistrés à Lyon. Le tout sculpté par nous même.

Votre nouvel opus « Dans de beaux draps » est-il dans la suite logique de vos deux derniers albums ou y a t-il a eu une prise de risque ?

Non pas de risque avec celui là. Ca viendra surement avec le prochain. Celui-ci est vraiment dans la droite ligne du précédent, avec un choix de le faire quasiment sans personne. Le plus "Karpatt" possible en fait.

On a l’impression que le ton est légèrement plus nostalgique dans les textes, même si ils continuent à rebondir sur des musiques joyeuses et enlevées. Est-ce une espèce de gaieté désabusée ?

C’est peut-être du à la route qu’on emprunte tous les jours, où l’on croise de plus en plus de lieux où on jouait avant qui aujourd’hui ferment. C’est peut-être du aussi aux difficultés qu’ont les festivals à survivre et peut-être aussi à la lutte quotidienne qu’est celle de la vie d’un groupe. Tout ca a suscité des textes un peu "nostalgique"...C’est aussi une source d’inspiration ces moments de doute, les fractures des souvenirs.

Même vous qui aimez les bistrots (car ils correspondent à ces lieux où chacun peut enfin se rencontrer, à l’instar de nos voisins de palier !), il apparaît dans cet album comme un lieu où le silence règne !? Mais que s’est-il passé ???!!!

C’est une belle histoire que celle du "Carpe Diem", le bar qu’on a rebaptisé le bar du silence. C’est le premier lieu où on a posé nos guitares à Angers et ce lieu est maintenant fermé pour cause de difficulté de finances.

Alors que si y’a un endroit de vie sociale à Angers où les gens échangeaient, c’était bien celui là ! Mais il n’a jamais été aidé par qui que ce soit question financement. Le Patron, Ludo est comme celui dont on parle dans notre chanson, le genre de personne qui accueille tout ceux qui ont des trucs dans le sac. Alors que nous, on ne peut parler que si on a des choses à dire. Et on l’a fait.

Qu’est ce qui vous a le plus inspiré pour cet album ? Des émotions ou des situations ?

Moi j’aime bien partir des mots, de leur musique. Le sens apparaît après avec ce que j’ai emmagasiné d’émotions à travers les rencontres et les souvenirs, parfois un peu déformés de ces rencontres

Vous avez choisi un drôle de titre « Dans de beaux draps ». Est-ce parce-ce qu’on vous attend forcement au tournant avec ce nouvel opus ?

Non, c’est juste parce qu’on donne toujours le titre par rapport au lieu où on l’a enregistré. Pour l’album précédent, c’était "Dans le caillou" car on avait travaillé ce disque dans une grotte. « Dans de beaux draps », c’est parce qu’on l’a fait à la maison. Et pour "mater" le son, j’ai empilé plein de draps et de couettes sur les murs. Alors si on nous attend au tournant, c’est cool. Ca veut dire qu’on nous attend.

Que s’est-il donc passé depuis votre dernier album ? La tournée avec Mano Solo vous a donné le goût des grands espaces ?

Effectivement, la tournée avec Mano nous a permis de nous faire entendre à une plus grande échelle mais on reste proche des petites salles, même si les plus grandes nous invitent "curieusement" maintenant qu’ils nous ont vu sur ces scènes... C’est ce type de lieu où les programmateurs se déplacent. Ils ne nous auraient jamais entendus sans doute.
Alors cette tournée avec MANO ça a été un vrai tremplin pour nous mais c’est surtout une belle rencontre avec un type qu’on respecte énormément et qu’on adore.

Est-ce que Karpatt continuera à jouer dans des bars comme l’Attirail même quand il aura rencontré son public dans de grandes salles ?

Oh oui oui oui. De façon peut-être un peu plus discrète, mais on passe souvent la veille ou le lendemain d’une grosse date faire un coucou à ces patrons de bars qui nous ont ouvert les portes. Et ce, très régulièrement.

Sur le titre Militant, vous dites : « La chanson c’est un truc sérieux, soit tu t’engages, soit tu t’en fous ». Ca veut dire que la musique est forcement engageante et qu’il faut l’assumer ?

C’est un militant un peu con qui parle dans ce texte. Et c’est justement pour répondre à ce sujet de l’engagement dans nos chansons que j’ai décidé d’en faire un texte parodique.
Notre engagement est total dans le choix qu’on a fait de vivre dans la musique, de s’autoproduire et de s’entourer de personnes proches. Après, les chansons c’est pour rencontrer les autres et passer un chouette moment. Pas pour dire le bien le mal et surtout pas dicter aux autres ce qu’il faut faire.
On participe au KO SOCIAL impulsé par les TETES RAIDES et on est souvent invité par des assos dynamiques à prendre la parole. Car ce sont eux qui sont confrontés aux violences capitalistes, bien plus que nous finalement qui vivons plutôt bien de la musique.


On peut pourtant chanter pour s’amuser non ?

Exactement, c’est tout le second sens de ce texte. Nous on s’engage à faire la fête.

Vous pourriez écrire une chanson comme « Chirac en prison », à l’exemple des Wampas ?

Chacun ses mots, moi j’aime bien ceux des WAMPAS. Et puis c’est vrai qu’il devrait être en zonzon avec pas mal de ses potes.

Qu’est ce que vous a inspiré la crise du CPE ? Quand on lit dans le même texte « J’emmerde les bourgeois et leur gouvernement », on pense à pas mal de gens...que ce soit sur le fond ou sur la forme. Ca aurait pu être quasiment un cri de ralliement !

J’habite bastille alors j’étais forcément dans les manifs qui passaient sous ma fenêtre. Mais l’album n’était pas sorti alors personne chantait avec moi...

Un de vos titres s’appelle « Des idées ». Parmi toutes celles que vous citez, laquelle vous correspond le plus ?

Des idées complices pour pas les froisser.

Vous parlez souvent de petites histoires où l’on rencontre de vieilles dames, des canards en plastique, des bars remplis du silence de ses clients. Cet album est-il un grand portrait de la France ? un constat ? une critique ? un grand jeu de pioche pour tous ceux qui vous écoutent ?

UN PORTRAIT DE LA FRANCE : ouais la mienne, c’est à dire l’infime partie que j’en connais
UN CONSTAT : ouais de mes émotions au moment de l’écriture
UNE CRITIQUE : ouais selon le degré de lecture des chansons
UN JEU DE PIOCHE : surtout, j’préfère laisser les gens entendre les chansons et y prendre ce qu’ils veulent dedans.

Les Karpatt, est-ce qu’on peut vous souhaiter de meilleurs amours que ceux dont vous parlez dans vos albums ?

Non surtout pas, l’amour c’est chiant si tout va bien.

Vous continuez à chanter dans les bâteaux ou dans des bus si tenté que vous ayez votre guitare sous la main ??

Ouais... comment tu sais ça ?

Karpatt, « Dans de beaux draps »

Karpatt, « Dans de beaux draps »