Interview : Piero Moioli du P’tit Jézu

Interview : Piero Moioli du P'tit Jézu

Le P’tit Jézu, c’est la révélation musicale du moment, une valeur sûre qui n’est pas née de la dernière pluie et qui trouve aujourd’hui sa pleine maturité artistique. Rendez-vous avec le Chanteur-Leader, de cette formation venue de l’Est de la France, Piero Moioli et sa voix incroyable qui vont bientôt faire partie de votre culture musicale.. gros gros coup de coeur ici au Mague pour cet album qui rend hommage aux origines et qui sonne si juste. Martinengo, à écouter absolument.

1. Bonjour Piero, qui es-tu et quel est ton parcours pour ceux à l’inverse de moi qui ne sont pas passés un jour par la Lorraine et qui ne t’ont pas vu dans tes précédentes expériences musicales et notamment avec ton groupe de Ska qui avait connu un beau succès il y a quelques années.

Bonjour Frédéric, je m’appelle Piero Moioli, j’ai 35 ans et suis né à Metz. Mes origines sont transalpines, de Martinengo plus exactement, petit village en dessous de Bergame. Mon premier groupe est Skaferlatine, groupe de ska comme son nom l’indique, avec lequel j’ai tourné pendant près de 10 ans.

Au cœur des années 90, on était 9 dans un camion et on faisait 100 concerts par an. A peine descendu de ce camion, je suis remonté dans un autre avec « le p’tit jézu ».

J’ai créé ce groupe en 2000 avec Sacha, un ancien des skafs et Mercédès Mellis, une amie accordéoniste sarde, repartie depuis au pays. Aujourd’hui nous sommes 4 dans le P’tit Jézu, Albert Boutiler à la basse & à la contrebasse, Gaël Le Billan aux claviers et à l’accordéon, et le dernier venu, Patrice Hue, dit Gonzo, à la batterie.

2. Avant de parler de ta musique proprement dite, on peut dire que "Martinengo" est un album sacrément bien produit, son impecable, couverture très réussie et illustrations magnifiques et originales de Vincent massey. C’était important que ce packaging soit aussi abouti et artistiquement bien entouré ?

« Martinengo » est un album fait maison. Alors il devait l’être jusqu’au bout. Tous les gens qui ont bossé dessus sont des amis. Ici, tout le monde connaît leur talent. Vincen est un chanteur/auteur compositeur hors pair (ex-PKRK) mais qui est au départ un peintre génial. C’est une des personnes qui me connaît le mieux. Je ne pouvais pas demander à quelqu’un d’autre d’illustrer l’album. Ralph (l’ex-batteur de Skaferlatine) a réalisé de main de maître toute la pochette, comme il l’a toujours fait pour les Skafs. Patrick Secco est une référence.

Son oeil a photographié bon nombre d’artistes, comme Zézé Mago (son meilleur ami), Louis Ville ou Franck Lemasson entre autres. Au cours d’une séance photo un peu surréaliste, il m’a tiré le portrait comme pour ma première communion...
Sans oublier Louis Ville et JP Boffo qui ont fait un super boulot de mastering. Tous ces gens ont pris ce projet à cœur et ils se connaissent tous. Je suis vraiment très content que leur talent soit souligné.

3. Pour avoir un peu suivi tes activités artistiques précédentes, j’ai l’impression que cet album est vraiment une étape importante dans ta vie et ta carrière, que s’est-il passé pour que tu arrives à sortir un tel petit bijou qui s’écoute en boucle ?

J’ai seulement voulu faire un disque comme je faisais mes maquettes. Les morceaux en version lo-fi, c’est ce que je préfère. J’ai remarqué qu’ils vieillissaient mieux que les Grosses Berthas de studio car il n’y a que l’essentiel au niveau des arrangements, le côté brut accentue l’émotion. Certains morceaux ne supportent pas ce genre d’enregistrement, ils s’écroulent assez vite et le tri se fait tout seul. De toute façon je n’avais pas le choix, je n’avais pas les moyens d’aller dans un bon studio alors... Et puis surtout, il y a un an, j’ai eu une grosse remise en question, l’envie de tout arrêter, et dans ces cas là, quand tu repars, tu fais le ménage, tout s’éclaire et se radicalise.

4. A l’écoute on a l’impresssion que "Martinengo" s’est fait dans la jubilation, la complicité et l’amitié, me trompe-je ?

Tu ne te trompes pas, la jubilation était là. Chaque jour où j’enregistrais, je me disais que je pouvais tout essayer, que cet album était pour moi, pour l’écouter dans ma caisse si personne n’en voulait. Ça libère l’audace et rend plus juste aussi car l’autocensure s’aiguise jour après jour. En ce qui concerne l’amitié, elle s’est traduite par la confiance des musiciens et le soulagement de mes plus vieux potes de me voir enfin faire cet album, avec la couleur des maquettes que je leur faisais entendre avant. Un autre ami a été très important, c’est Zézé Mago. Il m’a poussé tout au long de l’enregistrement. La complicité, c’est avec lui que je l’aie eue.

5. Le fait de faire chanter la dernière chanson " La petite vague" par une cinquantaine de gens pro ou amateurs en bouquet final en forme de boeuf sympathique est une idée de toi ? C’est vraiment un concept génial.

Ce morceau, ça fait longtemps que je l’ai écrit et qu’on le joue sur scène. C’est un morceau qui ne devrait pas avoir de fin. Il prend une signification dans sa répétition, comme les haïkus, ces petits poèmes japonais tout à fait anodins de prime abord. Alors j’ai ouvert le micro et j’ai joué la même tourne de guitare pendant une heure. J’ai gardé les meilleures minutes qui forcément étaient les dernières car la guitare jouait toute seule.

J’ai voulu faire pareil pour ma voix, mais je me suis vite rendu compte que là ça marchait moins bien...en fait, ça gonflait. J’avais envie d’entendre d’autres timbres. Le morceau s’y prêtait à merveille. Alors j’ai commencé à enregistrer une personne, puis deux etc... Jusqu’au moment où toutes les personnes qui passaient, je les plantais devant le micro avec le casque sur les oreilles et un verre de mirabelle (ou + si le tract était trop fort...). Personne ne s’est dégonflé. Pour la plupart c’était la première fois qu’ils entendaient leur voix dans un micro. Ils étaient tous entiers et à fond, tout rouge, en sueur, ils voulaient tous être à la hauteur car ils savaient que ce serait sur un disque, gravé à jamais...ah, ah !

C’était tellement bien et spontané que ma voix n’était plus dans le ton alors je l’ai virée complètement. Ensuite j’ai emmené le morceau là où il voulait, avec des instrumentations différentes pour finir sur du steel-drum et du kayambe joués par Gaël. J’ai passé plus de temps sur le montage de ce morceau que sur le reste de l’album, tout en me disant que rares seraient les personnes qui l’écouteraient jusqu’au bout (17 min...) et que ça en saoulerait plus d’un, mais je devais le mettre sur l’album.

6. Tu es devenu semble t’il un peu devenu le leader ou le chef de file d’un vivier de talents lorrains où l’on retrouve Louis Ville et bien d’autres. Finalement il y a une belle énergie dans l’Est et qui est mal connue du grand public...

La Lorraine est une région qui depuis un demi-siècle n’a pas eu le temps de grand-chose. L’après-guerre et ses règlements de compte, ensuite la période faste de la sidérurgie, l’arrivée d’une population d’immigrés pour répondre à la demande d’ouvriers, puis depuis 20 ans, les usines et les mines qui ferment les unes après les autres. Les De Wendel et Le Baron Seillères sont partis avec la caisse, laissant derrière eux cette génération d’ouvriers livrés à eux-mêmes. Comme 50% des gens de mon âge ici, je fais partie des enfants de cette génération.

Aujourd’hui notre chemin n’est plus tracé, il ne nous conduit pas directement à l’usine ou à la mine à la sortie de l’école. Alors on crée, on bouge, on part, on revient et on se bat pour se faire une vie. Comme tu dis, le vivier est là (Mell, Louis Ville, Zézé, Vincen, X Vision, Lindingre, Denis Robert, Baru, etc...).

La Lorraine sort ses enfants, certains ont une guitare, un micro, d’autres comme toi une plume, mais chacun peut décider de son destin.


7. Comment définir le style actuel de ta musique, c’est assez difficile car il y a pas mal d’influences et que le P’tit Jézu ne copie rien ni personne et est profondément original.

Désolé...mais le style c’est toi qui dois t’y coller. Ma seule préoccupation est de rester fidèle à mon petit monde.

8. Quelle est ta chanson préférée dans cet album, celle qui te ressemble le plus ?

L’album tout entier me ressemble (à part peut-être la photo de la couv...je suis beaucoup moins beau en vrai ) mais les morceaux qui touchent au plus profond de moi sont « Claire », « A nos vies sous-marines » et « Martinengo », forcément.


9. Avec un album pareil, tu entres dans la cour des grands et tu peux désormais prétendre à de nouvelles collaborations... avec qui rêves-tu de chanter en duo ou de travailler sur un prochain album ?

Mes collaborateurs du moment me vont très bien. J’aimerais écrire un morceau pour Niuver, qui a prêté sa voix sur le morceau « Claire....nada termina » et qui est une chanteuse cubaine magnifique.

Elle va sortir un album très bientôt, produit par Raul Paz. Pour ce qui est des rêves, mettre une gratte & chanter avec Akhenaton sur un morceau fait par lui, en est un. J’ai toujours adoré ce mec et son album « Métèque et Mat » est l’un de mes albums préférés, tout comme la BO du film « Comme un aimant ».. Et puis si je pouvais et devais choisir un studio où enregistrer, ce serait dans la ferme de Mark Linkous des Sparcklehorse, avec lui aux manettes bien entendu. Et je ne te parle pas de Paolo Conte, Celentano, Manu Chao ni de La Madonna... ta question est vraiment dégueulasse...


10. Cher Piero, je te laisse le mot de la fin...

Allez Metz !.....( cette année est raide, mais on se relèvera !)
Ci vediamo.

Le site officiel du P’tit Jézu

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