Le testament de Vénus

Le testament de Vénus

"Toute porte donne sur une pièce, charge à L’Artiste Général d’en chercher à tâtons la fenêtre pour y donner du jour."
(Félix Fayard, dit Vénus)

Enzo Cormann est connu dans plusieurs pays comme auteur de pièces de théâtre. Son premier roman « Le testament de Vénus » commence ainsi :

« Je, soussigné Vénus, cinquante-cinq ans, né le 25 avril 1947 à Presques, enregistré à l’état civil sous le nom de ma mère, Fayard, et prénoms Paul André Félix, rebaptisé par amusement public ou méchanceté soiffarde, Bâtard, ‘Tit Gris, Microuille, Grésil, j’en passe, et par folie, Vénus - Artiste Général-, certifie ce qui suit comme véritable, écrit en toute connaissance, pour faire valoir ce que de droit, quoique non fait chez le notaire, lequel maître Coin, maire de Nuit-sur-l’Ire, devenu Nuit-le-Lac, commune résidentielle du soussigné, refuse de l’inscrire sur les registres électoraux, par vexation administrative pour non-paiement d’impôt sur ladite commune... »

Dès lors, le ton est donné, ce livre est DROLE et même plus. Ce livre est COCASSE. Pendant plus de deux cent vingt pages, l’Artiste Général va nous raconter ce qu’a été sa vie. Pour cela, il lui faudra trois cahiers sauvés de la poubelle.

Qui est Vénus ? Est-il la victime d’un monde qui semble s’acharner à vouloir le détruire ou tout simplement un être qui n’est pas fait pour vivre dans cette société ?

Comme Enzo Cormann est également metteur en scène et enseignant à l’Ecole nationale supérieure des arts et des techniques de théâtre, il trimballe son héros de pièce en pièce avec une facilité déconcertante. Et nous, lecteurs, devenons spectateurs attentifs aux moindres faits et gestes de ce Vénus loufoque et des personnages qui entrent dans sa vie par le côté jardin et en ressortent côté cour. A moins que ce ne soit le contraire.

Résumé : né de Lucie, fille de meunier, et de Driss Ben Shaab, tué peu après sa naissance, Paul grandit quasiment ignoré de tous. Gamin, il devient le parfait voyou et finit par un premier séjour en prison. Plus tard, il sera un mercenaire, véritable tueur, en Afrique. Entre temps, sa mère l’aura fait interné en hôpital psychiatrique. Il en ressortira Vénus. De sa rencontre avec le peintre Mouvementeur naîtront ses nombreuses créations artistiques, près de cinq mille pièces qu’il exposera dans sa galerie, ouverte dans le moulin de son enfance. Chassé de ce lieu par le progrès et les hydrorapaces, il finira par squatter une tannerie désaffectée.

Là, il organisera sa survie en marge de la société.

Après avoir baroudé dans le monde et dans son monde, frôlant la folie si tentatrice, se brûlant à l’amour, passant pour très dangereux aux yeux de plusieurs personnes, l’ « oeuvrier » n’aspire qu’à une chose : retrouver la jarre enfouie dans laquelle il se réfugiait enfant.

Enzo Cormann signe un livre fourni d’une imagination aussi débordante que celle de son artiste-héros et nous prouve qu’il n’est pas besoin d’apprendre à l’école pour être quelqu’un.

Même un « homme de peu » peut devenir un être grandiose.

Cette geste moderne est un vrai coup de maître.