Le net cache-t-il des talents littéraires méconnus ?

Le net cache-t-il des talents littéraires méconnus ?

Le Mague, toujours prêt à aider son prochain, propose, dans cet article, des solutions à tous les littérateurs frustrés du net qui voient de jour en jour la qualité de la littérature actuelle baisser, l’intelligence des auteurs reculer, le pognon gagné par les grands auteurs augmenter et leur boîte email de petit blogueur tous les jours désespérément vide de propositions de M. Gallimard ou M. Grasset reconnaissant objectivement, et avec des excuses, leur talent littéraire grandiose qu’ils déploient sur leur blog à raconter leur vie contingente.
Fantasme, quand tu nous tiens

Soyons clair : la publication papier cristallise de grands fantasmes parmi les gens de mon espèce qui ont la prétention d’écrire et de se publier sur le net, en pensant que ce qu’ils vont dire pourra intéresser d’autres gens.

Le blog est devenu, de nos jours, l’outil de prédilection des frustrés qui ne sont pas des écrivains ou des journalistes reconnus et qui sont donc obligés de se contenter de se publier sur le net, sans être « vraiment » publié.

Notre génie mérite mieux !

C’est certain, et le Mague est le premier à le clamer haut et fort, les génies se comptent par millions sur le net !

Tous ces blogueurs auraient la capacité d’écrire « Les Misérables » de Victor Hugo (qui par ailleurs écrit encore dans Le Mague, pour ceux qui ne le sauraient pas), de pondre « Le vierge, le vivace et le bel aujourd’hui », de faire du Proust ou du Céline au kilomètre ou de nous faire chier aussi bien qu’Hegel sait le faire. Encore faudrait-il leur en laisser la possibilité ! Comment accepter l’outrecuidance de la défunte NRF et des éditeurs ayant pignon sur rue de négliger autant de talents, de contribuer à la frustration de tant d’artistes, que dis-je, de la forger ?

Le Mague s’insurge contre ce mépris de l’establishment littéraire français devant le vivier incroyable que représente sa rédaction dont les incroyables vertus littéraires sont bien au dessus de la moyenne des graphomanes miteux dont les excréments névrotiques peuplent les rayons de nos librairies poussiéreuses en ces temps de rentrée littéraire aux 666 bouquins inutiles et chiants et de gasoil trop cher ! Luttons, chers lecteurs, pour que notre talent à tous soit reconnu par ces momies de l’édition en décomposition qui régissent le monde franchouillard de l’écrit à coups de Houellebecq et d’Onfray dont on achète les opus plus pour se gargariser en société ou pour draguer les meufs que pour la qualité littéraire et intellectuelle des navrantes ou inintéressantes sornettes et balivernes qu’ils nous racontent !

Crions notre désespoir de n’être pas journaliste à Libé ou au Monde, nous qui, gorgés de la télé réalité de TF1 ou des émissions prise de tête d’Arte, avons néanmoins des milliers de choses extrêmement intéressantes à dire au monde entier sur nos dernières vacances à la Grande-Motte, notre dernier poème écrit sur un rouleau de papier chiottes ou ce que nous pensons d’un cyclone qui frappe les Etats-Unis que nous ne connaissons que par des images que nous voyons les yeux bovins, en mangeant le soir, assis autour d’une table silencieuse, en nous disant intérieurement : « tiens, je reprendrais bien un peu de dessert » !

Franchement, chers lecteurs avides du Mague, je suis d’accord avec vous : notre talent - votre talent ! - est spolié ! Nous sommes méprisés ! Pourquoi les grands éditeurs ne vont-ils pas lire mon blog ? Hein ? Pourquoi on ne publierait pas en papier l’histoire de ma vie ou une interview de mon chien ? Hein ?

Les bonnes recettes du Mague

Pour entretenir votre orgueil à tous, chers lecteurs du Mague, chers rédacteurs du Mague - et cher moi ! -, pour vous flatter dans le sens du poil, je vous propose la solution à tous vos problèmes : la « méprisante attitude ».

Un seul leitmotiv : feignez le mépris. Faites comme si vous étiez au dessus de ce genre de considérations bassement matérielles que sont le titre d’écrivain, le succès, l’argent, les groupies, les interviews dans les suppléments littéraires des quotidiens.

« Ah bon, je devrais envoyer mes manuscrits à des boîtes d’édition pour être en concurrence avec des nabots ? Je devrais me compromettre à courtiser ces abrutis qui adorent Alexander Garden ? Il faudrait que je m’abaisse à écrire un roman qui soit la deux cent cinquante millième copie de l’Extension de Michou ? Quoi, je devrais travailler dur pour percer dans un monde qui pourrait reconnaître, objectivement mon talent hors normes ? »

« Alors là, mes amis, excusez-moi, mais ça sera sans moi. Je ne suis pas un auteur du compromis. Je serai postère, enfin j’accéderai à la postérité, une fois mort, je le sais bien. J’ai beau être un poète journaliste écrivain maudit, je suis trop talentueux pour mon époque. L’époque, vous savez, n’est jamais tendre avec ses génies et les gens comme moi, s’ils sont vénérés sur leurs vieux jours, sont obligés de vivre une certaine bohème avant d’être reconnus pour de vrai. Le monde ne sait pas ce qu’il perd, mais c’est comme cela. Il faut accepter avec modestie le fait d’être un précurseur, voire un avant-gardiste. Ce n’est pas toujours simple, mais comme je suis grand seigneur, je les pardonne pour leurs erreurs... »

Vous pouvez aussi faire comme Miller qui disait qu’il était un grand écrivain avant d’écrire une seule ligne (mais il était un peu comme Sollers, il le disait pour se faire des meufs, je crois).

Le mot de la fin

Un conseil quand même pour ceux que cette recette miracle ne saurait satisfaire : travaillez l’écrit, rabaissez votre caquet et jouez le jeu si vous êtes motivé. Jamais personne ne viendra vous dénicher, vous et votre prétendu génie, tout génial que vous puissiez être. Ou vous êtes quelqu’un ou le fils de quelqu’un, ou il ne vous faudra pas que du talent.