Interview : Mathis

Interview : Mathis

Mathis and The Mathematiks, c’est un groupe dont on ne peut pas expliquer toute la richesse par des mots mais pour lequel on peut facilement trouver de multiples influences musicales. Une somme de chansons nichées entre le blues, le funk, le dumb, la soul et encore plein d’autres choses. Son premier album « 5 » qui passe en play-list sur France-Inter et RTL (excusez du peu) est un bijou qu’on ne se lasse pas d’écouter.

Prendre ‘Mathis’ comme nom de scène, c’est en hommage au peintre ?

Mathis : « Pas du tout, c’est mon vrai prénom ! »

Pourquoi avoir choisi le nombre « 5 » pour titrer ton album ?

Mathis : « Car nous avons réalisé l’album avec un budget de 5 euros. Il a été fait à la maison avec un ordinateur et deux micros SM58, ce sont des micros que l’on utilise d’habitude sur scène. On a essayé de tirer le meilleur de ce pauvre petit matériel. »

Curieusement, on pourrait croire à l’écoute du disque que justement vous vous êtes enfermés dans un grand studio professionnel ?

Mathis : « On me le dit très souvent. Nous avons passé en tout et pour tout, sur l’enregistrement et le mixage : 4 mois. On a surtout voulu ne pas s’approcher d’une grosse production. Le résultat au niveau du son est assez convainquant. »

Qui sont ces fameux Mathematiks qui t’accompagnent dans cette aventure ?

Mathis : « Alors il y a Julien Capus à la contrebasse et à la basse, cela fait 4 ans que nous jouons ensemble. Il y a S.Taylor qui sur scène joue du clavier et qui sur l’album a fait les chœurs et de la guitare. Ensuite il y a Lionel qui a mixé l’album et qui se trouve à la régie son, il y a mon batteur qui avait co-produit l’album avec moi qui vient d’intégrer le groupe. »

Le fameux monsieur S.Taylor t’accompagne aussi dans l’écriture des chansons ?

Mathis : « Ca fait des années qu’on travaille ensemble. On collabore assez régulièrement. On s’est rencontré vers 14 ans, il y a une grande complicité qui s’est installée depuis ces années et c’est vrai que le texte c’est plus son truc à lui. Moi j’essaye d’amener des idées au niveau du scénario de la chanson. »

Par ta voix on pourrait vite te comparer au fils spirituel de James Brown et par ta guitare au frère de Prince ?

Mathis : « Ca me va ! Un peu plus que Tom Waits si tu veux, je l’aime beaucoup mais on me compare souvent à lui et je ne vois pas vraiment le rapport. Tous dans le groupe nous avons une culture musicale afro-américaine assez importante. Personnellement je suis très fan de jazz, j’en joue par ailleurs, des trucs classiques de swing. Les gens n’arrivent pas à nous mettre une étiquette ce qui pause problème à certains. »

C’est effectivement un album avec un son novateur ?

Mathis : « J’ai du mal à m’en rendre compte. On a voulu m’installer dans la catégorie blues mais si tu vas à la FNAC et que tu pioches dans 4 disques de cette catégorie, que tu compares ça à notre travail : ça n’a pas grand chose à voir. Ce qui est clair c’est qu’on ne fixe pas de barrières aux compositions ni au niveau du groupe. Le prochain album on travaille sur un projet de film où nous inventons un monde de personnages et où le son est totalement à l’ouest de « 5 ». La semaine dernière nous avons fait à la radio une reprise de Camille. C’est déjà très distinct de ce que tu peux trouver sur l’album. En concert nous aimons faire des reprises diverses et variées. Ca peut aller du Cure aux trucs blues des années 20, tous ces acquis nous nous en servons sur notre album. »

Ton départ de France pour Barcelone vient-il du fait qu’ici tu trouvais qu’on voulait te ranger dans une certaine catégorie ?

Mathis : « Complètement. En Espagne en généralisant j’ai l’impression qu’il sont un peu plus ouverts. Je peux jouer sur scène après un groupe de hip-hop et avant un groupe de métal avec un public qui va de 7 à 75 ans. J’ai jamais vu ça en France. Ce brassage tu ne le trouves pas qu’à Barcelone qui est très branché, très international, même dans les bleds tu vois ça. En France les programmateurs aiment bien l’album mais ils ne savent pas dans « quoi » le mettre, ni avec qui. C’est très difficile de nous faire jouer avec un groupe de reggae par exemple, c’est un clash culturel que je ne comprends pas. »

Quand tu as dû démarché les maisons de disques avec ta maquette, tu abordais ça comment ?

Mathis : « Honnêtement je ne disais pas grand chose. Je laissais écouter. Au départ quand on l’a fini et que je prospectais les maisons de disques et les tourneurs, ils me demandaient si j’étais américain, quand je leur répondais que non je n’avais plus aucun intérêt à leurs yeux. J’étais étonné car je ne fais pas non plus de la musique expérimentale. Ce n’est pas évident encore aujourd’hui car pour trouver des concerts ils ne nous font toujours pas confiance. »

Pourtant les gens qui vous ont vu sur scène sont dithyrambiques ?

Mathis : « Après notre passage : tout va bien. On vient de faire une résidence dans un lieu à Bobigny et la première chose après le concert c’était de nous inviter à nouveau en janvier et en juin de l’année prochaine. Ca c’est bon signe ! »

Comme tu es difficilement classable, on peut aussi bien te retrouver sur une scène de jazz, dans un festival électro : te permets tu de modifier ton set en fonction du genre d’endroit où tu te produit ?

Mathis : « Non ! je fais toujours le contraire de ce qu’on me demande ! (rire)

C’est une bonne manière de réussir ...

Mathis : « On essaye toujours pour surprendre de faire du jazz dans un festival de jazz mais en y rajoutant des trucs d’ailleurs. Y a deux ans on a joué sur le festival de Country français, ce qui est sur c’est qu’on a été hué par rapport au look mais finalement ils étaient très contents de notre prestation. C’est bien de jouer quelque part devant un public qui n’est pas conquis d’avance. »

Tu es l’un des seuls à prendre l’outil électronique pour améliorer l’organique des instruments et des musiciens ?

Mathis : « Ca n’a pas été une démarche à la base. On n’avait pas la possibilité d’enregistrer par exemple la batterie lors de notre passage en studio. On a du séquencer. On n’a travaillé qu’avec des effets des années 60 qu’on a glanés un peu partout. En concert on travaille avec tous ces trucs un peu analogiques. Il y a une certaine chaleur dans le son. »

N’as-tu pas peur de perdre une trame centrale musicale au profit d’une carte de visite alléchante ?

Mathis : « Peut être. S’il fallait choisir une artiste à suivre, j’aimerais bien avoir la démarche de Bjork. Le côté de ne pas refaire un album identique. Les chansons pour le prochain album nous les avons déjà et elles se différencient pas mal de ce que tu as pu écouter. »

Sur « Crash On You » ou « B.52 » tu choisis d’épurer de toutes influences directes ou indirectes ce blues des années 90 pour retrouver les racines du son ?

Mathis : « Oui. Là où je n’adhère pas c’est le côté blues actuel guitare héros avec solo de 3 heures, avec un texte inexistant. Au niveau de la musique je suis réticent. »

Je t’ai notamment beaucoup entendu sur France Inter avec plusieurs passages dans l’émission du « Fou du Roi », est ce que ce coup de pouce médiatique t’a aidé ?

Mathis : « Oui ! on s’est rendu compte que maintenant il y avait plus de monde pour nos concerts. Surtout ce qui m’a fait plaisir c’est qu’une radio comme RTL alors que l’album n’était pas sorti, a mis notre album dans leur play-list. D’habitude ils ne prennent que des gens connus, là ils ont eu un coup de cœur pour nous et cela m’a fait du bien que ces gens là puissent encore prendre un risque avec des inconnus. »