Interview Anne Boulay

Interview Anne Boulay

Elle a un visage d’ange mais derrière la joliesse de ses traits et la douceur de ses yeux se cache une femme provocatrice qui manie le second degré et le cynisme avec une grace et une facilité impressionnantes.
Anne Boulay, femme bien dans son époque, jette un pavé dans la mare des idées reçues en bien matière "d’élevage" enfantin. C’est drôle, enlevé et bien vu... cela ne pouvait que convenir à la plus extravertie et libertaire des intervieweuses du Mague. Anne Boulay répond aux questions de Cali Rise et ce dialogue entre femmes vaut bien tous les froufrou d’Antan.

Bonjour Anne. Etes-vous journaliste, écrivain, rédactrice en chef ou mère ?

Je suis à la fois tout et rien. Les changements d’« état » sont parfois cafouilleux. Il m’arrive d’être journaliste au supermarché, écrivain sous ma douche et mère de famille chez le coiffeur. Indépendamment du fait que le changement de sexe me paraît un peu compliqué, j’aime bien l’idée d’être une femme. Ça m’a l’air moins monotone que d’être un homme.

Alors qu’à notre époque, vivre au milieu d’une famille nombreuse est chose courante (enfants des conjoints tous deux séparés d’une première union), l’exploit réside-t-il dans le fait d’avoir quatre enfants du même conjoint ou dans celui de gérer de front une carrière et quatre enfants ?

J’ai quatre enfants de deux pères différents, les deux dernières avec un homme qui avait lui-même déjà deux enfants ce qui, en tout, fait six enfants. Je ne peux donc pas me vanter d’avoir fait quatre enfants avec le même père. D’ailleurs d’une manière générale j’évite de me vanter. Mais quand même, il y a deux ans, nous étions en vacances en Italie avec les 6, et quand ils sortaient de la voiture l’un derrière l’autre, les gens nous applaudissaient. A part ça, j’aime bien l’idée que les Gaymard ou de Villiers n’aient pas le monopole de la famille nombreuse.

Quant à la « carrière », c’est comme pour les enfants, il suffit de ne pas trop planifier, et d’accepter l’idée de tout mal faire. Comme le dit élégamment l’une de mes filles (13 ans aux prochaines cerises) : « les gens parfaits sont chiants ».


A qui s’adresse exactement "Mère indigne mode d’emploi" ?

A toutes celles, et aussi tous ceux car il existe des garçons que le sujet intéresse, qui ne se retrouvent pas dans les nombreux livres déjà consacrés au sujet. Et qui pensent que même dans une salle d’accouchement, le rire est le propre de l’Homme (et donc de la femme, laquelle n’est qu’un Homme comme un autre)

Vous taxez la femme enceinte de grosse baleine, de cousine de Casimir ou encore de vache sacrée. Lors de vos grossesses, de laquelle étiez-vous la plus proche ?

Achille Talon sans la moustache et le chapeau. J’ai détruit toutes les archives photographiques permettant de le vérifier.

Est-ce que Laurence Pernoud, Edwige Antier et autres spécialistes des livres sur le bon déroulement d’une grossesse devraient revoir leur copie et songer à prendre leur retraite dans un Musée d’Histoire Naturelle rayon dinosaures ? En quoi et pour qui leurs explications vieillottes et bien-pensantes sont-elles dérangeantes ?

Soyons claire, je suis persuadée que des tas de femmes sont archi satisfaites d’être traitées en vaches sacrées. Simplement, ce sont les autres qui m’intéressent, c’est tout. Parce que j’ai toujours préféré les humains aux animaux. C’est pourquoi j’ai des enfants et pas de poissons rouges. Plus sérieusement, il me semble important que la maternité ne soit pas présentée comme l’aboutissement suprême du destin de la femme : l’enfermement n’est jamais loin.

« L’hostilité à la femme relevant décidément de la cabale, la péridurale n’est pas toujours possible. Ni même souhaitable. » Pourquoi ?

Elle n’est parfois pas possible pour des raisons de contre-indications médicales avérées que Laurence Pernoud décrit sûrement merveilleusement mais que je suis bien incapable de vous lister. En ce qui me concerne, je suis toujours arrivée trop tard pour y avoir droit, et croyez bien que je le regrette.

Selon vous, le nouveau-né ressemble plus à un rôti de veau qu’à un bébé Cadum. Avez-vous eu des plaintes de bouchers pour avoir utilisé cette comparaison ?

Pas encore. Ça ne saurait tarder : entre la vache folle et la grippe aviaire, les bouchers sont forcément portés sur la paranoïa.

Quand vous avez eu mal au slip, qui vous a fait vos brushings de votre entrejambe en forme de chou-fleur ?
Je me suis occupée de mes fesses moi-même. Les deux premiers jours, à la maternité, une infirmière qui avait du être palefrenier dans une vie antérieure, me faisait la toilette à la brosse à chiendent. J’ai préféré prendre mon destin en main.

Après la fatigue nerveuse due au partage de la chambre avec une foule quasi-hystérique et à une sous-alimentation liée à plusieurs problèmes techniques, la femme rentre chez elle en tant que mère. Qui devrait prévenir les nouveaux parents que reprendre une sexualité après un accouchement n’est pas si facile ?

J’ai bien peur que personne n’ait envie de croire à la réalité. Par ailleurs, devenir parent c’est aussi apprendre à se débrouiller tout seul comme une grande personne face à des situations pas toujours riantes. C’est plus facile si on ne vit pas dans la crainte perpétuelle de ne pas faire les choses comme il faut. D’où l’urgence de déculpabiliser.

Anne, ma sœur Anne, je vois que l’heure est venue de nous séparer. Je vous laisse conclure cet entretien...

Je voudrais conclure en faisant ma grosse maligne, avec cette citation, en latin dans le texte, de Saint-Augustin : « inter faeces et urinas nascimur », ce qui signifie grosso modo que l’on naît entre le caca et le pipi.

C’est toute la poésie de l’accouchement. Et en même temps, on ne s’en lasse pas.

"Mère indigne mode d’emploi" de Anne Boulay aux éditions Denoël collection Indigne prix 10 €.

Retrouvez Cali Rise sur son Blog

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