Essai : Houellebecq ou la provocation permanente

Essai : Houellebecq ou la provocation permanente

Premier constat de cette fameuse rentrée littéraire 2005, celui que l’on nage dans un curieux paradoxe qui nous fait nous interroger sur la notion même de « critique » en France.
Michel Thomas dit « Houellebecq » est sans nul doute, depuis 10 ans, l’auteur français, et peut-être même francophone, le plus lu, médiatisé et commenté, et pourtant, à ce jour, très peu d’observateurs se sont posés des questions simples, directes et pertinentes vis-à-vis de l’appréciation et de la compréhension de ce phénomène.

Par copinage, fainéantise intellectuelle, mauvaise foi, calcul marketing, stratègie de goupe ou l’on ne sait quoi encore, on a pris pour argent comptant un auteur, on a créé un consensus absolu autour de lui, on l’a validé et mis à une place littéraire peut-être totalement inappropriée dont lui-même est devenu le prisonnier.

Mis à part Pierre Jourde et Eric Naulleau, de trop rares journalistes ou hommes de Lettres ont pris la peine de se poser les bonnes questions - justes et sans affect ou règlement de comptes - par rapport à la production houellebecquienne.

C’est pourquoi l’Essai de Jean-François Patricola fera très certainement date, il arrive dans cette rentrée, plein de fraîcheur et de lucidité et fait du bien au sens critique. Il a le mérite d’aller décoder aux tréfonds des comportements de l’auteur, de bien mettre en avant les faiblesses stylistiques de son écriture et les limites de ses discours et provocations.

Patricola est véritablement un des premiers, par exemple, à situer Houellebecq vis-à-vis de ses contemporains littéraires, à revenir au texte proprement dit, et à s’interroger de manière documentée et audacieuse sur la posture littéraire de l’auteur des « Particules élémentaires ».

« En effet, dès l’instant où Michel Thomas prend un pseudonyme pour écrire, il entre de plain-pied dans la question de la posture littéraire. Dès l’instant encore où, invité à la télévision, il parle de lui en usant de la troisième personne ou du prénom Michel, comme ses personnages, mélangeant à dessein les interventions, il renforce encore la question de la posture littéraire. Dès l’instant enfin où les niveaux de narration s’abîment dans ses écrits, Michel Houellebecq confirme la nécessité du questionnement de la posture littéraire et ancre l’idée de la tartufferie ; c’est-à-dire de la position qu’il entend occuper sur le plan de la littérature et sur le plan politique et social. P. 25. »

Contrairement aux autres auteurs ayant travaillés sur Houellebecq à travers un livre de commentaires, Patricola a le mérite d’avoir lu tous les journaux francophones ou étrangers, exploré tous les sites Internet (dont le trop pathétiquement célèbre AMH, site des « amis de Michel Houellebecq » tenu par une poignée de fans hystériques avec à sa tête l’emblématique Josette dite « Michelle » Levy dont le portrait est largement dressé dans ce livre).
On remarquera aussi dans « Houellebecq ou la provocation permanente » de nombreuses comparaisons avec des auteurs du passé (Stendhal, Beckett, Hegel, Flaubert, Schopenhauer, Proust, Maurras, Mauriac, Debord,...) ou du présent avec le parcours parallèle avec le réactionnaire, islamophobe, écrivain de polars métaphysiques et exilé au Canada Maurice G. Dantec.

« Houellebecq ou la provocation permanente » est donc un livre ovni qui ne ressemble à aucune autre production existante sur Houellebecq, mélangeant habilement un travail sérieux et méticuleux d’universitaire et une écriture forte, chirurgicale, sincère, honnête et sans compromis qui frappe là où ça fait mal, mais avec respect et dignité. Patricola a combattu les idées reçues et la littérature s’en trouve grandie, surtout que son ouvrage est lisible par un large public et très accessible aux érudits, comme au lecteur moyen.

Un essai, en tout cas, en phase avec son époque qui ne juge pas mais nous aide dans notre réflexion. celui qu’on attendait depuis longtemps.

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« Houellebecq ou la provocation permanente », Jean-François Patricola, Ecriture, 282 pages, 18 euros.

« Houellebecq ou la provocation permanente », Jean-François Patricola, Ecriture, 282 pages, 18 euros.