Quand Onfray fait la morale à Houellebecq

Le philosophe français indépendant sort la grosse artillerie pour descendre un imprécateur concurrent dangereux. Dans cet article, des révélations, exclusivité le Mague, sur le combat cosmique qui est en train de se dérouler dans notre dos à l’heure actuelle, une vraie Guerre des Etoiles littéraire. Le premier coup a été porté par Onfray... Michel, qu’est-ce que tu attends pour dégainer ton sabre laser ?

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Houellebecq

Avouons-le, le Mague n’était pas dans les petits papiers de Fayard pour avoir un exemplaire du livre le plus secret de tous les temps, La possibilité d’une île, de Michel Houellebecq, en avance de phase. Nous n’avons donc pas lu le livre, mais nous connaissons un peu la prose du plus provoc des écrivains français actuels pour pouvoir épingler un Torquemada bien pensant profitant de la tourmente médiatique qui hurle de nos jours autour de l’écrivain polémique.

Le livre n’est pas sorti, peu de personnes l’ont effectivement lu. Et pourtant la polémique fait rage, quelques jours avant sa sortie. Tout le monde se sent obligé de se positionner sur le coup de pub de Fayard : les intellectuels sont consternés car Houellebecq rafle la vedette de cette rentrée littéraire ; les journalistes font la fine bouche en parlant d’une resucée de ses derniers bouquins ; et tout le monde crie « haro sur le livre comme produit de grande consommation ! ». On rigole bien en tous cas. Ils nous font toujours un peu le même spectacle.

Zorro est arrivé

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Onfray

Dans ce déballage de bonnes intentions, de poncifs et de jugements faciles, de protection concernée d’une production littéraire française souvent médiocre, trône notre alter philosophe national Michel Onfray (il y a quelques années, BHL était inévitable, maintenant c’est lui). Et de saisir l’occasion pour déblatérer sur Houellebecq dans le magazine Lire (voir référence en fin d’article). Un Michel tire sur l’autre...

Méprisant à souhait, fort de sa lecture supérieurement alternative de la philosophie à l’université Populaire de Caen, Michel, pas Houellebecq mais Onfray, dénigre le bouquin de Michel, pas Onfray mais Houellebecq, en en proposant une lecture psychanalytique primaire de l’œuvre et de son auteur.

« [...] épargnons l’auteur et contentons-nous du héros de cette Possibilité d’une île. Lisons : physique ordinaire, tempérament introverti, volonté affichée de revanche sociale, compensation d’une disgrâce naturelle par le succès médiatique et mondain, résidence espagnole de nouveau riche, jubilation à distiller la méchanceté à plein alambic, fixation monomaniaque sur son compte en banque, sexualité minable. Effectivement, rien à voir avec Michel Houellebecq. Ce héros est bel et bien un personnage de composition. »

Le public appréciant Houellebecq est, comme l’ensemble de l’establishment de la philosophie français, un peu navrant lui aussi, parce qu’il n’a rien compris. Heureusement, Onfray, venu sur son grand destrier blanc, nous explique, à nous qui n’avons rien compris.

« En fait, [Houellebecq] illustre et incarne le cynique vulgaire du moment ; il prend la maladie pour un remède, de facto, il empoisonne. Et nombreuses sont les petites santés qui s’extasient. »

Il y en a pour tout le monde et heureusement que le grand Michel Onfray vient nous parler de Diogène pour que nous puissions faire sensation dans les salons où l’on casse du Houellebecq, puisque telle est la tendance de cette rentrée.

Ca faisait longtemps qu’on n’avait pas parlé de Houellebecq

Au Mague, je crois qu’on peut dire qu’on l’aime bien, nous Houellebecq, peut-être d’abord parce qu’il secoue un peu ce monde poussiéreux de l’édition française et qu’il oblige les gens à devenir des caricatures d’eux-mêmes, à se montrer face découverte, à se positionner. En plus, il dit des gros mots, est cynique et vulgaire à l’extrême et crache sur des certitudes bien ancrées dans notre petite société.

Le véritable problème Houellebecq est de savoir comment le lire. Car qui a dit que l’auteur de Lovecraft, contre le monde, contre la vie est un imbécile ? Pas nous (voir en fin d’article un lien vers une tentative de lecture alternative dudit). Quel est le bon niveau de lecture pour Houellebecq, celui du milieu des Particules élémentaires, violent et lourd, névrosé, ou celui de la fin, rêveur, éthéré, fantasmatique ? Le sieur pourrait bien s’amuser des lectures basiques de ses livres et des commentaires ras les pâquerettes de ses détracteurs.

Que vient faire Onfray dans cette galère ?

Car, c’est certain : Onfray a des raisons d’être envieux : tout philosophe génial qu’il s’autoproclame, son traité d’athéologie sera relégué dans les limbes du box-office littéraire par le dernier Houellebecq. Oui, ce dernier gagne de l’argent, beaucoup d’argent. Et c’est pour cela qu’il est un génie du mal dont le dernier cadavre est celui de la rentrée littéraire française 2005 !

En fait, Onfray a un autre problème avec Houellebecq, plus sérieux celui-là : un problème de concurrence. Lui, le prophète de l’hédonisme, type Richard Gere en version intello, l’annonciateur du bonheur, l’apporteur de lumières et de sens aux limités intellectuellement que nous sommes trouve en Houellebecq un adversaire redoutable : pas beau, grossier, méchant mais héraut de la fin du monde.

C’est à une bataille mythique que Michel Onfray convie Michel Houellebecq :
- philosophie contre littérature,
- beauté contre laideur,
- érudition contre dégueulis,
- bonheur hédoniste contre malheur structurel,
- conservatisme athée contre clonage raëlien.

Onfray est devenu le nouveau croisé athée de cette mission contre le mal, le prophète du bien laïque qui va guerroyer avec le nouveau prophète du mal et ses manigances financières ! Quelle leçon de morale grandiose ! Quelle scène digne des plus grands films de Cecil B. De Mille ! Il ne manquerait plus qu’un talk show en prime time sur Arte et nous sommes à la limite de l’évanouissement !

Conclusion ou comment se réconcilier avec tout le monde

Bravo Michel Houellebecq pour ton livre que nous n’avons pas lu mais qui est inévitable manifestement. Bravo Michel Onfray pour avoir su, une nouvelle fois, surfer sur la vague médiatique d’un plus balaise que toi pour vendre ton traité d’athéologie. Bravo aux écrivains haineux d’écorner le succès de leur collègue dont ils sont jaloux. Bravo aux journalistes de créer un événement dans ce bien pauvre paysage littéraire.

Pour ma part, je lirai le bouquin quand tout se sera calmé. Tiens d’ailleurs, ça me fait penser, il faudrait que j’achète Plateforme.

Le roman de la petite santé, par Michel Onfray.

Sur le net : Houellebecq ou le Lovecraft moderne.

Le roman de la petite santé, par Michel Onfray.

Sur le net : Houellebecq ou le Lovecraft moderne.