Quintett de Gillon et Giroud (Dupuis/empreintes)

Quintett de Gillon et Giroud (Dupuis/empreintes)

La Première Guerre mondiale a marqué l’avènement de l’ère moderne et l’impact qu’elle a eu sur la société occidentale a été (et demeure) tellement notable que cette période est encore source inépuisée d’écrits de toutes sortes. La bande dessinée n’échappe pas à cette fatale attraction ; même si l’intérêt est plus tardif. Justement c’est, disons-le, Tardi, via le truchement de Céline qui s’y est intéressé le premier. Avec sa guerre des tranchées (et Brindavoine qui croise Adèle avant ce succès mérité), il se libère de la tutelle du génial écrivain et du docteur antisémite et livre sa vision des choses.

Après, la brèche cède le passage à toute une charge de scénaristes et de dessinateurs parmi lesquels on a noté dernièrement le talent de De Metter et Catel (« Le sang des valentines »/Casterman), Le Henanff et Fabuel (« Les Caméléons ») ou Boisserie et Stalner avec la plus commerciale mais non moins enlevée série de « La croix de Cazenac » (Dargaud). Avec « Quintett » de Giroud (scénario) et de Gillon (dessinateur), le lecteur retrouve cette période de fin de monde propice à tous les scénarii. Si Giroud nous avait enthousiasmé avec son décalogue et ses dix dessinateurs différents, il convient d’avouer ici que tel n’est pas le cas avec ce second mouvement : histoire d’Alban Méric (le premier mouvement s’intitulait tout simplement histoire de Dora Mars ; toujours chez Dupuis).

Sur le même principe, Giroud convie plusieurs dessinateurs à l’accompagner et livre sa vision d’un conflit terrible et révélateur de la palette des comportements humains. Le plus : les angles d’attaque. A savoir la guerre des Dardanelles. Cela pourrait sentir le Capitaine Conan mais en réalité le soufflé s’affaisse aussitôt. Comme dans le premier volume, le scénariste n’épargne pas le lecteur de poncifs : les aviateurs font grimper les filles en l’air, au septième ciel bien entendu, ils sont pimpants et friands de coups d’éclats et non pas d’obus ou de mitrailleuses, sont de parfaits gentlemen qui ne perdent pas leur exquise politesse, sont fortunés, etc... A croire que Frank Giroud n’a pas lu Kessel ou Jules Roy.

Les lieutenants tel Alban Méric, fils de bonne famille, sont férus d’archéologie et d’hellénisme à l’heure où la boucherie est de mise. Manolis, son ordonnance, fidèle, ne regimbe pas devant la tâche, véritable profession de foi et offre même son corps au bel homme moustachu. L’amour éclate à l’instar d’une bombe dans une paisible ville de garnison où la virilité est la seule monnaie connue. Un sergent, Grall, « un profiteur sans scrupules et sans moralité comme en comptent toutes les armées, et auquel la rumeur attribuait nombre de petits trafics », s’exerçant au difficile art de la photographie saisit les amours interdites des deux hommes et les fais chanter : escalade !

Pour payer le maître chanteur (de loin en loin, on suit Dora, qui elle continue à s’exercer avec ses acolytes militaires en vue du grand récital qu’elle donnera aux armées pour remonter le moral de la troupe mais pas le nôtre), le lieutenant chargé de dresser l’inventaire des trésors d’un monastère subtilise quelques icônes et autres bimbeloteries de pierreries. Au moment de mettre à l’abri ledit trésor, la troupe française (tirailleurs sénégalais) se fait accrocher par des soldats allemands et des supplétifs turcs. Certains sont faits prisonniers. Alméric au grand cœur se fait capturer pour négocier leur liberté contre les trésors qu’il détient : il a reconnu dans leur commandant son professeur allemand qui lui dispensait un séminaire de haute tenue à Berlin durant son doctorat.

Le sempiternel mythe de l’Allemand cultivé et docte que les arts libèrent de sa raideur et de sa barbarie... n’y résiste pas ! On est bien loin de Vercors.

Enfin bref, on s’ennuie tant cela est cousu de fil blanc. Ce qui sauve la bande dessinée pour l’heure : c’est son début et sa fin : à qui appartiennent ses mains de bourgeois qui semblent éparpiller un héritage de souvenirs sur une table ? Affaire à suivre en espérant que les autres mouvements seront plus allegro ou plus forte !