l’Enfance de l’Art en questions...

l'Enfance de l'Art en questions...

L’art n’est pas une forme, il s’agit d’un mouvement de l’esprit qui tend à reproduire la réalité autrement qu’elle n’apparaît selon nos règles et nos usages communs. Il ne s’agit même pas de volonté, mais tout simplement d’un besoin, d’un élan vital qui nous conduit là où nous ne devrions jamais nous rendre. Nous ne savons rien de l’art, parce qu’il nous échappe en partie, il n’est pas forcément en nous, mais bien souvent à la lisière de nous-mêmes, en dessous de tout, en dehors de nous. Jamais achevé, terminé, il nous consume de l’intérieur comme un être vorace dont nous ne savons rien. Insatiable, indéterminé, figure de l’Autre et jamais partie de nous-mêmes, il nous règle pourtant à ses envies et à ses besoins. Il faudrait être infirme pour ne pas vouloir y participer, mais la plupart préfèrent se taire.

Nous ne sommes pas nés ainsi, mais il nous appartient de choisir, de faire déférence ou pas. Et l’art guide nos pas. En fait, je crois que nous ne savons pas grand chose, nous voulons sans doute expliquer, mais c’est toujours insuffisant parce qu’il n’est pas possible d’exprimer ce que nous ressentons. Et l’identité n’a rien à voir dans tout cela, il ne nous appartient pas de revenir sur ce que nous arrivons à dessiner, à entrevoir. Rêve des mots, magie du divin qui se révèle en nous de la manière la plus triste possible.
Tout cela dans le but de guetter l’inconnu, de parfois lui faire face, de s’effacer aussi. Mépriser ce qui nous appartient, se révéler à nous-mêmes de manière obtuse. Le lien est ténu, c’est lui qui nous guide, qui nous laisse voir, qui imprime la distance. Il est toujours là, présent à notre esprit, de manière propre à savourer la distance qui nous sépare des autres hommes, tous aussi inconnus si ce n’est qu’à travers une série de codes qui nous est imprimée dès l’enfance.

L’art enfante le monde. De manière brutale, parce qu’il n’est pas possible d’enfanter d’un chaos sans soucis. L’art est le chaos. Intemporel, insoumis, propre à nous faire dévier de la ligne. Peut-être est-ce là bien pire que la mort.
Plus rien n’existe, même pas le regard des autres. Surtout, ne pas regarder ailleurs, ne pas dévier de la ligne qui nous a été fixée dès l’origine. Même si elle croise à peine celle des autres, même s’il n’existe pas d’intersections. La plus triste des figures nous est parfois fidèle, le plus beau des livres ne nous laisse plus rien à voir. Il faut savoir s’épancher, se nourrir de la vie pour créer cette chose étrange que l’on ne soupçonne pas. L’art plait parfois aux inconnus, c’est à dire ceux qui sont étrangers à ce que nous sommes vraiment et cela, nous ne le savons pas pourquoi. Il existe parfois ainsi des villages, il subsiste encore quelques grottes, mais nous ne savons sans doute pas grand chose de ce qui nous manque. Peut-être faut-il partir à la recherche pour être quelque peu artiste, ne rien savoir des autres ou du moins avoir mal compris les choses. L’art naît souvent d’une confusion, de paroles qui n’ont jamais été prononcées, d’explications mal énoncées.

Alors, il faut tâtonner et puis peut-être, tout de même, savoir s’arrêter en chemin. Mais personne ne sait très bien où fixer la limite, où il semble opportun de jeter une barrière. S’agirait-il d’un songe, nous ne savons pas très bien quand est-ce qu’il faudrait se réveiller. Tout cela est étrange. Aucun mot n’arrive à approcher cette vision naïve du monde qui fait de nous des artistes. L’usage veut que nous fassions partie du monde, mais je doute qu’il s’agisse de la réalité. Non, tout est si différent pour nous que je me permets de douter. Le mouvement est là, présent en nous, et ceux qui veulent nous comprendre peinent à capturer du vent dans leurs filets. En réalité, personne ne peut comprendre, pas même nous, qui sommes pourtant au centre.