Rencontre avec Janey’Ann

Rencontre avec Janey'Ann

Ca faisait bien longtemps qu’on n’avait pas croisé pareille énergie créative et orginalité artistique. Janey’Ann, petite parisienne pétillante de 24 ans se sent depuis l’âge de 15 ans "métissée de l’âme" et très proche de la culture afro-antillaisse. Ni béké ni Blanche du pays, elle chante, danse sur des rythmes et paroles de là-bas et assume "carrément" sa "créolité" de coeur.
Allez découvrir cette fille avant que tout le monde ne se l’arrache ; sa démarche est belle, sensible, ouverte sur les autres et terriblement communicative... Vivement la sortie de son premier album !!

1. Bonjour Janey’Ann, je suis ravi de te rencontrer en live... alors première interrogation à ton propos, d’où vient ton nom assez énigmatique ?

Eh bien, Janey’Ann signifie la contradiction entre la femme et l’artiste, tout simplement. Je laisse ensuite à chacun d’imaginer où est la femme et où est l’artiste.

2. Tu es une jeune et jolie blanche de 24 ans, une fille née dans la région parisienne qui n’a aucun lien de sang avec les Antilles, mais le métissage semble être un fantasme récurrent chez toi ?

J’ai un métissage dans l’âme, c’est un "fantasme Ann’". Ce goût pour la culture afro, la Guadeloupe et les Antilles ne correspond pas à un déclic particulier ou un voyage. C’est super délicat pour moi de me dire qu’il y a un instant de "transformation" en ce que je suis actuellement.

3. Tu te sens noire de peau à l’intérieur, comme la chanson de Nougaro ?

J’ai pleinement conscience de mes propres racines à la fois auvergnates et ardennaises donc je ne me sens pas Black. Je suis née à Paris dans le 20 ème et je vis à Montreuil donc je n’ai pas de problème avec ça, je sais d’où je viens. J’ai une créolitude qui sommeillait en moi et qui n’a pas de raison génétique, juste une raison d’envie et de cœur. Cela vient peut-être d’une vie antérieure qui sait ?


4. En ce moment, tu me parles et tu as un léger accent antillais, comment as-tu appris cette langue très imagée ?

C’est venu en fréquentant des antillais, des guadeloupéens, naturellement. Etant donné que c’est une langue très musicale et que je suis musicienne, ça a sans doute été plus facile. Je ne suis pas béké, pas blanc pays comme dit là-bas, je suis une femme un peu impétueuse comme les femmes qu’on trouve sur cette terre.


5. Comment prennent tout cela les Antillais ? Le fait qu’une blanche se grime presque en black pour chanter leur langue ?

Lorsqu’on apprend à me connaître et que l’on a compris ma démarche artistique on voit que c’est très profond en moi et pas un jeu bizarre. Je suis dans un mimétisme magique, je suis ainsi et la communauté antillaise le prend très bien, elle est touchée qu’une fille comme moi s’intéresse de cette manière à leur culture dans le respect dans lequel je le fais.

6. Est-ce que les antillais trouvent que tu parles et chantes bien le Créole ?

Oui.. (rires) peut-être mieux que certains antillais eux-mêmes certainement tellement j’aime cette langue si poétique.

On peut me penser blanche des Antilles et lorsqu’on voit que ce n’est pas le cas c’est troublant pour eux.

7. C’est tout de même un peu schizophrène comme attitude. C’est de la schizo artistique ?

Carrément. C’est de la schizo artistique constructive, positive, artistique comme tu dis. C’est un vrai moyen d’expression personnelle qui devait se manifester ainsi. Janey’Ann tu peux la croiser d’autres manières, avec la coupe afro comme aujourd’hui, comme tout à fait autrement, c’est juste une question d’humeur, pas de contexte.

8. Comment est arrivé l’Art dans ta vie ?

Ma maman a eu la bonne idée de m’inscrire au conservatoire dans la cadre de la sociabilisation de sa fille de 5 ans. Donc j’ai fait de la danse contemporaine, et aussi un peu de chorale, piano, solfège. Puis un professeur a été un mentor de 5 à 15 ans. Après son départ du conservatoire pour monter une école à Grèce, il y a eu une sorte de rupture et j’ai décidé de faire autre chose, c’est là que j’ai découvert la danse africaine, le hip hop, la Salsa, le modern’jazz. Et puis tout ce qui est Tribal m’a pris aux tripes et j’ai foncé là dedans pour devenir ce que je suis aujourd’hui. Et puis j’écris depuis toute petite et le Créole est une langue tellement riche, pour qui aime les mots.

Mes textes se sont transformés en chansons lorsque j’ai découvert le Gospel en 1999, ça a été une vraie révélation. Puis j’ai monté mon groupe en 2001, qui existe toujours.

9. Ce que tu fais swingue aussi magnifiquement...

Oui je n’ai pas une Culture Jazz au départ mais c’est un beau pied de nez que de rajouter cela dans certaines de mes chansons. D’ailleurs je profite de mes chansons pour pousser des petits coups de gueule positifs, je ne cherche pas à singer le Jazz mais cette musique me parle et je lui fais des clins d’œil parfois.

10. Finalement ce que tu fais a tellement d’influence que c’est presque de la world musique ?

Oui c’est très large car ça devient une sorte d’alibi de métissages de gens, de rencontres, je fais du lien social avec la coiffe afro, mes chansons et ma dégaine. On vient à mon contact. Ce n’est jamais agressif. Ce que je dégage symbolise quelque chose pour les gens, la fête, les années 70, l’appartenance raciale d’un groupe. Les antillais adorent cette matérialisation de la créolitude que j’exprime dans mon Art.

Je suis une antillienne, c’est un ancien collègue martiniquais qui a inventé ce mot et cela me correspond bien. C’est un terme générique. Symbole de métissage du cœur qui dépasse les géographies. On est dans le multiculturel. Ce qui se passe autour de la musique caraïbe actuellement est fascinant. C’est là que ça se passe !


11. Le mot de la fin est pour toi très chère Janey’Ann...

Je voudrais juste essayer d’ouvrir les yeux aux gens sur l’infinité des possibles.

LE SITE OFFICIEL DE JANEY’ANN

Photographie : Frédéric Vignale

Photographie : Frédéric Vignale