CNE, CPE, une mauvaise réponse à la question du chômage

CNE, CPE, une mauvaise réponse à la question du chômage

M. de Villepin a pris le problème du chômage à bras le corps. Cependant le volontarisme n’a jamais réconcilié avec l’économie, et suivant une logique purement économique, les CNE et les CPE se trouvent être redondants au vu du dispositif déjà existants des CDDs et CDIs. Les beaux discours Onusiens, c’est bien. Etudier sérieusement la question du chômage pour y répondre sans effet de manche, c’est mieux...

Les contrats Villepin partent de l’hypothèse que le principal frein à l’embauche est la difficulté à débaucher derrière, et en particulier pour les jeunes ; la question étant comment réduire le chômage et notamment celui des jeunes.

1/ Les CNPE répondent-ils vraiment à la question ? Et surtout comment y répondent-ils ? Grosso modo, si je veux pouvoir disposer en permanence de la possibilité de virer un employé, il faut de toute façon licencier l’employé avant deux ans pour embaucher un autre à nouveau virable deux ans. Ce mécanisme simple de substitution temporelle nécessite toutefois que plusieurs hypothèses :

a) Le type de compétences et de formation de l’employé en question doit être facile à trouver sur le marché du travail. En l’occurence, les gens disposant de peu de formation sont ceux pour lesquels cette hypothèse a le plus de chance d’être respectée.

b) La productivité du poste en question ne dépend pas ou peu de l’expérience accumulée avec le temps passé dessus par l’employé. Par exemple la productivité d’un informaticien croîtra avec le temps passé à s’approprier et à intégrer l’environnement de travail. Pour le travail à la chaine, ou une activité de d’équipier chez MacDo, la courbe de productivité a des chances d’être beaucoup plus plate. Peut-être pourrais t’on objecter que la productivité finit par flancher quand la personne occupe son poste depuis beaucoup de temps, cependant à ce que j’ai pu lire sur le sujet, les causes de cette décroissance sont diverses, et affectent surtout les postes d’encadrement.

Au bout du compte, si ces deux conditions sont respectées, les contrats Villepin me permettent de rouler de contrats en contrats pour garder mon droit à virer. Bien sur, organiser ce roulement est couteux, et il vaut mieux donc pour l’entrepreneur avoir de bonnes raisons pour procéder ainsi. Enfin par bonnes raisons, j’entends bien sur raisons économiques.

Si une boite a une activité cyclique (càd avec des phases successives de hausses et de baisses sensibles de la demande), l’entreprise aura besoin d’ajuster ses effectifs en fonction. Dans ce cadre, les CNPE de Villepin sont des outils appréciables. Ce qui est drôle (enfin je ris jaune...), c’est que l’utilité du contrat pour les entrepreneurs l’est d’autant plus que le chômage est élevé, et que le poste est peu qualifié.

Mais que pensez de la durée indéterminé de ces deux contrats ? Elle ne sert à rien. Le concurrent direct du CNE et du CPE, et le plus répandu, est le CDI. La différence majeure concerne en fait la période d’essai.

Celle-ci correspond à un droit à l’erreur pour l’employé et l’employeur. Dans le cadre du CDI, elle va de 3 mois à 6 mois suivant le secteur d’activité, et ou le type de poste. En effet, pour des postes d’employé, 3 mois suffirait amplement pour savoir si le candidat fait l’affaire, et pour un poste d’encadrement, six mois serait nécessaire. Personnellement, je pense que dans ce dernier cas, un an serait parfois plus adéquat pour des postes élevés dans la hiérarchie tant un bon management peut être long à se révéler. Enfin ce n’est en tout cas pas sur les postes d’encadrement que le problème du chômage est le plus critique...

En tout état de cause, je pense vous avoir convaincu qu’une période d’essai de deux ans n’est défendable que du point de vue des entreprises. Du point de vue des travailleurs, il ne fait finalement que faire passer la précarité dans la loi, il l’institutionnalise...

Pierre Cahuc, économiste spécialisé sur les questions du travail, situe bien l’inefficacité du positionnement des CNE et CPE dans le principal dispositif des contrats de travail actuels, l’alliance CDD/CDI :

"L’argument, souvent avancé, selon lequel les entreprises garderont après deux ans une large majorité de salariés embauchés initialement en CNE ou en CPE, parce qu’elles les auraient testés, ne tient malheureusement pas. Aujourd’hui, ces entreprises peuvent avoir recours au CDD à cette fin (en contournant les cas de recours prévus par la loi), et elles le font déjà largement."

"Le défaut essentiel du CNE et du CPE est donc de modifier le droit du licenciement à la marge, en prolongeant la tendance consistant à accroître les inégalités de traitement entre le contrat à durée déterminée et les autres contrats de travail. De nombreuses études ont démontré que cette stratégie est inefficace pour réduire durablement le chômage. L’exemple de l’Espagne est à ce titre parlant, puisque ce pays a atteint en 1994 un taux de chômage de 20 % alors que près d’un tiers des salariés étaient en CDD (soit plus de trois fois plus qu’en France actuellement). Aujourd’hui, après d’importantes réformes du contrat de travail à durée indéterminée, le taux de chômage y est de 1 point plus faible qu’en France. "

Au mieux, si les CNE et les CPE étaient généralisés à toutes les entreprises du secteur marchand, suivant les travaux de Cahuc et de son équipe de macroéconomistes (lu attentivement par Sarkozy, Cahuc n’est soupçonnable d’être partisan même si à titre personnel, il s’estime de gauche), seuls 70000 emplois seraient crées. Ce qui est faible ( à peine 3% de chômage en moins), et surtout cher payé, au regard d’une généralisation de la précarité...

Si vous êtes encore pour le CPE et le CNE... ;-)

P.S. : Le Libération du 8 mars 2006 comporte une longue tribune de Pierre Cahuc sur le sujet. Lisez-le, c’est très intéressant, et bien écrit. Après n’allez pas nous dire que le net et le papier ne sont pas deux médias complémentaires...

P.S. : Le Libération du 8 mars 2006 comporte une longue tribune de Pierre Cahuc sur le sujet. Lisez-le, c’est très intéressant, et bien écrit. Après n’allez pas nous dire que le net et le papier ne sont pas deux médias complémentaires...