De bruit et de fureur

De bruit et de fureur

Le camp de la paix contre le camp de la guerre, chacun persiste et signe dans son argumentation.
D’un côté, l’axe franco-russe brandissant son droit de véto (sans que le mot soit une seule fois prononcé, nous sommes en langage diplomatique, restons correct) comme une arme de dernier recours. De l’autre, les alliés anglo-américains agitant l’éventualité d’un conflit contre le boucher de Bagdad comme une épée de Damoclès prête à pourfendre l’ennemi d’un coup tranchant.

Les warmongers finiront par reprocher à Blix et son équipe, son extrême partialité car Powell le répète sur tous les tons : "nous avons les preuves que l’Irak ne désarme pas". Ces fameuses preuves invérifiables de sources non dévoilées qui ne peuvent être révélées. Pitoyable tentative pour convaincre du danger imminent que fait peser le régime de Saddam Hussein sur la sécurité de tous.
S’échiner à vendre l’invendable par tous les moyens.

La question reste envers et contre tout : pourquoi ? Ce ne sont pas les lambris de réponses qui fusent ici et là, qui apporteront une quelconque justification satisfaisante à notre interrogation. A force de mettre Dieu dans tous ses discours, George Walker Bush finit par nous rappeler le personnage mortifère de Seven ou l’histoire d’un croisé obsessionnel en lutte contre un dictateur réduit à une quasi-impuissance.
Le Moyen-Orient, c’est loin, ces gens-là ne sont de toute manière pas comme nous. Les chiites, les kurdes, les luttes des différentes factions, l’instabilité de la région, les particularismes du monde arabe, l’oeil occidental, à de rares exceptions, n’y comprend pas grand chose sauf qu’étant souvent certain de la prédominance de notre modèle démocratique, il le perçoit comme exportable, comme une donnée universelle, sans trop se demander si le choc des cultures n’est pas un obstacle aux prétentions américaines.
Petit signe amusant de mépris (un de plus), quand on évoque le dictateur irakien, on ne l’appelle pas Saddam Hussein mais Saddam tout court. Cela en dit long sur nos mentalités, à croire que l’on ne sait pas très bien à quoi ce "barbarisme" correspond. D’ailleurs, est-ce même un prénom ?

Mais le pire, ça reste le droit-de-l’hommisme agité sur les deux bords de rives qui finissent par se rejoindre dans leur hypocrisie.
D’abord, les pacifistes qui viennent pleurer sur le sort du peuple irakien avec leurs larmes de crocodile. Ces dizaines de milliers de futurs morts, écrasés sous les bombes de la liberté, qu’ils prévoient comme un fait établi alors que les hostilités n’ont même pas commencé.
Ensuite, les va-t-en-guerre assénant leur démonstration des antécédents connus du maitre de Bagdad contre sa propre population et exultant quant à sa libération.

Pour une fois, parlons de vérité. L’écrasante majorité est plus ou moins indifférente à ces souffrances qu’elle met en avant, n’osant exprimer l’inavouable, c’est à dire d’un côté, un anti-américanisme tenace se mêlant aux considérations du conflit israélo-palestinien, la peur des répercussions sur la région et sur leur propre monde sans compter sur le pacifisme pur et dur, tenu comme une position de principe (mettons à part les vétérans du premier conflit dans le Golfe qui, eux, ont vécu la réalité du terrain et en sont revenus avec des séquelles. Les militaires connaissent trop bien la guerre pour la concevoir comme une chose légère).
De l’autre, une sorte de pro-américanisme aveugle mélangé la plupart du temps à un soutien fort à Israël et surtout, à l’idéal effrayant d’une mission civilisatrice imposant par la force son caractère privilégié et dominateur.
L’empire triomphant, comme le mythe de l’ancienne Rome auparavant.
A ce titre, je fus particulièrement consterné de lire l’une des réponses qui a été faite à mon dernier article. Cette personne présentait plus ou moins ce règne comme le début d’une vaste et réjouissante initiative nous amenant jusqu’à une nouvelle ère de la conquête spatiale. Hormis l’ineptie sans nom d’une telle théorie, je lui fais gentiment remarquer que le politiquement incorrect ne consiste pas à suivre un président vertueux à la tête d’une armada impressionnante dans sa folie messianique mais de raisonner à long terme sur les conséquences de la politique poursuivie par son équipe. Y voir une moindre satisfaction, c’est se couvrir les yeux de merde. Fin de la parenthèse.

Pour revenir au sujet qui nous préoccupe, il serait bon de faire preuve d’un peu d’humilité car il est difficile de connaitre toutes les prescriptions du problème. On se doute bien que la position française n’est pas muée que par un pur humanisme mais également par des intérêts économiques.
Percevons-nous tous les buts recherchés par les Etats-Unis (savent-ils eux-mêmes comment ils géreront leurs objectifs si la tâche s’accomplit...) ?
Comme nous sommes rentrés dans une période où il convient de prendre la plus grande distance vis à vis de l’information prodiguée, autant rester sur ses gardes et éviter de jouer aux petits historiens de l’immédiat. En ce sens, aussi, l’approche des Kouchner, Goupil ou autres Glucksmann, apparait comme quelque peu simpliste. La politique internationale ne peut se muer uniquement par le devoir d’ingérence qui n’est pour les gouvernants qu’une façade à peine salvatrice de leur mauvaise conscience.
D’une façon générale, le mélange obscène de politique, de morale et de relents idéologiques, très prisé dans la doctrine des néo-conservateurs, s’accommode mal du pragmatisme qui prévaut dans la conduite des affaires menée par les uns et par les autres.
A ce propos et j’avoue humblement être rentré dans le piège, se résoudre à la guerre en Irak comme une fatalité, c’est déjà légitimer un tel conflit. Or, si nous regardons au-delà de nos certitudes, beaucoup de questions sont en suspens : la France ira-t-elle au bout de sa démarche au Conseil de Sécurité de l’ONU ? Pourquoi les américains qui ont l’air de faire peu de cas de cette noble institution, continuent à accorder des délais supplémentaires aux inspecteurs alors qu’ils semblent si sûrs du bien fondé de leur cause ? Les raisons de cette attente sont-elles si évidentes à décrypter ?
Miser sur l’avenir est finalement bien indécent.

La rupture brutale du 11 Septembre 2001 a plongé nos sociétés dans une crise. S’étale maintenant la toute puissance d’une administration américaine envahissante autour de laquelle gravite un monde disloqué dans le souhait d’une nouvelle stabilité.
Le plus tôt sera le mieux.

A partir de mi-Avril, je vous donne rendez-vous pour une chronique télévisuelle hebdomadaire.

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