Lunar Park : to BEE or not to BEE

Lunar Park : to BEE or not to BEE

BEE, il s’agit de l’écrivain américain à la réputation sulfureuse Bret Easton Ellis, père entre autre du très controversé American psycho, qui s’essaie cette fois-ci au roman d’autofiction avec Lunar Park.
BEE butine, passant d’humour satirique à épouvante pastiche, et à quarante ans, se fait moins provocateur, et se lance dans l’étude du sujet qu’il maîtrise (analyse ?) le mieux : lui-même.

Arrivé sous l’œil approbateur des médias en 1985 après la publication de son premier roman Moins que zéro, Bret Easton Ellis est dans la de mire de ces derniers quelques années plus tard, avec Les Lois de l’attraction, puis dans le collimateur des ligues féministes avec American psycho, pornographique et extrêmement violent, à tel point qu’il lui vaudra le désistement de son premier éditeur devant tant de contestations et de désapprobations, et plusieurs menaces de mort !

Ces deux romans ont d’ailleurs été portés à l’écran de très belle manière. N’en déplaise à certains puritains, gardiens du correct et bien pensant !

Dans son dernier roman, BEE se livre à un exercice non sans risques, entre romance et autobiographie. A mi-chemin entre bilan et analyse, Lunar Park tranche dans le vif du sujet, à savoir le propre cerveau de l’ancien enfant terrible des lettres américaines, qui égrise ses cellules, les polit, les astique pour que brille tous leurs aspects, les meilleurs et surtout les pires.

Ici, BEE incarne lui-même un homme marié, résidant dans une propriété aux proportions démesurées du comté de Midland, abritant femme, chien et enfants. Un quotidien bourgeois, arbitré entre séances chez les psy, courses en caddie le samedi au centre commercial et repas de bon voisinage...

Des dizaines de pages comme autant de confessions de l’auteur, qui revient sur sa carrière, ses déboires, ses égarements, puis sur son retour sur le (quasi) droit chemin. BEE s’étale et s’attarde donc lui-même, puis se pique à des sujets épineux comme ses maîtresses, ses amants aussi, ses tourments avec l’alcool et la drogue, son métier d’écrivain, sa perception et sa gestion de la célébrité, etc. Il s’arrête enfin sur la mort de son père, survenue en 1992, alors que tous deux ne se parlaient plus depuis des années. Ellis reprend-t-il dans Lunar Park le rôle de ce paternel qu’il aurait souhaité avoir, et que lui-même n’a jamais été ?

Quoi qu’il en soit, on s’accoutume très vite à ce récit du narrateur romancier, où Ellis semble presque faire pénitence, lorsque soudain, tout saute en plein vol !

Le mobilier s’agite, une peluche entame l’ascension du plafond, une pierre tombale pousse dans la verte herbe du jardin. La maison change de couleur, le héros reçoit des mails chaque nuit à l’heure même à laquelle son père est décédé... C’est le début pour lui d’un véritable cauchemar éveillé. S’ajoute à cela un copycat killer, un tueur en série qui lui imite avec minuitie non pas les crimes d’un véritable tueur, mais ceux des personnages de fiction sortis tout droit de l’imaginaire de Bret Easton Ellis.

BEE assaisonne donc cette autofiction d’une bonne poignée de fantastique, voire d’horreur, rendant un hommage non dissimulé aux maîtres du genre, dont le génial Stephen King. Sa recette fonctionne à merveille, même si quelques fois trop relevée, quitte à distancer quelque peu le lecteur. Mais cela, Ellis n’en a rien à faire.

Lunar Park ravira les lecteurs d’Ellis, qui y retrouveront nombre de références propres aux romans de ce dernier, qui avec ce dernier opus, veut sans doute se soustraire aux jugements des autres, dont il a fait les frais par le passé, et ainsi, se retrouver avec lui même, s’accepter, et accepter définitivement son passé.

Un livre dont on dit du bien, à raison.

Lunar Park, de Bret Easton Ellis, chez Robert Laffont, 381 pages, 22 €, sortie le 20 octobre 2005.

Lunar Park, de Bret Easton Ellis, chez Robert Laffont, 381 pages, 22 €, sortie le 20 octobre 2005.