Interview : Samantha Lemonnier, la compagne de Raymond DEVOS

Interview : Samantha Lemonnier, la compagne de Raymond DEVOS

Marie-Christine Roger alias Samantha Lemonnier est une jolie quinquagénaire brune, drôle, pétillante et enjouée qui arbore un sourire et un dynamisme perpétuels sauf lorsqu’elle évoque le mal qu’on a fait à l’amour de sa vie, le célèbre humoriste et homme de Lettres de 83 ans, Raymond Devos.
Depuis l’hospitalisation de ce dernier, elle se bat en Justice pour qu’on lui donne le droit de le revoir et qu’ils s’amusent de l’absurdité de la vie en complices amateurs de mots et de dérision qu’ils sont et qu’ils ont toujours été tous les deux.
Entretien avec une femme amoureuse.

1. Samantha Lemonnier, je suis ravi de vous accueillir sur Le Mague. Vous avez été découverte médiatiquement suite à une affaire dont on a beaucoup parlé dans la Presse. Vous affirmez être la compagne de Raymond Devos et vous souhaitez le revoir, alors qu’une partie de son entourage vous l’interdit.

Qui êtes-vous ?

Je ne suis pas quelqu’un de très important mais je peux vous dire que, tout d’abord, je connais Raymond Devos depuis mon enfance. J’avais une tante qui fréquentait le Tout-Paris et qui invitait Charles Trenet et les grands artistes de son époque. Elle était ainsi très amie avec Francis Blanche et Pierre Dac qui venaient manger deux à trois fois par semaine chez elle. Un jour, Francis Blanche m’a apporté un vieux vinyle de Devos qui s’appelait "La mer démontée" et ça m’a fasciné.

2. Oui, c’était le sketch qui l’a rendu célèbre et qui a créé son style inimitable. Et vous avez eu un déclic déjà à ce moment-là ?

Oui alors que j’étais enfant, je faisais mes devoirs, j’écrivais de petites choses comiques sur mes cahiers d’écolière dans cette lignée. Je me rappelle qu’une fois, Francis Blanche avait dit une chose à Raymond Devos à propos d’un de mes écrits : " Si la petite monte sur scène plus tard, tu as du souci à te faire."


3. Quelle est votre différence d’âge avec Raymond Devos ?

Nous avons 28 ans d’écart. J’avais dix ou onze ans à l’époque de ces faits. C’était l’inflation pour lui (rires).


4. A quel moment l’avez-vous véritablement rencontré ?

J’étais comme une groupie, j’allais aux cabarets où il se produisait avec Francis Blanche, à "L’écluse", "Aux trois Baudets". Puis je l’ai revu bien plus tard en 1981 en Belgique, au Théâtre 240 de Bruxelles et c’est là que tout a vraiment commencé. Puis notre histoire particulière a continué en avril 2003.

5. Entre 1981 et 2003 vous aviez des contacts avec lui ?

Plus ou moins. Ce que conteste sa famille, ainsi que, naturellement, son secrétaire.

6. Je trouve, en vous connaissant un peu dans le privé, que vous êtes une sorte de double féminin de Raymond Devos, vous avez le même humour, le même amour des mots et de l’absurde non ? Que de points communs...

Les mots, c’est un univers qui est fabuleux. Personnellement je m’y réfugie, c’est un monde à part. Il n’y a que ceux qui connaissent bien les mots, leur signification, et ce qu’on peut en faire, qui peuvent comprendre ça.

Notre connivence, de tout temps, a fait des jaloux, des envieux. J’étais la femme à abattre. On a cherché à isoler Raymond pour profiter de ses biens, abuser de lui, et c’est là que j’étais dérangeante, je pouvais contrecarrer les plans de certains cupides.

7. Votre relation amoureuse avec Raymond fonctionnait comment ? C’était le maître de blagues et vous l’élève ?

Absolument pas. Il n’était pas plus maître que je n’étais élève. Nous étions très complices, dans le "ping-pong" comique, l’un relançait l’autre et on se payait des fous-rire interminables.

8. Devos est quelqu’un de très généreux non ?

Oui très, trop certainement. Il a fait de nombreux spectacles "humanitaires" pour des grandes causes et on l’a beaucoup exploité à ce niveau-là. Il a fait un gala dans la région parisienne, il n’y a pas si longtemps que cela, c’était très limite. Il était très fatigué, épuisé. Vous savez il aurait voulu mourir sur scène comme Molière. Par exemple au Palais Royal, c’est son rêve... Mais là j’ai trouvé aberrant la manière dont on l’a utilisé jusqu’au bout malgré sa santé fragile.

9. La postérité retiendra que c’était un grand homme de Lettres, plus qu’un comique ?

Oui c’est un homme de Lettres, de mots. Il a son univers propre où il fait rentrer ses personnages et puis ils jonglent avec eux. Tous ses sketchs sont basés sur l’observation d’un monde qui est le nôtre, certes, mais qui est fait de beaucoup d’absurdités. C’est cela le style Devos.


10. Avez-vous réellement vécue avec Raymond ?

Je venais passer de temps en temps deux, trois ou quatre jours chez Raymond. Je n’y ai jamais habité à temps complet. J’ai toujours eu ma Casba à côté.


11. Raymond Devos a t-il gagné beaucoup d’argent ?

Oui, il en a gagné, mais ça n’a jamais été un but dans sa vie. Il a connu le STO pendant la guerre, il a été soutien de famille. Mais il vivait de ses mots, ça nourrit son homme les mots, ça nourrit l’esprit.

Il vivait très simplement avec juste un vrai plaisir de manger, même s’il disait qu’un bon coq n’est jamais gras, il abusait un peu de la nourriture.

Raymond, c’est quelqu’un de Bon, très généreux dans le privé. Mais il ne sait pas dire "non" et beaucoup en ont profité.

12. Comment est née votre "affaire" alors ?

J’ai toujours été vue d’un mauvais œil par les proches de Raymond. Il était dans ses écrits, dans son petit studio où il créait, faisait de la musique, où il vivait dans son monde d’artiste. Donc cela a permis à des personnes mal intentionnées d’avoir les mains libres. Raymond m’avait demandé en juillet 2005 de venir vivre définitivement avec lui, et évidemment cela a mis le feu aux poudres.

13. Votre affaire a été très médiatisée, vous avez été invitée à l’émission "On ne peut pas plaire à tout le monde" de Marc-Olivier Fogiel. Que vous disent les gens dans la rue, ils croient en votre histoire ?

J’ai été surprise. On me fait des sourires, on vient me voir, on me donne des marques de sympathie très fortes. On n’a jamais vu un coffre fort sur un corbillard.

Je veux simplement que le Testament de Raymond et ses désirs soient respectés, je ne demande rien d’autre. Juste le voir, le serrer dans mes bras et être près de lui.

Mon avocat Gilbert Collard qui me défend a un papier qui stipule que je n’accepterai rien venant de Raymond à sa mort et que si tel était le cas cela serait reversé à des associations.

14. Qu’est-ce qui vous est le plus pénible ? Ne plus voir Raymond Devos ?

Oui, bien sûr, je sais de source sûre - grâce à certains employés de la Salpetrière - qu’il n’a jamais cessé de me réclamer et ça c’est terrible ! On a raconté des horreurs sur moi à Raymond pour qu’il s’éloigne de moi, que par exemple j’avais monté un réseau de prostitution et que je tapinais avec des arabes dans Paris. Le summum de l’horreur a été atteint. On a même dit que j’étais pacsée avec notre ami commun Paul Loup Sulitzer, et que ce dernier me payait des manteaux de fourrure.

A force, ne me voyant pas venir, Raymond a fini par le croire, étant très atteint, malade. On a même baissé les rideaux pour que je ne grimpe pas sur les toits de l’hôpital. Je ne me connaissais pas une telle agilité. C’est sordide. On a même publié sans mon accord des photos de début janvier 2006 très intimes à l’hôpital où Raymond est très affaibli. C’est abject.

15. Qu’est-ce que vous n’avez pas pu dire chez Fogiel car Guy Carlier était très agressif avec vous ?

Carlier peut être charmant mais là il était agressif et balourd, il n’a eu de cesse de ramener sa fraise. Des infirmières me renseignent sur la santé de Raymond et j’ai refusé qu’il me donne de l’argent, je lui ai menti et j’ai dit que j’avais de bonnes rentes alors que ce n’était pas vrai, mais c’était juste pour ne pas l’embêter avec cela, je n’ai jamais voulu lui demander de l’argent.

Je sais que Raymond va rentrer bientôt à la maison.

Si jamais on m’empêchait de voir Raymond avant qu’il ne décède... je me vengerai, même si ce n’est pas dans mon caractère, car ce serait terrible. Vous savez, déjà en 1968, Charles Trenet avait mis en garde Raymond sur sa générosité et sur le fait qu’il se faisait manipuler par des tiers. Raymond n’a jamais aimé les ennuis et il se retrouve l’otage d’une situation qu’il n’a pas choisi, croyez-moi...


Samantha Lemonnier et Frédéric Vignale (photo d’Eduardo Pisani)

(Interview réalisée en juin 2006)