Un César pour Jamel !

Un César pour Jamel !

Angel-A de Besson : " le lyrisme du noir et blanc ".
C’est le film le plus personnel de Besson et le plus dépouillé, un film mature et vrai, détenteur d’un message libérateur !
Besson prouve qu’il n’est pas "fini" et qu’il reste plus que jamais capable de faire des films cultes ! Avec une caméra plus "sobre" (on est loin des 2500 plans par film), et le choix du noir et blanc, il emprunte un chemin où l’on ne l’attendait pas : celui de l’intériorité.

Le sens du rythme reste sa force, à la caméra comme avec ses choix de casting , tout comme aussi avec le choix de sortir ce film après la crise des banlieues et dans un contexte où le discours politique et la société se durcissent .

Le thème de la rédemption, récurrent chez Besson, est encore plus développé, dans ce film, avec l’ange Rie Rasmussen, interprète d’un rôle inspiré de son propre personnage. Son jeu limpide, d’une puissante légèreté, nous fait oublier un physique avantageux, et Rie Rasmussen nous plonge dans son âme angél(a)ïque.

Mais cette fois, c’est l’amour de soi qui fait office de rédempteur, et la scène où pour la première fois,Jamel dit devant son miroir "je t’aime",est culte (...on l’imagine commentée dans une future émission "Actor’s studio" consacrée à Besson) .

Jamel, alias André Moussa est un vrai mytho dans Angel-A, et nous emmène du rire aux larmes. Les premières minutes permettent au spectateur de passer de Jamel "humoriste", à Debbouze l’acteur charismatique, qui va puiser au plus profond de lui même. Quand Besson lui demande de dire "Je t’aime" dans le miroir, c’est pour l’homme une claque, et pour l’acteur un combat ... "Aujourd’hui, grâce à Dieu, je m’aime", dit Jamel, que ce tournage a affecté positivement.

Angel A est un film d’amour... de soi-même.
L’ange symbolise le réveil de la conscience, qui permet de se voir soi-même avec son ying et son yang : « Tu sais pourquoi tu ne t’aimes pas ? C’est parce qu’on ne t’a jamais renvoyé ton image. »

Puis il représente la deuxième étape, après l’identification de ses forces et faiblesses, leur acceptation et le choix de s’aimer vraiment, pas demain autrement, mais ici et maintenant, devant son miroir. Pour Besson, le message c’est " qu’il faut s’aimer, se regarder, se parler " La fin du film porte néanmoins une certaine contradiction au thème de l’amour de soi, débouchant en principe sur autonomie et indépendance.

Celui qui avait montré dans Yamakasy (Besson-producteur), un visage bienveillant de la banlieue, fait passer à travers Jamel, un véritable message d’amour et d’espoir aux jeunes des banlieues, à l’heure où Jean-Pierre Bacri, Joey Starr, et Jamel encouragent un réveil citoyen chez ces jeunes .

Film politique aussi donc, dans ce contexte (d’ après) crise des banlieues, avec un Besson producteur et réalisateur aimé des jeunes, qui se veut clairement polémique avec celui qui incarne l’opposé de ses valeurs : "Racailles, Kärcher, je n’ai rien entendu d’aussi méprisant et violent depuis Le Pen et sa haine de la différence." "Nicolas Sarkozy accuse les jeunes de banlieue d’abriter les trafics de drogue, mais de quel autre business leur donne t-on le droit de s’occuper ?"...Après L.Thuram, N.Sarkozy, ne s’est donc pas fait que des amis dans le show-biz !

Besson , le "frenchie" qui réussit à réaliser, produire, et se lance dans l’ acquisition de multiplexes de salles (à Marseille ) et dans la construction de la "Cité du Cinéma" ( en Seine-Saint-Denis , une structure de production impressionnante : 45 000 m2 , 9 plateaux au total ) , force l’ admiration des américains, là ou Coppola ou Spielberg n’ont pu pérenniser l’ existence d’ entités de production indépendantes .

Y a t-il besoin de défendre, Besson des critiques négative, d’une certaine presse, lui reprochant aussi d’entourer les sorties de ses films du plus grand secret, alors que c’ est peut -être juste une attitude d’autodéfense du réalisateur contre l’ agressivité de certains critiques ?

Finalement toutes les critiques pertinentes que l’on peut faire à Besson, sont inhérentes à sa personnalité, tellement il ne fait qu’un avec ce dernier film.

Lorsqu’un critique du monde , y voit en Angel-A un film décevant et des personnages dénués de crédibilité, l’on aimerait qu’il vienne expliquer à Djamel comment être plus crédible et l’on s’interroge également sur ce qu’ est un rôle crédible d’ange ? Lorsque, tel un docte professeur, ce même critique expose que la poésie s’obtient "dans l’étincelle fortuite d’une improbabilité plus que dans la démonstration de son existence...", on a envie de prendre ce critique par la main, de lui dire "arrête de te faire du mal" en l’enjoignant comme André Moussa, à se dire tous les matins devant son miroir, "je t’aime ! "

Des acteurs habités, un réalisateur amoureux de ces derniers, et quelques idées comme s’aimer, être soi-même, être vrai, ou encore saisir l’instant, sont les ingrédients mêlés d’une recette "Bessonienne" à goûter d’urgence !