Interview : Neil Thomas

Interview : Neil Thomas

Oubliez vos idées reçues ! Non seulement la Poésie n’est pas vieillote et ringarde ou insupportablement surannée mais de plus les Poètes ne sont pas tous morts et peuvent avoir la trentaine dynamique et enjouée. Rencontre avec un Poète du temps présent grace la celle qui rime avec "Perpétuelle Surprise"... la non moins poétique Cali Rise.

Bonjour, Neil. Qu’est-ce qui fait courir un jeune trentenaire ?

La trentaine...ah oui, ça me revient ! En fait, je ressens une urgence d’agir, de faire, d’apporter ma pierre à un édifice. Après des années de réflexion intense, me voici sur les starting-blocks prêt à écumer les pages vierges d’une encre spirituelle, poétique, passionnée, profonde. Oui me voici écrivain et éditeur.

« Amis de l’aventure, l’aventure nous appelle ! »

Un poète vit dans un monde à part. Que pensez-vous de la société actuelle ?

La société actuelle est très rapide : il faut tout ingurgiter, digérer en deux temps trois mouvements. La société est violente, cruelle, pessimiste parfois. Il manque un grain de folie, une alcôve pleine de rêve, de pulsions, de passions. Nous n’avons plus le temps de regarder ce qui nous entoure, d’aimer les gens. La poésie m’apporte ce recul, nécessaire à mon avis. Elle sert mon monde intérieur, elle est mon intime captive qui murmure, qui s’écrie.

Peut-on décemment dire que vous avez monté votre propre maison d’éditions pour que vos livres voient le jour ? Quel regard posez-vous sur le monde de l’édition ?

Après quelques moult essais avec le monde de l’édition, je me suis cogné à une évidence : le livre est un commerce comme un autre. Je demeure encore dans une démarche artistique, qui prend racine dans des motivations plus profondes. L’important est que le livre existe en tant qu’objet, que statut, que véhicule. Le reste, qu’il soit chez un « grand éditeur » ou non m’importe peu. Toutefois, mon ubiquité a des tentacules : j’aime expérimenter, essayer et être à la fois éditeur, webmaster, auteur, commercial, rédacteur me plaît. Ayant un projet à la minute, je ne pouvais faire autrement que créer moi-même un monde qui me ressemble.

Les éditions Les Alchimistes du Verbe sont ces petits univers qui se conjuguent à avenir.

A quoi sert exactement l’association Les mots d’Enkidu ?

Les Mots d’Enkidu (en référence au compagnon de Gilgamesh dans son Epopée) est une asso à la fois littéraire, artistique plus globalement et humanitaire. Elle sert à sortir, à montrer des artistes qui ne trouvent pas échos auprès de la presse. Elle sert, avec son magazine l’Annuaire Scriboïque, à montrer aux lecteurs que mille richesses fourmillent chez les uns et les autres. Une partie des recettes est alors versée annuellement à des organismes de lutte contre l’illettrisme, un de nos combats visant à redorer le blason de la lecture et de l’écriture.

A 25 ans, vous perdez votre père. Vous vous occupez alors de votre frère et de votre sœur, arrêtant temporairement d’écrire. Pour un être aussi passionné que vous, comment avez-vous pu survivre à cet épisode ?

Le décès de mes parents m’a conféré une force insoupçonnée : en fait, je pense que si une quelque chose (aussi terrible que ce soit) nous tombe dessus, c’est que nous avons la force de la gérer, de l’accepter et de la retranscrire en une force plus grande. (Ca devient philo là, non ?). Etrangement, c’est à moment-ci de ma vie que l’écriture est venue, sous une impulsion inouïe, celle de la lecture. J’ai lu, et encore lu et plus j’avançais, plus mon désir d’écrire se faisait ardent. Alors, naturellement je me suis à écrire ; de la poésie d’abord et maintenant en écrivant des romans, de la fiction. Ma réalisation devait se faire autour des écrits, coûte que coûte.

Plus on avance dans la lecture de « Mahel » plus on se rapproche de vous. Ce roman est largement auto-biographique, non ? A plusieurs reprises vous y citez votre ami Max Dorier..

Pour ce qui est de Max Dorier, c’était juste une petite blague pour un pote et l’imaginer dans la peau d’un écrivain dandy (à la BHL) m’ a amusé. Pour l’autobiographie, il y a certes une part de moi (comme tout premier roman) mais je me suis inspiré des gens qui m’entourent, que je croise dans la rue ou un bar. « Mahel » est cette histoire que j’ai dans la tête depuis mon adolescence.

L’histoire de « Mahel » nous plonge dans un univers proche de l’ésotérisme. On se demande parfois si vous ne l’avez pas écrit sous l’emprise de drogues offertes par un quelconque chaman. Qu’en est-il exactement ?

Hélas non, pas de drogues, enfin je ne m’en suis pas rendu compte en tout cas (lol). L’ésotérisme, le chamanisme, la spiritualité sont des domaines dans lesquels je pense, je réfléchis le monde. « Mahel » fait partie d’une trilogie : maintenant les protagonistes vont évoluer, faire leurs expériences, essayer de connaître leur propre Légende.

Vous avez réalisé un court métrage Entre ombre et lumière, vous préparez un disque Libera Me et vous vous êtes promis de publier un recueil de poèmes par an. Comment faites-vous pour être si boulimique ?

Pour Entre Ombre & Lumière, c’était une tentative d’écriture nouvelle. C’était aussi une réponse à un besoin du moment et parce que, tout bêtement, le nom des Lutins d’Or me plaisait. Pour Libera Me, le projet est avorté mais c’est vrai que j’écris aussi des textes de chanson. Comme je vous l’ai dit, j’ai une soif de faire, de comprendre le monde, de m’essayer à un tas de trucs. Je ne ressens pas beaucoup d’efforts là-dedans, je n’ai pas besoin de dormir énormément. L’art est un ogre et il demande beaucoup d’investissement.

Vous dites « je deviens Dieu dans mon propre univers ». Dans Alchimie du verbe, Rimbaud raconte « J’écrivais des silences, des nuits, je notais l’inexprimable, je fixais des vertiges ». Les poètes sont tous mégalos ?

Les poètes sont des éponges, ils absorbent le monde, les gens, la vie, la mort, l’univers et des chocos BN. Après digestion, à certaines heures de la journée, une fulgurance apparaît, il faut la noter. Cette impression conditionne toute l’écriture. Alors on se prend à dessiner notre univers, à refaire le monde, à croire qu’on est le seul à saisir l’instant. Il y a une sensibilité exacerbée, une timidité aussi, une envie de communiquer. Alors on se prend pour des grandes personnes...mais les chocos n’ont pas d’âge !!

En même temps, mettre mon nom dans la même phrase que Rimbaud, c’est déjà ça de pris...

Neil Thomas, le temps est venu de vous laisser le mot de la fin...

Et bien, je suis très heureux d’avoir répondu à ce questionnaire chère Cali, merci encore de cette opportunité. Bon, et maintenant, on se prendrait bien un café, non ?

NEIL THOMAS SUR LE NET

NEIL THOMAS SUR LE NET