Madame Freud raconte son Sigi

Madame Freud raconte son Sigi

C’est une histoire de femme comme on les aime. Une femme qui, pendant toute sa vie, a observé son génie de mari devenir celui que nous connaissons tous : une figure reconnue de ce siècle. C’est l’histoire de Martha, la femme du grand Sigmund Freud.

Voici un récit très plaisant qui a l’allure des confidences d’une grand-mère couchée dans son lit.
Des anecdotes que l’on s’entend chuchoter à son oreille comme un secret très intime.
Des aveux encore jamais évoqués à ce jour sur celui qui a marqué son temps et révolutionné la Psychanalyse et que l’on voit sous un nouveau jour très original et pertinent..

En fait tout cela commence comme la chanson de Sigi de Luc Plamondon.

Cet ouvrage est fait ainsi comme une ballade un peu désabusée d’une vieille dame qui s’est tu toute sa vie pour laisser la place à son homme, toute la converture et toute la lumière, toute la place à Sigi.

Martha nous chante en allemand le refrain de sa vie sacrifiée avec un humour aussi acerbe que pouvait l’être la condition d’une femme au foyer de cette époque, en épouse effacée, discrète et entièrement dévouée à son amour.

Sigi, il s’appelait Sigi. Elle était folle de lui. Elle l’aime, c’est pas grand-chose. Ce n’est pas de sa faute. Elle lui a tout donné, son coeur, sa vie. Cette lecture est comme la chanson, une belle invitation à un amour total, à sens unique. Il l’a voulu. Il l’a formaté ; il n’avait cure de ses propres aspirations. Il était le peintre de sa seule image, il avait uniquement placé Martha là pour la convenance sociétale et malgré cela, elle l’aimait éperdument .

Martha était mieux née que Sigi dans l’Autriche juive allemande. Elle était sensible et l’auteur de sa romance, Nicolle Rosen en a compris tous les méandres à travers une oeuvre riche et appuyée de témoignages multiples qu’elle a puisé lors de ses expériences de psychanalyste. Nicolle Rosen a fait un travail remarquable et a prêté toute sa sensibilité aux propos de Martha.

Il fallait être une femme de talent et s’appeller Nicolle Rosen pour nous raconter en caméra embarquée cette vie parallèle que la grande Histoire a oublié.

Nicolle Rosen nous conte ainsi ainsi une véritable culture austro-germanique qu’il convenait de jeter sur le papier. Elle nous plante l’histoire persécutée de tout un peuple juif allemand contraint à l’exil ou à l’horreur avec une sorte d’inconscience face la réalité. « Martha F » est un livre courageux qui a un vrai parti pris d’auteur.

Il y a une identification naturelle qui se produit On devient l’ami(e) de Martha ou mieux sa petite fille. On a pas besoin de la secouer pour qu’elle prenne conscience de sa valeur. Elle le fait avec une amie à travers un bel échange épistolaire outre-atlantique. Elle nous rend compte de l’égoïsme de Sigi Freud, de son abandon sentimental, de ses doutes professionnels et de son rêve inavoué qu’elle devine à travers ses humeurs.

Lire Martha sa femme pour le meilleur et surtout le pire des égoïsmes, c’est mieux comprendre Sigmund Freud. Ce point de vue féminin de celle qui a partagé sa vie nous offre de précieux renseignements sur la nature mégalomane du plus grand psychanalyste de tous les temps.

Finalement, les grands sont des observateurs inquiets, ils ne vivent et ne créent que dans le doute ou la souffrance, Freud nous apparaît comme un artiste tourmenté, terriblement humain, un mythe ne s’effondre pas, il s’explique mieux. Freud était un homme avec des failles et des zones d’ombre, des querelles intérieures. De ces tortures et de ses questionnements est né un des plus bel esprit du siècle qui continue encore aujourd’huide nous aider à mieux envisager la Nature humaine.

Lire« Martha F ». de Nicolle Rosen c’est faire un pas pour mieux comprendre les femmes et les hommes et se rendre compte que Sigi était un homme comme les autres ni mieux, ni pire.

« Martha F », restera pour ses lecteurs le témoignage d’une vie consacrée à l’Amour de l’autre.

« Martha F », Nicolle Rosen, Jean-Claude Lattès, Roman, (2005), 340 pages, 17 euros

« Martha F », Nicolle Rosen, Jean-Claude Lattès, Roman, (2005), 340 pages, 17 euros