Interview : Peyo Lissarrague

Interview : Peyo Lissarrague

J’ai découvert Peyo en allant écouter Alexis HK en concert. Sur scène, il vibre avec la musique.
Aujourd’hui, son CD est né. C’est un réel plaisir que de découvrir sa voix chantant ses propres mots sur sa propre musique.
Cet homme passionné nous livre son univers qui résonne comme un cri silencieux. Les phrases tombent juste et la musique doucement rythmée les portent jusqu’au plus profond de nous.
Peyo, un prénom à retenir.

Bonjour, Peyo. Est-ce que vous portez ce prénom à cause d’un petit garçon qui ne savait pas prononcer le vrai comme ce fut le cas pour un de vos illustres compatriotes, créateur des Schtroumpfs ?

Non en fait Peyo c’est mon prénom. C’est basque, c’est la traduction de Pierre... je ne suis belge que d’adoption, contrairement à l’illustre créateur des schtroumpfs qui était bien belge mais qui a piqué le prénom à des amis catalans.

Johnny Hallyday veut devenir belge pour pouvoir devenir monégasque plus rapidement. Qu’est-ce que cela t’inspire ?

Pas grand chose. Ce sont des histoires de Wallons, et moi je vis en Flandre. Mais je suis très content que la création artistique penne une telle ampleur européenne ! Et puis la maison de Céline Dion est libre je crois.

A la base, vous êtes musicien et d’ailleurs vos chansons sont rythmiques. Qu’est-ce qui vous a amené à taper sur toutes sortes de percussions ?

Le hasard et la nécessité. Le cours de flûte du conservatoire m’ennuyait et il y avait de la place chez les tambours. Et puis c’est devenu lucratif et comme disait Boris Vian, il faut bien vivre. Vivre en tapant sur des casseroles, c’est assez réjouissant comme perspective, non ?

Vous avez fait partie des Alpinistes Hollandais et je vous ai connu musicien de Alexis HK. Avez-vous joué avec d’autres groupes ou chanteurs ?

Oui, mais mes expériences les plus longues sont avec Alexis et avec les Alpinistes, avec qui j’ai tourné 4 ans et fait près de 500 concerts. Je joue aujourd’hui avec Antoine Sahler et j’ai eu quelques formations personnelles, essentiellement de jazz ou de musique du monde. Il doit y avoir quelques albums qui traînent chez les antiquaires...

Vous êtes aujourd’hui votre propre producteur comme vous êtes l’auteur des musiques et des textes que vous interprétez (sauf Loupiottes dont la musique est de Ronan Yvon.) Vous tenez à votre liberté ?

Oui on peut dire ça comme ça. Mais tout cela est plutôt fortuit, du point de vue de la production particulièrement. Je ne pense pas que je produirai moi même mon prochain album. J’ai réalisé et je réalise actuellement les albums de certains de mes collègues et je me rends compte à quel point il est important d’avoir un interlocuteur dans les phases de création. A mon sens, mon album est d’ailleurs produit par Ronan, Antonin et moi. Et le prochain par Johnny, qui sait ?

Votre album porte le nom de Lawaai. Que signifie ce terme wallon ?

Aaaargh... Lawaai est un mot néerlandais qui signifie vacarme, bruit. C’est un album peu bruyant, il semblait naturel de lui donner ce titre, n’est-ce pas ? Je pense que c’est un album qui parle aussi de bruits, de perturbations, de ce qui rend le dialogue difficile, de silence aussi ; et puis c’est un mot qui est beau et j’aime les mots, ils contiennent le monde.

Elles viennent en chantant, boire le sang de la lune... Qui sont ces femmes bleues ? Dans plusieurs de vos textes, vous évoquez des femmes et dans l’un d’eux Théorie du chaos, vous vous imaginez assise en soutien-gorge. La femme vous obsède ?

J’avais composé, pour l’album d’un sextet de jazz dont je faisais partie, un morceau intitulé Les Hommes Bleus, qui évoquait les populations nomades du nord ouest africain. Les Femmes Bleues, qui n’est pas ni un hommage à la schtroumpfette ni un témoignage sur les contractuelles, en est le pendant féminin. C’est une chanson sur la condition féminine, pour être bref, qui n’est pas rose tous les jours. Je ne suis pas particulièrement obsédé par les femmes, quoique, mais elle constituent plus de la moitié de l’humanité et subissent encore, dans leur grande majorité, le joug d’un civilisation machiste et patriarcale qui les emprisonne. Ça vaut bien quelques vers. En ce qui concerne Théorie du Chaos, c’est la narratrice qui est en soutien gorge. Je ne fais que lui prêter ma voix, ma poitrine est désespérément plate, je flotte dans un bonnet A !

D’autres chansons sont plus engagées, je pense notamment à Java où vous évoquez clairement les sans-papiers ou encore à Tout va bien dans laquelle vous critiquez notre société. Vous comptez vous présenter aux présidentielles ?

Java est une chanson que j’ai écrite pour mon ami Keith Farquhar, le chanteur des alpinistes hollandais, écossais de son état et qui subissait en France les foudres de la censure car il chantait en anglais. En France, on pense que ce qui est anglophone est nécessairement une émanation directe du grand capital oppresseur et de la mondialisation sans âme. C’est fatigant, ça a fait une chanson sur les immigrés, tous les immigrés. Je ne compte pas trop me présenter à la présidentielle, j’ai trop de respect pour la démocratie pour croire en ce régime.

Quoi qu’il en soit, vos textes sont poétiques. J’hésite à les qualifier de chants poétiques ou de poésies chantées. Qu’en pensez-vous et quel est votre poète préféré ?

C’est un sujet délicat et se comparer aux poètes est toujours risqué. J’aime la poésie, je suis un grand lecteur de poésie. René Char est cher à mon cœur mais aussi Paul Eluard, Robert Desnos, bien sûr Rimbaud et Apollinaire...la liste est trop longue, j’oublie déjà Jacques Roubaud et Raymond Queneau. La poésie c’est faire, c’est dire, c’est faire dire, alors sans doute oui, je fais de la poésie. Un peu absconse parfois il est vrai.


Votre album est en vente libre ? Où peut-on se le procurer ?

Mon album est en vente libre et pour se le procurer il suffit de m’écrire. On peut également le trouver à la Fnac, à condition que l’on se donne rendez-vous à la Fnac.

Je vous laisse le mot de la fin et je te propose de revêtir ton porte-jarretelles à notre prochaine rencontre. Promis, je ne prendrai pas de photos.

Et bien je me mets immédiatement en quête d’un porte-jarretelles à ma taille, pour les photos nous verrons, je n’ai pas trop ce genre de pudeur à vrai dire... Le mot de la fin ? Oui.

Photographie de Karine D’Orlan de Polignac

Photographie de Karine D’Orlan de Polignac