Emeutes en banlieue : j’y étais !

Emeutes en banlieue : j'y étais !

« Bonnie Productions » et « L’ami Francis » m’avaient convié à une représentation d’un spectacle audacieux et terriblement chaud bouillant d’actualité, intitulé « Emeutes en banlieue », une création théâtrale à deux acteurs, chanteurs, danseurs, un « Two Man & Girl show » entre America, une petite blonde Pulpeuse, et Eric, un noir épatant qui crève les planches de son talent et charisme.

Le petit plus qui vaut son pesant de cacahouètes et qui rend le truc tout de suite encore plus attractif, polémique et qui sent le brûlé, c’est qu’il ne s’agit pas de l’énième pièce parisienne de Laurent Ruquier, qui fait brûler des femmes en banlieue, mais de Dieudonné qui a écrit celle-ci, à chaud, pendant ces terribles émeutes médiatiques qui ont fait trembler le monde et ont alimenté CNN.

L’histoire est simple : une journaliste très blonde et cynique est chargée par son rédacteur en chef monsieur Birnenbaum (sic) de ramener les pires images possibles des échauffourées qui ont mis la focale sur la banlieue française en cette fin d’année 2005. Elle y rencontre des personnes truculentes, inquiétantes ou décalées comme Jean-Marc, un brave balayeur, Sony une racaille presque sympathique, Le Duc, un bandit de grand chemin élégant et charmeur et un ministre de l’intégration qui a très mauvaise haleine.

Eric, danseur de métier et comédien qui joue toute cette galerie d’archétypes est la vraie révélation de cette confrontation artistique de une heure vingt ; il est absolument épatant autant dans la gestuelle que dans la diction ou le jeu de voix ou scénique. Ce jeune homme de 23 ans qui a parfois des airs de Michaël Jackson jeune ou de Bill Crosby, est à la fois juste et bien dosé, très à l’aise et généreux sur les planches. A lui tout seul il porte tout le spectacle, soutenant à merveille le texte au millimètre du Maître Dieudonné qui se révèle un auteur inventif, essayiste entre Brecht et Godard mais avec un côté comédie musicale en sus.

Les chorégraphies (Philippe Lafeuille) et la mise en scène sont de haute tenue, le rythme est endiablé et quelques numéros d’acteur sont de beaux moments de rire ou d’émotion. Jamais démago, « Emeutes en banlieue » tape là où cela fait grincer, dénonçant la course au sensationnel des médias français et américains, la belle complaisance et surenchère de tout un système qui a besoin de sang, de larmes et de belles bavures pour nourrir sa « noble » cause.

Dieudonné s’amuse avec les principes d’énonciation et distanciation, réalisant un show sans idéologie mais au nom d’une justice du bon sens qu’on a un peu oublié ces derniers temps en voyant des intégristes derrière chaque jeune basané ou bombe dans le moindre grec ou double kébab.

Dieudo est un fin observateur de notre époque et un fieffé découvreur de talents. Seul bémol à ce glorieux tableau du malaise médiatique et de la stéréotypisation des banlieues, le jeu de la jeune fille, America, qui fait ce qu’elle peut et a une belle énergie, mais qui n’est pas à la hauteur du phénoménal Eric.

A voir et à décortiquer, car une telle acuité d’observation du monde moderne sans compromission n’est pas monnaie courante dans notre champ artistique théâtral ou cinématographique.

Emeutes en banlieue, Pièce de Dieudonné, Théâtre de la Main d’or, actuellement.

Emeutes en banlieue, Pièce de Dieudonné, Théâtre de la Main d’or, actuellement.