Interview : Guy Birenbaum

Interview : Guy Birenbaum

C’est avec joie que nous accueillons dans nos colonnes virtuelles un NRV sympathique qui fait beaucoup, au jour le jour, pour l’indépendance de la Presse et des Idées à travers ses différentes tribunes et la maison d’édition qu’il dirige avec quelques compagnons de talent.
On ne va pas se faire que des amis en ouvrant nos pages à Guy Birenbaum et rien que pour cela c’est profondément jubilatoire. Un conseil, mettez, dès à présent, son Blog dans vos signets car sa lecture apprend beaucoup sur l’état de nos Médias. Lire Birenbaum est un bon moyen de "lutte", qu’on se le dise !

Bonjour Guy Birenbaum, je vous remercie de répondre à mes questions pour Le Mague. Vous êtes à la fois quelqu’un de très connu et de très respecté dans le monde de l’Edition et des Médias mais aussi une personne qui a toujours su bien gérer son exposition médiatique..
Est-ce pour ne pas devenir aussi consensuel et lèche-botte que l’ex-poil à gratter de la télé Guy Carlier ?

Je vous remercie de considérer que jusqu’ici je suis parvenu à gérer mon "exposition", le terme est grotesque non, on croirait que l’on parle d’une sale croûte dans un musée de province !

Je pense d’abord que mes ennemis trouvent déjà que l’on me voit bien trop et bien trop souvent. Quant à devenir consensuel, j’ai le sentiment que chaque jour qui passe m’éloigne davantage de ce risque...

Sur le lèche-bottisme, je crains que ce ne soit une condition obligatoire pour qui prétend faire "œuvre télévisuelle". Carlier, puisque vous parlez de lui, subit cette dérive parce que le média qui était le sien, la radio, lui permettait une expression que la télévision lui interdit totalement.

De plus, ces derniers temps, il s’enfonce tout seul en devenant aussi obscène que les people qu’il s’est longtemps piqué de critiquer entre son régime et son "nouvel amour" (Ndlr : Carlier se pâme dans la Presse d’une histoire d’amour avec la fille de Frédéric Dard). Carlier est bêtement passé de l’autre côté du miroir et ça n’est pas joli joli à regarder...

Vous arrivez sur la Blogosphère avec beaucoup de dynamisme et d’investissement personnel. A quelques mois des prochaines élections présidentielles, alors que le Net est devenu un endroit où les français débattent des sujets sociétaux, vous êtes convaincu par le nouveau pouvoir de ce web incontrournable ?

J’ai fait un premier essai en 2005. Tout seul dans mon coin j’ai monté un blog, bloguy. C’était l’époque où j’ai publié le livre de Pierre Martinet dans lequel cet ex de la DGSE révélait qu’ensuite il avait continué ses missions d’espionnage pour le compte de ses patrons, les services généraux de Canal +. Ces derniers lui avaient notamment demandé d’espionner Bruno Gaccio.

Une semaine après son lancement le blog a été planté depuis un cyber café du XIIème arrondissement de Paris (on a réussi à tracer l’attaque virale) sans que je parvienne à le ranimer ensuite.

Du coup quand Frédéric Filloux, boss de 20 minutes, m’a proposé, il y a un mois, de replonger sur le site de 20 minutes, je n’ai pas hésité. Bien évidemment les deux années à venir m’ont convaincu de la nécessité d’être aussi présent en ce lieu désormais essentiel. Il faudrait être fou pour ne pas comprendre.

Le Titre de votre Blog est une référence explicite à un livre de Michel Houellebecq, quelle est votre filiation exacte avec ce dernier ?

Aucune filiation. C’est plutôt un simple détournement d’un titre de MH : "Extension du domaine de la lutte". Un remarquable texte au demeurant. Domaine d’extension de la lutte c’est un bon titre selon moi qui dit bien quel est mon projet, sans compter le double sens de "domaine" par rapport au Net. Quant à la lutte c’est celle qu’il faut mener chaque jour contre le conformisme qui nous entoure notamment dans les médias.

Etant donné que vous détestez la censure, l’auto censure, les lâchetés des "milieux" et les compromissions des "entourages".. vous devez être assez triste du climat des médias actuels et leur mode de fonctionnement. L’édition, par exemple, est grangrenée par le copinage et l’échange de bons procédés...

Je ne participe pas beaucoup - pas du tout - à ce sport national qui se nomme la corruption. Je ne fréquente donc pas les raouts du monde de l’édition où l’hypocrisie confine à l’exercice de style. Quant aux médias, j’y travaille (radio, presse écrite, télévision) en essayant autant que je le peux de ne pas sombrer dans les combines diverses et variées que j’observe du coin de l’oeil. Vous savez je suis une sorte de passager clandestin dans ces milieux. Je ne fais que passer...

Comment se portent les "Editions privé" que vous avez lancé il y a quelques temps. Avez-vous trouvé votre public, est-ce possible d’être rentable dans un "système fric" lorsqu’on a fait le choix de la déontologie et de l’exigence ?

"Privé" va bien, aussi bien que possible dans un marché (le document et l’essai) qui se resserre et se restreint. Nous sommes pour le moment au niveau que nous nous étions fixés.

Plusieurs de nos livres ont déjà "fréquenté" les listes de meilleures ventes ("Au secours Lionel revient", "DGSE service action", "Le crime de Napoléon", "Madame, Aile dossier noir du transport aérien", etc.) et d’autres ont été salués comme le "Séville 82" de Pierre Louis Basse sélectionné par la rédaction du Figaro-Littéraire comme l’un des dix meilleurs essais de l’année 2005 ou le "Signoret, une vie" d’Emmanuelle Guilcher.

Quel est votre regard sur votre collègue Denis Robert et ses derniers déboires luxembourgois, il y a de grandes différences entre vous et lui mais aussi beaucoup de points communs non ?

Un respect total pour lui et son éditeur mon ami Laurent Beccaria, patron des Arènes, une maison que j’aime pour son courage éditorial.

Il faudrait davantage de Denis Robert et beaucoup moins d’éditorialistes couchés et connivents dont les commentaires frelatés sont désormais totalement décalés par rapport à la réalité.

Comment peut-on imaginer qu’en France, il n’y ait aucun cours avant la Fac qui soit destiné au décryptage des médias pour les jeunes scolarisés alors qu’ils passent 4 ou 5 heures par jour, minimum, devant la télé ?

Universitaire de profession, cela fait près de 20 ans - j’ai commencé comme "chargé" de TD en 1986 (!) - que je me pose exactement cette question. Outre le sous-équipement chronique de nos facs, l’absence de considération pour les médias dans l’enseignement universitaire me laisse rêveur.

La Société française tout entière (et le net n’y échappe pas ) est devenue ultra procédurière et les assignations et plaintes en diffamation, les censures sont légion (cf Monputeaux.com entre autres)... est-ce que cette politique de restriction des libertés de penser, dire et écrire vous inquiète ?

Je suis contre cette judiciarisation générale et alors que j’ai été fréquemment diffamé en des termes orduriers ou parfois même racistes. J’ai pourtant pris soin de n’intenter aucun procès à personne. En revanche, je suis déjà mis en examen trois fois pour diffamation en un an dans l’exercice de mon métier d’éditeur. C’est à chaque fois une légion d’honneur !

Comment un homme comme vous ne dirige pas encore son propre journal... sur le net ou ailleurs, vous avez toutes les qualités requises non ? En avez-vous l’envie, est-ce un projet à court ou long terme ?

J’espère que ce sera la suite de cet itinéraire effectivement. Chaque chose en son temps. J’ai encore pas mal à apprendre.

Je vous laisse le mot de la fin cher Guy Birenbaum....

I would prefer not to... Bartleby. (Herman Melville).

Le blog de Guy Birenbaum

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