Agnès Bihl, chanteuse « chiante »

Agnès Bihl, chanteuse « chiante »

Aux antipodes des chanteurs mous pour bobos qui inondent les ondes publiques, Agnès Bihl vient de nous livrer un album bien affûté. Merci maman merci papa, un CD pour ne pas dire merci à ce monde cannibale.
Il y a quatre ans, Agnès l’espiègle lançait La Terre est blonde, un CD autoproduit tonitruant. À 26 ans, la blondinette sortait ses crocs. Les salauds de tout poil n’étaient pas à la noce. L’Enceinte Vierge pourrait par exemple devenir l’hymne des anticléricaux.

Le Joli mois de mai, Les Enfants des morts, L’Amour en poudre sont à mettre au catalogue des titres très singuliers. Quant à Viol au vent, ça s’écoute en serrant bien fort les poings et les dents.

La rebelle au bois dormant n’a pas sa pareille pour emballer les grands maux dans des textes acides et ironiques. Comme disait Boris Vian, l’humour est la politesse du désespoir... Dans la même veine douce-amère, le nouveau titre Merci maman merci papa offre un panorama sombre et, hélas, lucide, de la planète. « Les hommes naissent libres et égaux en droits, mais ça dépend du lieu... » Et commence le voyage au bout de l’enfer. « Des millions de gosses mangent de la viande juste quand ils se mordent la langue », « La méd’cine fait des pas de géant et le sida recule en bloc, seul’ment les poules auront des dents avant qu’l’Afrique ait des médocs », « On blesse un gosse, on viole sa mère, on file des armes à son p’tit frère »... 3’37 de tir tendu contre le tourisme sexuel, le travail des enfants, les génocides, entre autres saloperies.

Dans cet univers-là, pas facile de grandir. Pourtant, un jour ou l’autre, faut être adulte. Agnès vient de fêter ses trente ans, mais elle n’a pas perdu le sens de la pirouette. Avec sa voix canaille et ses textes ciselés, elle asticote les bonnes manières. Elle égratigne les mariages à la campagne. Elle taquine les ados qui ont le cœur entre deux âges. Elle console les femmes en peau de chagrin. Autre titre émouvant, écrit par la jeune maman d’une petite fille, Papa dimanche tordra les tripes de tous ceux qui ont vu des princesses de quatre ans promener leur papa du dimanche. Si cet album est plus intimiste que La Terre est blonde, Agnès ne trahit pas sa réputation d’effrontée, de peste et de furie.

En bouclant la boucle avec Méchante, elle nous rassure. « Je suis méchante et ça m’enchante », dit le refrain après avoir raillé les mecs. « D’ailleurs ils ont une âme et c’est l’meilleur ami d’la femme... » Enfin, on notera une belle reprise de La Complainte des filles de joie de l’ami Brassens.

Qu’elle chante l’enfance ou la vieillesse, les femmes ou les hommes, Agnès Bihl met toujours dans le mille. En plus, elle a une gueule d’ange. « C’est affreux, dit-elle, c’est le syndrome des cheveux blonds. Mais si j’ai l’air douce et charmante, ce n’est jamais que du trompe-l’œil ! » Les bonnes âmes sont prévenues. Ceux qui voudraient lui donner le bon dieu sans confession risquent de prendre un vigoureux Ni dieu ni maître dans les arpions.

Après avoir découvert la chanson un peu par hasard en allant écouter Allain Leprest dans un cabaret libertaire, après avoir chanté pendant des années dans les cafés et les manifs, après avoir séduit Anne Sylvestre et une colonie de fidèles, l’intermittente mutine prend un nouveau chemin. Produite par Gérard Davoust (éditeur de Linda Lemay), Agnès Bihl part à la conquête d’un public très en manque de rimes grinçantes. Ça va agacer les sabres, les goupillons et tous les cons. Nous, les chanteuses chiantes comme ça (et fière de l’être), on en redemande.
Paco

Agnès Bihl, Merci maman merci papa (Naïve/2005) ; La Terre est blonde (Amalgammes/2001).


Agnès Bihl en concert du 11 octobre au 5 novembre (relâche les dimanches et lundis) au théâtre du Renard à Paris ; le 20 novembre, à 16h, au Théâtre du Petit Ouest à Rouen (festival Les Chants d’Elles) ; le 2 mars 2006 à Villejuif au théâtre Romain-Rolland (1ère partie de Maxime Le Forestier) ; le 11 mars 2006 à Trappes (festival des Voix féminines).
Plus d’infos sur son site

Agnès Bihl en concert du 11 octobre au 5 novembre (relâche les dimanches et lundis) au théâtre du Renard à Paris ; le 20 novembre, à 16h, au Théâtre du Petit Ouest à Rouen (festival Les Chants d’Elles) ; le 2 mars 2006 à Villejuif au théâtre Romain-Rolland (1ère partie de Maxime Le Forestier) ; le 11 mars 2006 à Trappes (festival des Voix féminines).
Plus d’infos sur son site