Interview : Buzy

Interview : Buzy

Vous savez ce que c’est que d’avoir le trouillomètre à zéro ? Pour ma part c’est lorsque je dois interviewer une artiste au doux nom de Buzy ! Un mythe en chair et en os qui me rappelle tant de choses par ses anciens tubes et qui m’appelle vers tant de belles choses de par son dernier album « BorderLove ». Comme la vie est bien faite, parfois, je dis bien parfois, la réalité est à la hauteur des meilleurs espérances. J’ai loupé Joe Strummer mais j’ai réussi à voir sa femme (c’est une image). Comme un bonbon je vous laisse déguster notre interview.

Pour moi vous êtes une icône de la femme parfaite, pouvez vous me dire une phrase banale pour que je sois plus détendu lors de l’interview ?

Buzy : « Houlala... heureusement que je suis assise. Sachez que je suis quelqu’un d’humain avec ses défauts et ses qualités. Une espèce de tambouille entre elfe, fée et troll ! »

Etes-vous une erreur providentielle pour tous les borderloves dans nos genres ?

Buzy : « J’ai l’impression que beaucoup de gens sont borderloves. La société veut absolument éliminer toutes nos aspérités et faire de nous des robots avec pour seule mission d’être rentable en fonctionnant uniquement sur la notion de profit et de rentabilité. Je ne suis pas sure que ce soit représentatif de l’être humain. »

Patrick Eudeline, votre ami, a sorti en 2003 un livre qui s’intitule « Dansons sous les bombes » avec l’histoire de cette femme ‘Coreen’ qui a eu un énorme succès en son temps et qui tristement essaye de retrouver le devant de la scène, avez vous eu peur à un moment d’être le parfait exemple de ce personnage ?

Buzy : « Cette femme ce n’est pas mon portrait... pour être tout à fait honnête quand j’ai lu son livre j’ai tout de suite vu que ce n’était pas moi car nous ne sommes pas de la même génération... je l’ai quand même appelé pour savoir qui était cette héroïne. Mais bien évidemment que cela m’a touché. Je n’envisage pas ce métier de façon aussi extrême que cette fille. Ce n’est pas une question de vie ou de mort en ce qui me concerne. Ca l’a été quand j’avais trente ans et que je prenais la pression au premier degré maintenant que j’ai pris un peu de plomb dans l’aile, j’essaye de ne retirer que la notion de plaisir et de partage avec les musiciens. »

Le fait d’écrire votre autobiographie « Engrenages » vous a t’il permis de retourner vers la musique comme si vous aviez réussi à tuer vos démons ?

Buzy : « L’exercice de revivre une seconde fois sa vie est à la fois très douloureux et très exaltant. Je voulais tenir le coup sur 300 pages sans emmerder les gens. C’est un sacré challenge pour quelqu’un qui n’a jamais écris de livre.
J’entretiens avec la musique un aspect très border encore une fois, j’aime beaucoup l’aspect créatif et les rapports humains des gens avec lesquels je travaille quand je fais de la musique. Après que l’on devienne une sorte de produit et qu’on veuille nous vendre, qu’un artiste soit en première ligne comme une espèce de cible vivante face à la critique ce n’est pas forcément toujours agréable. Il faut juste savoir payer le prix de sa liberté d’expression. »

Il y a une chanson dans votre album qui est une vraie tuerie c’est la « Stratégie de la Solitude » où vous semblez être indestructible ?

Buzy : « C’est ma solution personnelle au mal qui ronge notre société. En premier lieu c’est d’accepter cette solitude non pas comme la peste mais comme quelque chose de préférable à une relation sans intensité, sans aucune raison d’exister si ce n’est une carte d’identité sociale. C’est aussi le dégoût de la presse féminine qui amplifie ou qui donne une mauvaise direction de vie aux jeunes femmes en haranguant que si tu es célibataire tu ne vaux pas le coup. L’enfant est aussi devenu un objet social voir fashion. Il ne faut pas avoir le nouveau sac Prada mais un gosse.

Tout ça me dérange, que l’on essaye de mettre des lignes de conduites, (et là je ne parle pas que des journaux féminins) en prônant le couple même s’il est usé, même s’il n’a aucun sens donc je tenais à dire que la solitude pouvait avoir un sens profond. J’adopte donc le fait d’être différente. J’accepte la différence comme quelque chose qui peut nous faire grandir, qui peut nous faire réfléchir et je préfère ça à un rêve en binôme devenu monochrome. »


Vous êtes donc une sorte de contre-exemple ?

Buzy : « J’ai vécu quand même pas mal de chose. Ma vie n’est pas un exemple non plus mais j’ai traversé des choses hors-normes vu que j’ai connu le succès très jeune pour ensuite avoir une traversée du désert dans les années 90. Moments que j’ai surmontés je l’espère sans aigreur parce que j’ai mes petites potions à moi de spiritualité. »

Le sample de « Love On The Beat » de Gainsbourg c’était une sorte de petit hommage ?

Buzy : « (horrifiée) Ce n’est pas un sample ! vous ne devez pas écrire ça sinon je vais avoir des ennuis ! (rire) c’est ce qu’on appelle une citation ! Gainsbourg est quelqu’un qui a été très important dans ma vie. De plus, ‘Love On The Beat’ c’est une phrase très fun de l’amour avec une vraie musicalité. »

Pour moi toutes vos paroles sont une sorte de Graal de ce que j’aimerais dire. Est ce facile d’être aimée quand on chante de cette manière si masculine ?

Buzy : « Mes textes sont quand même très féminins. Mon côté masculin vient du fait que j’ai une voix grave. J’ai toujours aimé les voix rauques et je pense que j’ai tout fait pour l’avoir et je ne vous donnerais pas ma potion magique (rire). Les hommes aiment bien ce côté-là. Il y a deux attitudes : soit je leur fais peur ce qui n’est plus vraiment le cas maintenant ça l’était plus au début de ma carrière, soit cela les amuse car ils se disent que celle là n’a pas froid. »

Pouvez-vous me dire ce que vous adorez et ce que vous haïssez depuis le début de la semaine dans notre société ?

Buzy : « La semaine n’a pas été formidable. J’ai plus détesté les chose que je n’en ai aimée. Je hais le marketing, je hais les relations inhumaines qui semblent être la panacée de ce métier actuellement, en tout cas des gens qui sont aux postes de direction. Il y a un mépris de l’artiste qui est effectivement extrêmement banalisé par les médias. Dans la mesure où n’importe quel petit jeune qui passe un casting peut devenir une star en quelques mois. Le statut de chanteur est devenu quelque chose de très banal qui ne laisse plus la place dans les médias aux gens qui font ça par amour, par passion, par gratuité et non pas forcément pour être célèbre. En tout cas moi je l’ai fais uniquement dans le but de m’exprimer. Je hais aussi les hommes politiques qui ne disent que des conneries. Je ne peux plus regarder la télévision tellement c’est un ensemble de mensonges et de manipulation infernale. »

On ne va pas parler que du mauvais quand même ! alors qu’est ce que vous aimez bien ?

Buzy : « J’adore l’extraordinaire jeunesse, disponibilité et cœur de mes musiciens et je suppose des musiciens en général. Ce sont des êtres très lumineux. J’apprécie énormément d’aller sur mon forum voir les messages de mes fans. C’est la meilleure récompense pour moi. »

A partir de « Un mot pour Ca » la 9ème piste de l’album on s’enfonce doucement dans le coté noir de votre personnalité, on sent qu’il se dégage de vous un vrai doute sur plein de choses... c’était voulu de mettre le turbo au début pour regarder ensuite dans le rétroviseur plus doucement et remettre un coup de pied quand vous touchez le fond de la piscine avec « Décadent » la toute dernière chanson ?

Buzy : « Ce dernier titre est vraiment un espoir. Quand je chante « Nos quarante ans fragiles, un brin adolescent, nos 50 excellents, on vieillira facile avec des rêves... ».

Les gens de ma génération ont pour certains renoncé à leur enfance, ils ont renoncé à une certaine pureté, quand à ceux qui m’intéressent ce sont les gens qui ont continué d’avoir de l’exigence sur le système, avec une subversivité ce qui ne veut pas dire destroy... J’espère en tout cas pour ma part avoir un esprit suffisamment éveillé pour ne pas être l’objet de toutes ces influences et ces codes de bonne conduite qu’on veut nous faire prendre pour argent comptant. »

Ce qui est très beau c’est que sur la vidéo on ne vous voit que sourire lorsque vous êtes en studio pour chanter et composer ?

Buzy : « Parce que je suis quelqu’un qui se fend la gueule tout le temps. J’adore ça chanter. Sur le plan purement physiologique il y a beaucoup d’oxygène qui monte à la tête, c’est très euphorisant. J’ai un côté très enfant ! Je ne suis pas infantile dans mes actes mais dans la façon de recevoir les choses d’une manière pure. C’est certainement ma façon à moi de me sauver de la laideur du monde. »

Pensez-vous que le revival des années 80 vous a été profitable pour refaire un album ?

Buzy : « Non. Je pense que ce qui a été important c’est la rencontre avec un homme qui a décidé de mettre de l’argent sur moi et de me produire. Peut être que ce revival va m’aider face aux médias, et encore... »

Cela vous a t’il profondément marqué que votre précédent album studio qui date de 1995 soit passé inaperçu ?

Buzy : « Ca m’a blessé bien sur. Quand tu donnes beaucoup de choses dans un projet qui te prend au minimum deux ans de recherche sur la musique et les textes et voir qu’il n’y a pas grand chose qui se passe en retour c’est une vraie souffrance. »

Justement, Alice Botté est il votre Frédéric Lo à vous ?

Buzy : « Je vais être méchante mais, même si j’aime beaucoup Frédéric car il a été d’une efficacité, d’une patience, d’un déterminisme pour Daniel Darc, Alice a cette différence qu’il a une nature sauvage, c’est un musicien exceptionnel, c’est pour moi l’un des meilleurs guitariste français. C’est une nature ardente et il n’a pas le même profil que Frédéric Lo. Je dirais qu’il est beaucoup moins marketing. »

Vous lui avez fait, même si vous avez mis votre grain de sel dans la réalisation, une entière confiance ?

Buzy : « Dans la mesure où la place des guitares sur l’album est prépondérante, si l’album sonne de cette manière c’est grâce à lui. Il faut rendre à César ce qui appartient à César. C’est son originalité à lui qui transparaît. Le projet n’aurait pas été pareil si il n’avait pas été là. »

Je voulais revenir sur ce duo qui est une évidence qui s’intitule « Comme des Papillons », la chrysalide a donc donné deux très beaux insectes ?

Buzy : « On se connaît depuis 15 ans avec Daniel Darc. On a toujours rêvé de faire un duo ensemble. On fait partie de la même famille. C’est une chanson très aérienne et malgré nos apparences et nos démons qui sont différents mais présents chez l’un et l’autre on est quand même des gens assez légers. »

Sur l’album vous n’hésitez pas à appeler en renfort des pointures, comment s’est porté votre choix sur vos guest par exemple les "No One Is Innocent" ?

Buzy : « Par pur hasard. Je connaissais ce groupe, j’appréciais leur énergie et leurs travail, je trouvais que la compo que j’avais faite moi-même sur « Je suis un Arbre » n’était pas à la hauteur, j’ai donc envoyé le texte et il se trouve que le chanteur du groupe m’a presque aussitôt renvoyé une musique en MP3 que je trouvais formidable. J’aime bien, cela me parle. C’est un très bon song-writter. Cet album n’a pas été fait avec une stratégie pré-établie. Je l’ai fait avec des gens que je connaissais, que j’aimais... pas dans le but de faire bien dans les inrocks ou dans rock n’folk. Je fonctionne beaucoup au coup de cœur. J’ai une voix particulière qui interdit de m’acoquiner avec n’importe qui. Cela marche beaucoup à la vibration humaine. »

Vous remerciez toutes les personnes qui ont participé à votre album, jusqu’à votre styliste, votre maquilleuse, votre coiffeuse... être artiste c’est ça aussi : tout un ensemble souvent laissé en retrait ?

Buzy : « Je pense qu’un artiste c’est une équipe. Je l’ai toujours pensé parce que des succès comme « Adrian » ou « Dyslexique » c’est le succès d’un producteur, d’un attaché de presse. J’ai beaucoup de respect pour les gens qui sont sur le terrain et qui s’arrachent pour avoir des émissions de télé ou de radio. Je n’ai pas un égo surdimensionné en me mettant trop en avant et en déclarant que les autres c’est de la merde. Je suis la résultante d’une énergie d’équipe. »
Par contre vous avez oublié de remercier quelqu’un ?

Buzy : « (étonnée) Ha bon ? »

Oui, c’est la marque de cigarette qui vous a permis de trouver cette voix si personnelle ?

Buzy : « (rire)J’ai changé parce que je me suis dis qu’il fallait quand même diminuer... du light, ultra-light maintenant. »

Imaginez vous qu’un jour vous serez une vieille personne ou grâce à la musique resterez vous éternellement Athéna en combat pour sa liberté ?

Buzy : « Je pense que le portrait de Dorian Gray c’est bien ! j’ai une âme assez jeune et j’ai la chance que physiquement ça aille avec mais je pense que je deviendrais une vieille dame comme tout le monde mais avec juste plus d’excentricité que les autres. »

Puis-je me permettre de vous complimentez en vous comparant à Joe Strummer c’est à dire une personne toujours intègre quoi que cela vous coûte ?

Buzy : « Ca m’a coûté cher et ça me coûte encore cher ! (rire) Je n’ai juste pas le choix, je suis construite comme ça. Je ne fais pas des efforts, c’est quelque chose qui est naturelle. Qui est inscrite au plus profond de mes viscères . »

Avez-vous un moyen légal de trouver votre best-of sorti chez Arcade il y a quelques années ?

Buzy : « Celui là n’est plus en distribution mais on va en ressortir un en janvier, février prochain. Avec tous les clips anciens... »