Cinq questions à Tristane Banon à propos du collectif "Fais-moi ta Déclaration"

Cinq questions à Tristane Banon à propos du collectif "Fais-moi ta Déclaration"

La romancière et modèle Tristane Banon est à l’origine d’un ouvrage collectif préfacé par PPDA et illustré par Nelly Biche de Bere dans lequel 10 auteurs français d’horizons divers ont écrit chacun une Nouvelle autour des droits fondamentaux de l’enfant, mais sans thème imposé. Le résultat s’intitule "Fais-moi ta déclaration", il est publié chez "Belem Editions" et on ne peut que vous engager à l’acheter.
Nous avons voulu poser cinq questions à la jolie initiatrice de ce bel ouvrage que nous défendons, sans restriction, ici au Mague.

1. Tristane Banon, comment est né le livre "Fais-moi ta déclaration " ? De quel constat et de quelle révolte ?

Le point de départ c’est un débat que j’ai fait cet été avec les élèves
d’un collège à Chambéry, sur les droits de l’enfants précisément.
J’avais demandé à la représentante locale de l’UNICEF de m’accompagner
et j’ai découvert que les élèves ne savaient pas tout de la détresse,
pas seulement physique mais aussi morale, des enfants à travers le
monde. Beaucoup ignorent que les enfants soldats ça n’est pas un vieux
souvenir du siècle dernier ou encore que le travail des mineurs n’est
pas un problème éminemment facile à régler. En revanche, une fois ça
posé, pas un élève n’a pas eu envie de faire quelque chose. C’est la
preuve que contrairement au dérives individualistes qu’on dénonce à
coup de débat de haute philosophie, les gens restent profondément
concernés par l’avenir de leurs semblables pour peu qu’ils y soient
confrontés autrement qu’au travers du journal auquel ils se sont
malheureusement habitués.
Je n’ai pas la prétention de penser que ce livre va changer la face du
monde ni être le déclencheur d’une grande prise de conscience
collective, mais c’est une nouvelle façon de mettre en lumière des
problèmes qui sont les nôtres à tous. Et puis de toute façon ne rien
faire ça n’a jamais rien changé. On m’a souvent dit que ceux qui
achèteront ce livre seront les riches bourgeoises qui veulent se donner
bonne conscience. Peut-être mais il n’y aura pas qu’elles. Et même,
qu’importe, les motivations ne m’intéressent pas, c’est le résultat qui
compte. Et le résultat c’est qu’un livre vendu c’est 400 enfants
vaccinés.

2. Pourquoi avez-vous choisi votre amie Nelly Biche de Bere pour illustrer ce collectif ?

Nelly Biche de Bere est quelqu’un de profondément humain. Pour avoir
beaucoup voyagé, elle a vu la pauvreté et ne s’y est jamais habituée. Du
reste, les mascottes de sa marque sont 5 personnages, illustrant chacun
des 5 continents. J’aime cette idée qu’à son niveau, et même contre
ceux qui vous diront que ça ne résoudra rien, on essaie de faire passer
des messages. C’est toujours très facile de dire que ça ne sert à rien
tout en restant assis dans un fauteuil, ça a au moins le mérite de ne
pas être trop risqué. Nelly n’est pas franchement du genre à rester
assise dans un fauteuil en regardant le monde avancer, surtout quand il
avance de travers. Alors quand il a fallu réfléchir à quelqu’un pour
illustrer ce livre, il m’est apparu évident qu’elle était la bonne
personne. Ses dessins ont été fait avec beaucoup de coeur, mais à dire
vrai je ne sais pas si elle aurait su faire autrement !

3. Quel est le message subliminal qui est en filigrane de cet ouvrage pour la bonne cause ?

C’est amusant car je n’ai voulu donner aucune contrainte aux auteurs.
Je leur ai seulement demandé de s’amuser, de "se lâcher" ! Et pourtant,
alors que la plupart ne se connaissent pas et que beaucoup viennent
d’horizons très différents, j’ai trouvé un point commun à leurs
nouvelles (et j’avoue que je n’échappe pas à la règle...) : nous avons
tous fait un parallèle entre la situation des pays pauvres et celle des
pays riches, les dérives de la société de consommation et la lutte pour
la survie. Alors peut-être qu’il est là le message : Attention, la
fracture s’élargit, la blessure et profonde et bientôt il faudra faire
des points de suture pour que le Nord reste attaché au Sud ! Au nord on
paie pour rester mince, au sud on récolte des fonds pour prendre 3
grammes. C’est bateau de dire ça, c’est tellement bateau qu’on y a tous
pensé. Ce qui est dommage c’est que parce que c’est bateau tout le
monde s’en fout ! A croire que c’est comme les héros de la Star Ac’,
quand c’est passé de mode on ne s’en occupe plus...L’Ethiopie, les
enfants, la faim dans le monde, c’était à la mode dans le début des
années 90’, on faisait même des chansons là-dessus...Aujourd’hui on
s’occupe de la grippe aviaire et on fait des chansons pour Ingrid
Bétancourt. C’est très bien aussi mais comme il semblerait qu’on ait un
capital "altruisme" très réduit, sans doute qu’on ne peut pas tout
faire ! Ce qui rassure c’est que les modes c’est cyclique, avec de la
chance ça reviendra !

4. Le choix des auteurs est très hétéroclyte, la participation de ces artistes est liée à un vrai positionnement idéologique de le leur part ? Se sont-ils investi avec force pour ce projet ?

Vous voulez une réponse vraie ou sérieuse ? Non, honnêtement le choix
des auteurs s’est fait de façon très subjective. En fait il est
hétéroclyte car je n’ai pas de "type" d’amis...Et en l’occurrence la
plupart sont des amis. En revanche il est vrai que ces amis-là, qui
sont tous à mes yeux des auteurs et des artistes de très grande valeur,
ont des qualités de coeur qui font qu’ils se sont pleinement investit
dans le projet. Chacun à son histoire. Je peux vous dire par exemple
que Valérie Bénaïm a pris très à coeur la cause des enfants. Le
résultat c’est qu’elle a eu peur de ne pas être à la hauteur...Et au
final elle a fait un texte superbe qui l’a confirmé en temps qu’auteur
à part entière. Géraldine Maillet et Karine Tuil se sont aussi
énormément investis, tant au niveau de leur travail qu’au niveau de
leur soutient indéfectible car ça n’a pas été tous les jours faciles de
parvenir à finaliser l’ouvrage. Bruno Gaccio n’était pas sûr d’exceller
dans le domaine de la nouvelle...

Et pourtant...Patrick Poivre d’Arvor,
qui est aussi Ambassadeur de bonnes volontés pour l’UNICEF, n’a pas
hésité trente secondes avant d’accepter, c’est un homme exceptionnel et
malgré son emploi du temps vingt fois chargé il est le premier à
m’avoir rendu son texte. Formidable je vous dis ! Je vais arrêter là car
on va penser que je jette des fleurs...Et c’est vrai, mais je vous
promets qu’elles sont méritées ! Les plus mauvais diront que ce que je
viens de vous dire est écoeurant de bons sentiments...Et c’est
peut-être exacte mais quitte à être écoeurante de quelque chose, je
préfère encore l’être de bons sentiments.

5. Les droits fondamentaux des enfants sont-ils plus que jamais en danger de nos jours ?

A 26 ans je ne sais pas si je fais autorité pour répondre là-dessus.
Mais si vous me demandez ce que j’en pense, au risque d’être à
contre-courant de beaucoup, je dirais que non. Et même au contraire. Je
pense sincèrement que les enfants sont tout de même, en général, mieux
protégés aujourd’hui qu’il y a 100 ou 200 ans. Parce que le monde s’est
équipé de moyens légaux pour remédier à certains problèmes, parce que
les médias ont aussi joué un rôle essentiel dans la mise en lumière de
certains problèmes, parce que plein de choses encore...Peut-être même
parce que, aussi, il y a plus de bourgeoises aujourd’hui pour se donner
bonne conscience en donnant des sous pour se donner bonne conscience !
Mais je ne pense pas qu’on peut dire qu’aujourd’hui, alors qu’on été
instauré les tribunaux pour enfants, les lignes téléphoniques d’urgence
pour les enfants, des ONG comme l’UNICEF, la diffusion de reportages
télévisés sur les pays en sous-développement etc, etc, etc...je ne
pense pas qu’on puisse sérieusement dire que les enfants sont plus en
danger qu’à une époque pas si lointaine où leur sort n’était pas un
sujet de préoccupation pour la plupart et où les autres n’avaient tout
bêtement pas accès à l’information. Pourtant les choses ne sont pas
encore parfaites, et c’est pour ça qu’existent des livres comme
celui-ci. Avant les enfants en bavaient partout, y compris dans nos
mines de charbon très françaises, forcément il n’y avait pas besoin de
livre pour le rappeler.

Aujourd’hui que la France va un peu mieux,
c’est peut-être bien que des livres soient là pour nous rappeler que la
France n’est pas le monde. Merci d’avance.

Tristane.

En vente à 10 euros dans les librairies ou en commande

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